La solidarité, ça existe aussi dans l’univers des produits financiers
Lorsqu’on pense à l’industrie des services financiers, on imagine spontanément un monde où s’imposent les lois de « chacun pour soi » et d’« au plus fort la poche ». Pourtant, on retrouve le principe du « tous pour un » dans de nombreux produits financiers.
Oui, de la solidarité, les amis ! On aime ça, mais jusqu’à un certain point. Faisons le tour, puis voyons où ça accroche.
LA SOLIDARITÉ DANS L’ASSURANCE
C’est le principe même de l’assurance de dommage. Prenez seulement votre habitation. Après un incendie, le coût de reconstruction et des pertes matérielles sont défrayés par les autres assurés.
Les assurances vie temporaires reposent sur la même logique. Les primes amassées auprès de l’ensemble des clients servent à dédommager les malheureux.
Ce qu’il y a de particulier avec l’assurance, c’est que la vaste majorité des assurés versent des primes toute leur vie sans subir le moindre sinistre. On paye sans rien recevoir en retour, sinon la tranquillité d’esprit, et on ne trouve pas matière à chialer.
MISE EN COMMUN DES RÉGIMES DE RETRAITE
La formule de mise en commun s’applique aussi dans les régimes de retraite, sauf que tout le monde récupère au moins une partie de ses billes. Avec le Régime de rentes du Québec (RRQ), par exemple, chacun des participants touchera quelque chose, du moins ses proches en cas de décès prématuré, mais rien ne garantit qu’on récupérera tout ce qu’on y a investi.
La beauté d’un tel régime, c’est qu’il continue de payer aussi longtemps que vivra le rentier. C’est possible grâce au transfert de ceux qui décèdent prématurément vers ceux qui survivent très vieux.
Au départ, tout le monde a la certitude de recevoir une rente pour la vie, mais personne ne sait qui en profitera le plus longtemps. C’est le principe du jeu, et les perdants n’ont jamais l’occasion de ruminer la défaite.
Les régimes de retraite à prestations déterminées (les fonds de pension d’employeur) sont aussi basés sur une mécanique qui profite aux participants qui se rendent à un âge avancé.
Comme avec le RRQ, ces régimes sont alimentés par les participants et leur employeur qui cotisent à chaque paie, aussi longtemps que l’employé reste au service de l’organisation. Ces régimes proposent de nombreuses options, comme des garanties de paiement minimum ou le transfert de la rente au conjoint en cas de décès prématuré. En principe, le montant de la rente diminue si on se prévaut de ces options.
Il y a aussi un autre choix : retirer ses fonds d’un coup pour le gérer soimême.
LA RENTE VIAGÈRE QUI FAIT DÉCHANTER
Voilà qui m’amène aux rentes viagères vendues par les assureurs, un produit qui n’est pas des plus populaire. L’actuaire et planificateur financier Daniel Laverdière s’en désole. Il ne recommanderait pas à tout le monde l’achat d’une telle rente, mais trop d’épargnants qui devraient la considérer l’ignorent totalement.
Elle fonctionne selon le même principe de la mise en commun, seulement ici, au lieu de l’acheter progressivement par des cotisations réparties sur toute la vie active, on l’acquiert d’un coup.
« Il y a certainement un facteur psychologique en jeu. Pourquoi les participants à un régime de retraite à prestations déterminées optent-ils en grande majorité pour la rente, alors qu’avec les produits des assureurs, les épargnants hésitent à mettre leur argent dans un pool en échange d’une rente à vie ? », se demande le directeur du centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.
La rente annuelle semble modeste en comparaison de l’investissement initial, et il faut un certain nombre d’années avant d’entrer dans son argent et de récolter les fruits.
Et les gens ont peur de mourir avant d’atteindre ce point de bascule.
Comme s’il y avait une limite à la solidarité.