Des francophones qualifiés forcés de quitter le Québec
L’extrême lenteur des démarches d’immigration les amène à aller voir ailleurs
Des centaines de travailleurs étrangers francophones se sont exilés à contrecoeur au Canada anglais depuis mai pour obtenir leur résidence permanente en quelques mois plutôt que de patienter des années dans l’angoisse au Québec.
« J’aime le Québec, mais franchement, il ne nous facilite absolument pas la vie », affirme Sorelle Magni, une aide de service camerounaise qui a récemment déménagé de Montréal à Ottawa.
Son histoire a de quoi faire rêver bon nombre de travailleurs étrangers : elle a reçu sa résidence permanente en septembre dernier en Ontario… deux mois et demi après l’avoir demandée.
Il lui aurait fallu attendre 26 mois en moyenne pour obtenir le même statut à partir du Québec, sans compter l’expérience de travail à accumuler au préalable et la demi-année avant d’être officiellement sélectionnée par la province.
Ce petit miracle bureaucratique est rendu possible par un programme lancé au début de l’été par le fédéral pour accélérer le traitement de 90 000 demandes de résidence permanente provenant d’étudiants étrangers diplômés et de travailleurs étrangers.
FRANCOPHONES RECHERCHÉS
L’un des buts du programme est de contribuer « à la vitalité [des] communautés francophones en situation minoritaire », avance le communiqué de presse de l’annonce.
Preuve de l’intérêt que suscite le programme, plus de 4000 immigrants francophones ont déjà déposé un dossier.
Or, le Québec est la seule province à ne pas y participer ( voir autre texte), obligeant les intéressés à déménager ailleurs au pays pour poser leur candidature.
« Le Canada anglais nous donne une chance, alors on n’a pas le choix », laisse tomber Arwa Baji, 28 ans, une éducatrice en service de garde d’origine tunisienne qui fera bientôt ses adieux à Québec.
Si le processus suit son cours, sa petite famille devrait s’installer dans les prochains mois à Cornwall, en Ontario.
À ses yeux, la résidence permanente représente la certitude qu’elle pourra rester au pays pour de bon. « D’avoir seulement un permis de travail, c’est un stress qui ne finit jamais », résume-t-elle.
Il faut savoir que l’accès au système de santé, aux études ou même à une hypothèque est compliqué, voire impossible, pour les détenteurs de ce type de permis.
RETOUR À LA CASE DÉPART
Malgré les avantages indéniables de devenir résidents permanents sans attendre, les immigrants francophones avec lesquels Le Journal s’est entretenu quittent le Québec à reculons ( voir autres textes).
La perte de leur cercle social, la nécessité de vivre en anglais et l’obligation de se déraciner une fois de plus pèsent lourd dans la balance.
« C’est comme immigrer dans un autre pays et retourner à la case départ », témoigne Othmane Khzami, un Marocain de 27 ans qui a quitté Trois-rivières pour Ottawa, après sa maîtrise en administration.