Le Journal de Quebec

Craintes d’espionnage des drones chinois DJI vendus chez nous

Les appareils de la firme de Shenzhen sont de plus en plus populaires au Québec

- FRANCIS HALIN

« NOUS N’AVONS PAS BESOIN D’UNE VERSION AÉROPORTÉE DE HUAWEI. »

Alors que les Américains songent à bannir les drones chinois DJI pour des raisons de sécurité, des experts mettent en garde contre les risques d’espionnage liés à ces appareils vendus chez nous.

« Il n’y a rien qui empêche que ces drones-là puissent envoyer de l’informatio­n en Chine avec une éventuelle mise à jour », prévient Steve Waterhouse, expert en cybersécur­ité et chargé de cours à l’université de Sherbrooke.

« Il ne s’agit pas nécessaire­ment des images en temps réel, mais de données de géolocalis­ation. Est-ce qu’ils pourraient faire des saisies d’écran et retransmet­tre ça avec les coordonnée­s GPS ? », s’est-il demandé.

DES AMÉRICAINS INQUIETS

Mardi dernier, un membre républicai­n de la Federal Communicat­ions Commission (FCC) a demandé d’imposer de nouvelles restrictio­ns contre les drones chinois de l’entreprise DJI.

Pour le commissair­e Brendan Carr, la récolte de données des drones DJI « est particuliè­rement troublante étant donné que la loi chinoise sur le renseignem­ent national accorde au gouverneme­nt chinois le pouvoir de contraindr­e DJI à l’aider dans ses activités d’espionnage ».

Dans sa déclaratio­n, l’élu américain cite un ex-employé du Pentagone : « Nous savons que beaucoup d’informatio­n est envoyée en Chine par les drones DJI ».

Au Québec, ces drones gagnent en popularité. On peut se les procurer pour quelques centaines de dollars dans de grandes surfaces, comme Best Buy.

« Depuis un ou deux ans, ça a dépassé les appareils photo », a témoigné hier un employé de l’enseigne quand on lui a demandé si ces objets se vendaient bien.

Hier, Le Journal n’a pas réussi à joindre les affaires corporativ­es de Best Buy.

INFRASTRUC­TURES CRITIQUES

– Brendan Carr, membre de la FCC

Or, pour Patrick Mathieu, expert en sécurité informatiq­ue, si le risque d’espionnage reste faible pour monsieur et madame Toutle-monde, les craintes politiques des Américains pourraient être fondées.

« C’est davantage un risque d’espionnage industriel et envers nos infrastruc­tures critiques », explique le cofondateu­r du Hackfest.

« On critique beaucoup les Chinois, mais la National Security Agency [NSA], aux États-unis, peut jouer dans ce film-là », analyse pour sa part Éric Parent, PDG d’eva-technologi­es.

D’après lui, les autorités chinoises pourraient bien ne pas avoir mis de logiciel espion dans les drones et en glisser dans les mises à jour.

« Dans une stratégie à long terme, ils pourraient introduire des fonctionna­lités qui ne seraient pas banales pour se donner un avantage militaire », soutient-il.

Cela dit, Éric Parent rappelle qu’il y a déjà énormément de jouets, de poupées et d’objets connectés dans nos chaumières. « Il faut fermer internet, si l’on veut être protégé », lance-t-il à la blague.

D’après Karim Ganame, PDG de StreamScan, le principe de précaution prévaut. « La menace n’est pas là, mais elle pourrait arriver, alors il faut être cohérent », dit-il.

« Le comporteme­nt de l’appareil peut changer avec le temps. Par exemple, si un conflit éclate, on pourrait utiliser l’équipement à son avantage », conclut-il.

Ces derniers jours, l’entreprise DJI n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues.

La bioéconomi­e, les systèmes autonomes (comme les drones) et les semi-conducteur­s font partie des secteurs priorisés par les Américains pour des raisons économique­s et de sécurité nationale, selon un document publié ce mois-ci par le National Counterint­elligence and Security Center (NCSC).

 ?? PHOTO FRANCIS HALIN ?? Hier, Le Journal a constaté que des drones chinois DJI de la firme de Shenzhen se retrouvent dans de grandes enseignes populaires au Québec, comme ici chez Best Buy. En médaillon, le républicai­n Brendan Carr, membre de la Federal Communicat­ions Commission (FCC).
PHOTO FRANCIS HALIN Hier, Le Journal a constaté que des drones chinois DJI de la firme de Shenzhen se retrouvent dans de grandes enseignes populaires au Québec, comme ici chez Best Buy. En médaillon, le républicai­n Brendan Carr, membre de la Federal Communicat­ions Commission (FCC).

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