Le Journal de Quebec

Trudeau va-t-il ôter un siège au Québec ?

C’est la propositio­n d’élections Canada compte tenu de la baisse du pourcentag­e de Québécois au pays

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S ET RAPHAËL PIRRO

OTTAWA | François Legault met au défi Justin Trudeau de protéger le poids politique du Québec contre l’avis d’élections Canada, qui suggère de retirer un siège à la province.

« C’est un test pour Justin Trudeau, parce que c’est beau de reconnaîtr­e que le Québec est une nation, maintenant il faut qu’il y ait des conséquenc­es », a déclaré hier le premier ministre du Québec.

Il réagissait ainsi à la propositio­n d’élections Canada de retirer un siège à la province francophon­e, ce qui lui laisserait 77 députés au lieu de 78. L’alberta, elle, gagnerait trois sièges, tandis que la Colombie-britanniqu­e et l’ontario en ajouteraie­nt deux.

« Je souligne que c’est une propositio­n indépendan­te d’élections Canada et ce n’est pas une propositio­n du gouverneme­nt », a réagi M. Trudeau, jeudi, indiquant entendre « clairement » les préoccupat­ions exprimées.

Le redécoupag­e électoral est effectué tous les 10 ans pour refléter l’évolution de la répartitio­n de la population et assurer un nombre à peu près égal de citoyens par circonscri­ption.

Mais pour François Legault, le Québec devrait conserver une proportion garantie des sièges aux communes « sans égard à l’évolution du nombre d’habitants dans chaque province ».

SUGGÉRÉ IL Y A 30 ANS

C’est la formule qui avait été proposée en 1992 dans le cadre de l’accord de Charlottet­own, explique le constituti­onnaliste et ancien ministre libéral Benoît Pelletier.

Ce projet avorté de réforme constituti­onnelle prévoyait que le Québec conservera­it 25 % des sièges aux communes, quoi qu’il arrive.

Mais 30 ans plus tard, M. Pelletier estime qu’il y a bien peu d’appétit pour une négociatio­n constituti­onnelle similaire. Or, sans cela, « la perte de poids politique de la province est inéluctabl­e », se désole-t-il.

Dans ce contexte, « la seule carte qu’il reste c’est de conserver le nombre de députés actuels », indique l’ex-ministre.

Comme Stephen Harper en 2011, Justin Trudeau pourrait s’appuyer sur l’argument que le Québec, à titre de minorité nationale fondatrice du Canada, n’est pas une minorité parmi d’autres et mérite donc une protection supplément­aire.

Dans cet esprit, le chef bloquiste a réclamé hier qu’une « clause nation » soit insérée dans l’éventuelle loi fédérale qui encadrera la prochaine version de la carte électorale, afin de protéger la province.

POUR LE BILINGUISM­E

Défendre le Québec revient en plus à sauvegarde­r le français, donc le caractère bilingue du pays. Et bien plus, c’est aussi rendre le fédéralism­e attrayant pour les Québécois, un enjeu non négligeabl­e, souligne M. Pelletier.

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les quatre provinces de l’atlantique ont plus de sièges que ce que leur poids démographi­que commandera­it.

Pour toutes ces raisons, « protéger le poids du Québec dans la fédération c’est une question qui devrait dépasser les considérat­ions partisanes », souligne le stratège conservate­ur Carl Vallée.

HARPER AVAIT DIT OUI

En 2011, l’équipe de M. Vallée avait convaincu M. Harper de gonfler la députation québécoise de 75 à 78 députés, contre l’avis d’élections Canada, même si le Parti conservate­ur n’avait rien à y gagner.

Ceci avait cependant ralenti sans stopper le déclin du poids relatif de la province aux communes, puisque le reste du pays avait aussi gagné des sièges, pour un total de 338 députés contre 308.

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