Craintes d’espionnage des drones chinois DJI vendus chez nous
Les appareils de la firme de Shenzhen sont de plus en plus populaires au Québec
« NOUS N’AVONS PAS BESOIN D’UNE VERSION AÉROPORTÉE DE HUAWEI. »
Alors que les Américains songent à bannir les drones chinois DJI pour des raisons de sécurité, des experts mettent en garde contre les risques d’espionnage liés à ces appareils vendus chez nous.
« Il n’y a rien qui empêche que ces drones-là puissent envoyer de l’information en Chine avec une éventuelle mise à jour », prévient Steve Waterhouse, expert en cybersécurité et chargé de cours à l’université de Sherbrooke.
« Il ne s’agit pas nécessairement des images en temps réel, mais de données de géolocalisation. Est-ce qu’ils pourraient faire des saisies d’écran et retransmettre ça avec les coordonnées GPS ? », s’est-il demandé.
DES AMÉRICAINS INQUIETS
Mardi dernier, un membre républicain de la Federal Communications Commission (FCC) a demandé d’imposer de nouvelles restrictions contre les drones chinois de l’entreprise DJI.
Pour le commissaire Brendan Carr, la récolte de données des drones DJI « est particulièrement troublante étant donné que la loi chinoise sur le renseignement national accorde au gouvernement chinois le pouvoir de contraindre DJI à l’aider dans ses activités d’espionnage ».
Dans sa déclaration, l’élu américain cite un ex-employé du Pentagone : « Nous savons que beaucoup d’information est envoyée en Chine par les drones DJI ».
Au Québec, ces drones gagnent en popularité. On peut se les procurer pour quelques centaines de dollars dans de grandes surfaces, comme Best Buy.
« Depuis un ou deux ans, ça a dépassé les appareils photo », a témoigné hier un employé de l’enseigne quand on lui a demandé si ces objets se vendaient bien.
Hier, Le Journal n’a pas réussi à joindre les affaires corporatives de Best Buy.
INFRASTRUCTURES CRITIQUES
– Brendan Carr, membre de la FCC
Or, pour Patrick Mathieu, expert en sécurité informatique, si le risque d’espionnage reste faible pour monsieur et madame Toutle-monde, les craintes politiques des Américains pourraient être fondées.
« C’est davantage un risque d’espionnage industriel et envers nos infrastructures critiques », explique le cofondateur du Hackfest.
« On critique beaucoup les Chinois, mais la National Security Agency [NSA], aux États-unis, peut jouer dans ce film-là », analyse pour sa part Éric Parent, PDG d’eva-technologies.
D’après lui, les autorités chinoises pourraient bien ne pas avoir mis de logiciel espion dans les drones et en glisser dans les mises à jour.
« Dans une stratégie à long terme, ils pourraient introduire des fonctionnalités qui ne seraient pas banales pour se donner un avantage militaire », soutient-il.
Cela dit, Éric Parent rappelle qu’il y a déjà énormément de jouets, de poupées et d’objets connectés dans nos chaumières. « Il faut fermer internet, si l’on veut être protégé », lance-t-il à la blague.
D’après Karim Ganame, PDG de StreamScan, le principe de précaution prévaut. « La menace n’est pas là, mais elle pourrait arriver, alors il faut être cohérent », dit-il.
« Le comportement de l’appareil peut changer avec le temps. Par exemple, si un conflit éclate, on pourrait utiliser l’équipement à son avantage », conclut-il.
Ces derniers jours, l’entreprise DJI n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues.
La bioéconomie, les systèmes autonomes (comme les drones) et les semi-conducteurs font partie des secteurs priorisés par les Américains pour des raisons économiques et de sécurité nationale, selon un document publié ce mois-ci par le National Counterintelligence and Security Center (NCSC).