Plus que de simples draps
Au Québec, une valeur qui semble être plutôt centrale est la valeur de la famille. Ce qui nous relit est ce qui nous rend forts et le lien d’amour et de solidarité que connote la cellule familiale n’en fait pas exception. Ce lien se transpose aussi à certains objets emblématiques; des objets dont leurs créations, bien qu’elles soient initialement utilitaires, parviennent à véhiculer la symbolique familiale. Il s’agit de la courtepointe ! Un objet dont l’histoire rappelle un héritage bien à nous, mais qui évolue pertinemment à notre époque contemporaine. La courtepointe, pour ceux qui ne sont pas initiés, est un type de drap fait de plusieurs épaisseurs de tissus maintenues ensemble. La courtepointe est constituée de deux modèles de tissage. Pour le dessous et le dessus, c’est le coton ou la laine qui sont les tissus traditionnellement utilisés. Du côté de la doublure, on utilise habituellement un matelassage de fibres de coton ou de laine. La particularité de la courtepointe se traduit par la manière de maintenir ces trois épaisseurs l’une par-dessus l’autre. Il faut alors faire des points ou des piqûres réguliers. Auparavant, ce matelassage était cousu et noué à la main tout en formant des motifs décoratifs. Une charge de travail et de créativité tout à fait impressionnante nécessitant une pincée de patience… Aujourd’hui, le matelassage habituellement fait à la machine à coudre pour accélérer le processus.
L’arrivée de la courtepointe au Québec
Un retour dans le passé nous permet de mieux comprendre pour quelles raisons nous sommes familiers avec ce type de draps. À vrai dire, il faut reculer au 15e et au 16e siècle. L’arrivée des colons français se synchronise à l’utilisation de la courtepointe sur le territoire québécois. Au tout début, la confection était plus rudimentaire et les tissus provenaient du Royaume de France. Durant les années 1700, on confectionne la courtepointe avec des tissus plus domestiques (la laine grise, la toile de lin et de chanvre). De ce fait, les restants de tissus découpés, servant initialement à la confection de vêtements, retrouvaient une seconde vie en servant d’assemblage à la courtepointe. Évidemment, la période historique se superpose souvent à la culture. Le Régime anglais et l’arrivée des loyalistes (fuyant la Révolution américaine) influençaient le modèle de la courtepointe canadienne-française en variant les tissus et les motifs selon les diverses communautés de l’époque.
Les années 1800 : la Révolution industrielle
L’ouverture de la première usine de coton à Montréal (dès 1840) vient changer drastiquement la façon de concevoir la courtepointe au Québec. Effectivement, les produits de manufacture remplacent le « fait à la main », la courtepointe n’en fait pas exception. Les couleurs plus neutres issues de la fabrication domestique sont tranquillement remplacées par des couleurs plus vives provenant des imprimées manufacturées. C’est à ce moment que l’on voit apparaitre des courtepointes rouges sur fond blanc avec des tissus neufs aux allures cérémonielles. L’arrivée de la machine à coudre domestique vient toute aussi bouleverser l’évolution de la courtepointe dans sa confection. Une première usine Singer ouvre ses portes à Montréal en 1882. Cette machine de plus en plus présente dans les foyers vient changer l’assemblage des pièces de la courtepointe en remplaçant le piquage à la main. Un changement qui ne vient toutefois pas enlever le cachet de ce merveilleux objet de tissage même que plusieurs artisans l’adopteront à leur méthode.
Le 20e siècle
Au début du 20e siècle, l’art de la courtepointe subit un revers important en ce qui a trait à sa créativité. Les usines engagent des artisanes afin de créer des patrons commerciaux. Ce qui veut dire que la transmission des patrons (modèles) de courtepointes délaissait les modèles transmis par la famille et la communauté. Les artisanes avaient donc moins recours à leur imagination puisque les modèles se popularisaient au risque de diminuer la diversité des patrons utilisés. Ensuite vient la Crise économique, la récupération et l’assemblage de tissus réapparaîtra. La courtepointe devient, encore une fois, une façon d’utiliser les restants de tissus afin de garder les familles au chaud contre les grands froids de l’hiver. Durant la Deuxième Guerre mondiale, un nouveau produit détériore l’aspect utilitaire et artistique de la courtepointe. Il est question de la fabrication industrielle de couvertures. Ces couvertures, souvent moins coûteuses que le produit fait à la main, prennent une part de marché importante, et ce, au détriment de la popularité de la courtepointe. Heureusement, cette tradition n’est pas tombée dans l’oubli grâce au Cercle des fermières et à toutes les femmes qui ont voulu fermement préserver l’art de la courtepointe.
La courtepointe contemporaine
Vous l’aurez compris, auparavant, la courtepointe était surtout confectionnée par les femmes. Cependant, les choses ont changé, cet objet n’est plus seulement un objet domestique et la situation des genres a aussi évolué. Maintenant, on compte aussi des hommes qui s’adonnent à la courtepointe. Cet assemblage est dorénavant confectionnée avec une variété de tissus. Que cela soit par le biais d’un loisir ou par le biais d’une expression artistique, la courtepointe regorge de significations extrêmement riches qui décidément ne relève pas que de la décoration.
Mais encore…
De pouvoir aujourd’hui faire honneur à cet objet par l’entremise de diverses démarches artistiques laisse entrevoir un puissant respect envers notre passé et un héritage des plus créatifs. Bien que la courtepointe ne soit plus aussi populaire qu’autrefois, il n’en demeure pas moins que de reconnaître son utilité et son contexte de création permet d’attribuer une part de respect plus importante aux artisanes ayant silencieusement contribué à l’histoire artistique du Québec.
Sources
Hudon, S. (2018, 31 août). Petite histoire de la courtepointe au Québec. Guildes des courtepointières appliquées.
Stothers, M., Courtepointe (2013). Dans l’encyclopédie Canadienne.
Gaulin, L. (2020, 12 juin). La courtepointe : un type d’art riche en histoire. La Tribune.