Le Journal de Quebec

et Jean-louis Fortin en

Neuf secondes. C’est le temps dont disposent les employés des nouveaux entrepôts d’amazon au Québec pour récupérer un article sur un curieux chariot robotisé jaune qui s’amène devant eux.

- Jean-louis Fortin Directeur du Bureau d’enquête

Ils doivent consulter un écran pour repérer dans quel casier du chariot se trouve l’article, parfois monter dans un escabeau ou se pencher, et récupérer l’article.

Et après, il faut recommence­r ce manège avec un autre article dans les 9 secondes suivantes. Et ainsi de suite, toutes les 9 secondes.

Leurs collègues à l’emballage ont quant à eux moins d’une minute pour effectuer les opérations suivantes : scanner tous les articles d’une commande, récupérer la boîte appropriée, y placer les articles, mettre des matériaux de remplissag­e pour éviter que la marchandis­e soit endommagée pendant le transport, fermer la boîte avec du ruban adhésif.

Ils effectuent ces tâches debout, pendant des quarts de travail qui durent dix heures et demie, constammen­t surveillés par des caméras.

Tout est compté et calculé, et le patron observe la cadence de chacun en temps réel sur son écran.

Ça vous tente ?

Vous avez de la chance, Amazon recrute, pour 2,50 $ de plus que le salaire horaire minimum.

TRAVAILLER INCOGNITO

Notre Bureau d’enquête peut aujourd’hui vous montrer tout ça parce que notre journalist­e, Dominique Cambron-goulet, a travaillé incognito pendant cinq semaines dans un de ces nouveaux entrepôts, à la fin 2020, muni d’une caméra cachée.

Aucune entrevue d’embauche n’était nécessaire. La seule fois où il a parlé à des êtres humains avant sa première journée de travail, c’était lors d’une rencontre de moins de deux minutes pour faire prendre sa photo et présenter son permis de conduire et sa carte d’assurance sociale.

Il en témoigne dans des reportages que vous pourrez lire aujourd’hui en pages 4-5 et 32 à 25, ainsi que demain et lundi.

Je vous invite également à voir L’envers d’amazon, un documentai­re qui suit sa démarche, diffusé depuis peu sur Club illico.

LA RÉALITÉ SANS FILTRE

L’intérêt public de notre reportage et de la méthode utilisée prend sa source dans les allégation­s qui se sont multipliée­s, notamment aux États-Unis, sur les conditions de travail et le traitement discutable­s que réserverai­t Amazon à ses employés.

Amazon vient d’ouvrir ses deux premiers entrepôts au Québec, dans l’arrondisse­ment Lachine de Montréal et à Saint-hubert. Un troisième doit bientôt être en activité à Coteau-duLac, en Montérégie. Nous voulions savoir si l’entreprise allait adapter ses pratiques aux lois du travail plus sévères chez nous.

Si notre journalist­e avait contacté Amazon en se présentant comme tel et en demandant des informatio­ns sur la réalité dans les nouveaux entrepôts, aurait-il eu droit à la même démonstrat­ion ?

Nous sommes convaincus que non.

Notons qu’amazon a refusé notre demande d’entrevue pour réagir à nos trouvaille­s, se contentant de réponses laconiques par courriel voulant qu’elle respecte toutes les lois du Québec.

LE PRIX DU COMMERCE EN LIGNE

La nouvelle économie du commerce en ligne, c’est à ce prix. Les articles que nous commandons confortabl­ement assis sur le divan, et qui sont livrés à notre porte dans un délai maximal de 24 heures, c’est à ce prix aussi.

Au Québec, le taux de chômage diminue et se situe à un niveau remarquabl­ement bas, malgré la pandémie dont on émerge à peine. Mais les nouveaux emplois ne sont pas tous des « jobs payants à 30 $ ou 40 $ l’heure », dont François Legault parle si souvent.

Il y a aussi les emplois chez Amazon.

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PHOTO CAPTURE D’ÉCRAN Notre journalist­e a travaillé incognito pendant cinq semaines chez Amazon
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