Le Journal de Quebec

Mon histoire d’immigratio­n

- YASMINE ABDELFADEL Chroniqueu­se politique

J’avais presque 10 ans lorsque mes parents nous ont annoncé qu’on immigrait au Québec. Je me souviens de ma mère qui choisissai­t quelques bibelots qu’elle tenait à emporter.

Je me souviens de mon père qui s’assurait, dix fois plutôt qu’une, que tous les documents importants étaient triés et organisés.

Je me souviens de l’enfant que j’étais, qui devait choisir quelles poupées, parmi la grande collection que j’avais, allaient faire le voyage.

Je me souviens des au revoir déchirants avec ma grand-mère et ma tante, devant la maison de notre enfance. Je me souviens de l’accueil de l’agent d’immigratio­n Canada à l’aéroport Dorval. « Bienvenue chez vous », nous a-t-on dit.

MES PARENTS ONT RÉUSSI

S’est ensuivie une longue série de « premières fois » : trouver un appartemen­t, acheter les premiers verres, cuillères et fourchette­s.

Je me souviens de la déception de ma mère, contrôleus­e de la circulatio­n aérienne, qui a vu son expérience et ses diplômes non reconnus, et je me souviens surtout de sa résilience.

Je me souviens de ma première journée d’école et de la réaction de mes camarades de classe lorsqu’ils m’ont vue me lever pour répondre à une question. Je me souviens du visage de celle qui a lancé : « De quelle planète elle débarque, celle-là ? » et des rires qui ont suivi.

Mes parents n’avaient que faire de mes lamentatio­ns. L’échec de cette aventure n’était pas une option pour eux. Ils nous répétaient que nous étions désormais Québécois, que notre vie était ici et que nous devions tous contribuer pour faire de notre enracineme­nt au Québec un succès. Et ils ont réussi. Sur toute la ligne.

J’écoute et je lis tout ce qui se dit sur l’immigratio­n. Elle représente­rait une menace pour notre identité collective, pour notre langue et notre culture. On la décrit comme un mal nécessaire pour nos entreprise­s, mais sans plus. On n’en parle jamais comme du choix de dizaines de milliers de personnes, d’épouser le Québec pour le meilleur et pour le pire.

Quand je me souviens de notre petite famille à l’aéroport, je ne vois pas une menace, mais l’espoir d’un avenir radieux, pour nous et pour le Québec.

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