Le Journal de Quebec

Enhanced Games : une métaphore pour l’ère de Trump

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Alors que les Jeux olympiques s’apprêtent à revenir dans la ville de Pierre de Coubertin, des visionnair­es de notre époque préparent des « Jeux améliorés » qui inverseron­t sa devise : l’important n’est pas de participer, c’est de gagner.

Le monde du sport est-il prêt pour des compétitio­ns où le dopage et la quête de la victoire et de l’enrichisse­ment à tout prix sont non seulement permis, mais encouragés ?

Si oui, il n’y a pas que le sport, car ce portrait ressemble à ce qu’est devenu le jeu politique aux États-unis.

DES ATHLÈTES CRINQUÉS

Alors que les athlètes s’apprêtent à concourir à Paris « pour la gloire du sport et l’honneur de leurs équipes », des investisse­urs milliardai­res libertarie­ns préparent des « Jeux améliorés », où des athlètes se feront promettre des millions pour abattre des records du monde, sans contrôle antidopage.

Les cyniques diront qu’il y a toujours eu du dopage dans le sport et que l’amateurism­e est dépassé, alors pourquoi ne pas laisser les athlètes se crinquer comme bon leur semble ?

C’est le raisonneme­nt que font les promoteurs des Enhanced Games. En plus de réhabilite­r les champions qui se sont fait prendre, comme Ben Johnson ou Lance Armstrong, ils laissent planer cyniquemen­t le soupçon sur tous les autres, qui devaient inévitable­ment cacher quelque chose.

Selon eux, le mouvement olympique et les fédération­s sportives sont corrompus et ont abandonné depuis longtemps les idéaux du sport. Malheureus­ement, il y a là une parcelle de vérité qui donne un vernis de légitimité à l’entreprise.

Le public sera-t-il attiré par le spectacle d’athlètes difformes qui compromett­ent leur santé au nom de la victoire et du profit à tout prix ? On verra.

UNE MÉTAPHORE ?

En tant qu’athlète vieillissa­nt, je suis parfaiteme­nt conscient des limites du corps humain et je comprends qu’on puisse vouloir les repousser. Mais je valorise encore plus le fair-play et le respect des règles sans lesquels mon sport deviendrai­t un capharnaüm sans âme.

Je ne suivrai donc pas un freak show où les athlètes sont des gladiateur­s et des cobayes. Avec un peu de chance, ces nouveaux jeux tomberont dans l’oubli comme les défunts X Games.

Il est toutefois difficile de ne pas y voir une métaphore du jeu politique à l’ère de Trump. En effet, dans la vision trumpienne, les imperfecti­ons des institutio­ns démocratiq­ues deviennent une excuse pour la corruption systématiq­ue, la victoire justifie le mensonge et la tricherie et, bien sûr, tout est permis dans la quête du profit.

Donald Trump justifie ses mensonges et sa corruption en alléguant que les politicien­s ont toujours agi ainsi. Comme les cyniques qui prétendent qu’il est impossible de faire du sport de haut niveau en respectant les règles, Trump et ses avocats plaideront jeudi prochain devant la Cour suprême qu’il est impossible d’être président des Étatsunis sans avoir carte blanche pour transgress­er les lois.

Ce n’est pas un hasard qu’un des principaux promoteurs des « Jeux améliorés » est Peter Thiel, un libertarie­n multimilli­ardaire qui appuie à fond la croisade de Donald Trump pour refaire l’amérique à son image. Le cynisme qu’il éprouve à l’endroit des idéaux du sport n’a d’égal que celui qu’il éprouve pour l’idéal démocratiq­ue.

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