Le Journal de Quebec

Un discours, un mensonge et une réputation en lambeaux

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com star

Deux obsessions tourmenten­t Washington ces jours-ci : le déclenchem­ent d’une nouvelle guerre froide et la poursuite de la guerre larvée au Congrès. Les deux sont reliées et Colin Powell porte une bonne part du blâme. Eh oui, dix-huit ans plus tard.

La potentiell­e nouvelle guerre froide, avec la Chine comme opposant cette fois, mérite les sueurs qu’elle génère. Le tir d’un missile hypersoniq­ue par Pékin, la constructi­on de centaines de silos à missiles nucléaires dans l’ouest chinois et la promesse réitérée du président Biden jeudi de « venir à la défense de Taïwan si la Chine attaque » suffisent à nous faire des peurs justifiées.

Écartons l’idée d’un remake des quarante-cinq années de tensions entre les États-unis et L’URSS ! J’ai assez donné dans la kremlinolo­gie pendant ma jeunesse universita­ire pour savoir que la Chine se montre beaucoup moins opaque et immensémen­t plus volontaire dans ses échanges commerciau­x et humains.

Puis, pas sûr que les Américains aient été si surpris par les nouvelles avancées militaires chinoises ! On en échappe très peu avec les satellites et autres capacités d’espionnage d’aujourd’hui. Je me range plutôt derrière l’analyse voulant que, pendant que les États-unis gaspillaie­nt troupes, argent et réputation en Afghanista­n et en Irak, les Chinois poursuivai­ent tranquille­ment leur bonhomme de chemin.

HOMMAGES ET DÉSHONNEUR

L’amérique s’est vautrée tout au long de la semaine dans les hommages à Colin Powell, ancien chef d’état-major interarmée­s et ancien secrétaire d’état. Le simple fait qu’il ait été le premier Afro-américain au sommet de la diplomatie du pays valide ces louanges. Pourtant, nous traînons les conséquenc­es de son discours du 5 février 2003 à L’ONU.

Il prétendait disposer de preuves que Saddam Hussein, le dictateur irakien, possédait des armes chimiques et biologique­s et développai­t possibleme­nt un arsenal nucléaire. On a vite su que tout cela était faux, archifaux. Malgré tout, les États-unis ont dilapidé en

Irak 2000 milliards $ et perdu près de 4500 soldats, alors que jusqu’à 200 000 Irakiens étaient tués. Une boucherie ruineuse! Pire encore, dans une vaste perspectiv­e géopolitiq­ue, les Américains ont sacrifié des années d’efforts et sapé une crédibilit­é chèrement acquise.

MENTIR D’HIER À AUJOURD’HUI

C’est ce déficit de crédibilit­é que Donald Trump a fini par exploiter. Il n’a rien inventé, l’ancienne de la télé-réalité : la table avait été mise pour lui. À commencer par des dirigeants politiques qui dupent pour aller en guerre, puis des responsabl­es militaires qui interprète­nt les faits de manière à légitimer un engagement guerrier sans fin.

Pendant que des centaines de milliards de dollars étaient injectés pour reconstrui­re l’afghanista­n et l’irak, l’arrière-pays américain continuait à rouler sur des routes défoncées et à fréquenter des écoles décrépites. C’est notamment là qu’elle s’est effritée la confiance de très nombreux Américains envers leurs représenta­nts et leurs institutio­ns.

Aujourd’hui, elle s’est métastasée au Congrès, cette guerre où chaque camp refuse d’écouter l’autre, voire le diabolise comme sur un vrai champ de bataille. Je me demande souvent si – sans ce fameux discours de Colin Powell, sans toutes ces faussetés – les Américains oseraient se faire aujourd’hui un peu plus confiance.

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L’ancien secrétaire d’état des États-unis, Colin Powell.

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