Le textile « Made in France » redécolle
La crise sanitaire a stimulé une demande plus locale et responsable, mais les usines manquent de bras
ROUBAIX, France | (AFP) Du créateur pointu au mastodonte de la mode, les projets pour produire à nouveau des vêtements dans le nord de la France se multiplient. Mais cette vieille terre textile peine à trouver des bras.
En 1999, Levi’s quittait La Bassée (Nord) pour la Turquie, laissant 541 personnes sur le carreau. Une pièce de théâtre, 501 Blues, était créée dans la foulée, portée par cinq anciennes ouvrières. Vingt ans plus tard, on annonce l’ouverture prochaine d’un atelier d’insertion, qui va produire des jeans pour 1083, marque emblématique du « Made in France ».
Onze emplois seulement, puis 27 en 2024. Mais un symbole fort, au moment où les projets de (re)localisation d’activités textile fleurissent dans la région.
La crise sanitaire a stimulé une demande plus locale et responsable. Et alors que 450 entreprises industrielles de la filière subsistent dans le nord, 15 projets promettant 4000 emplois sont soutenus par le plan de relance.
Ancienne capitale du négoce de laine, Roubaix (Nord) se voit en épicentre de cette dynamique, avec un chiffre pour mantra : relocaliser 1 % des vêtements achetés par les Français générerait 4000 emplois.
« Produire en France va coûter environ 2,5 fois plus cher, mais si on réussit à produire à la demande, sans stocks et donc sans démarques, on peut maintenir voire améliorer les marges », professe Guillaume Aélion, dont l’atelier Agile conçoit des petites collections pour des enseignes. De « 20 à 25 % de Made in France, c’est possible ! »
DU JAMAIS-VU
À Hordain, le spécialiste du textile technique Dickson-constant ouvre une seconde usine.
Et face à la demande de fils français, Safilin, parti en Pologne en 2005, rouvre une filature à Béthune (Pas-de-calais).
« Je n’ai jamais vécu ça ! » se réjouit Olivier Ducatillon, président de l’union des industries textiles et habillement Nord. Au point qu’une difficulté apparaît : le manque de main-d’oeuvre.
Si le textile ne représente plus que 14 000 emplois dans la région contre 150 000 il y a quelques années, 170 offres sont à pourvoir en confection, rien que dans la métropole lilloise.
Beaucoup de formations initiales ayant disparu, les entreprises recherchent surtout la motivation. Et forment en interne.
À Roubaix, L’ENSAIT, dernière école d’ingénieur française encore centrée sur le textile, est passée en 20 ans d’une cinquantaine d’étudiants à 130, selon son directeur.
Une École de production industrielle vient aussi d’être lancée à Roubaix, pour former en deux ans des jeunes. Ils apprennent à utiliser 14 types de machines à coudre différentes, certaines à commande vocale, avec port USB...
« Ce sont des emplois d’avenir, qui ne seront pas délocalisés », insiste le directeur, Pierre Delannoy.