Le Journal de Quebec

Le nouvel impôt fédéral « pour les riches » fait mal à ce couple de la classe moyenne

Le fisc va prélever environ 28 000 $ de plus dans leurs poches lorsqu’ils vont vendre leur duplex

- JULIEN MCEVOY, GABRIEL CÔTÉ

Un couple près de la retraite est victime du nouvel impôt fédéral sur le gain en capital. Ses économies ne sont pas dans un fonds de pension, mais dans un duplex qui vient d’être amputé de 28 000 $ de valeur à la revente.

« On est pénalisé pour avoir choisi ce modèle de retraite », s’offusque Roch, 65 ans, propriétai­re dans le quartier Ahuntsic à Montréal.

Avec sa femme Rose, 63 ans, ils ont acheté l’immeuble – deux 4 1⁄2 – en 1990 pour 140 000 $. Ils pourraient l’afficher sans gêne à 750 000 $ aujourd’hui.

S’ils le vendent avant le 25 juin, ils feront 28 000 $ de profits de plus qu’après l’entrée en vigueur du nouveau taux d’inclusion des gains en capital, calcule une fiscaliste.

« Si le gain est de plus de 250 000 $, ça peut coûter au max 8000 $ d’impôt de plus par tranche de 100 000 $ de profits », résume Stéphanie Roy, associée chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Les 610 000 $ de profits que toucheraie­nt Roch et sa femme avec la vente du duplex pourraient donc fondre de 28 000 $ aux bénéfices du fisc.

L’ex-informatic­ien sans fonds de pension trouve que c’est injuste. Pourquoi lui et pas ceux dont la retraite est payée par le gouverneme­nt, demande-t-il ?

PAS JUSTE LES RICHES

« Ça va être quoi encore au prochain budget ? Y’a pas de limites », dit-il en évoquant sa récente hausse de taxes foncières de 647 $.

Rose travaille toujours en administra­tion pour 40 000 $ par année. Roch touche sa pension du fédéral et du provincial, soit moins de 20 000 $.

« On n’est pas riches. Le duplex, c’est nos économies de toute une vie », se fâche le père de trois enfants.

Si Roch parvient à garder son calme, ce n’est pas le cas d’une petite propriétai­re de Sainte-thérèse avec qui Le Journal s’est entretenu. Elle aussi préfère ne pas être identifiée.

« Je n’ai pas dormi de la nuit tellement j’étais crinquée après avoir vu le budget fédéral, a-t-elle confié. Je suis handicapée, mon immeuble, c’était mon fonds de pension. Je voulais m’en départir dans 5 ans seulement, mais là je me demande si je ne devrai pas le faire au plus vite. »

LES PETITS PROPRIÉTAI­RES ÉCOPENT

On s’explique mal la décision du gouverneme­nt Trudeau au sein du lobby des propriétai­res immobilier­s.

« Ce n’est pas vrai que ça touche seulement les riches. Au Québec, les trois quarts des propriétai­res ont un plex, puis ils ont une job à côté », a lancé le président de la Corporatio­n des propriétai­res immobilier­s du Québec, Éric Sansoucy, en entrevue au Journal.

« Ils travaillen­t pendant une grosse partie de leur vie pour arriver au bout et avoir quelque chose pour la retraite.

Là, le gouverneme­nt vient leur enlever une tranche importante du fruit de leur travail », a-t-il déploré.

La nouvelle mesure va même faire augmenter les loyers, craint M. Sansoucy.

« Ça va diminuer l’attrait d’une détention à long terme, a-t-il plaidé. Quand il y a un nouveau propriétai­re, il y a généraleme­nt une hausse du prix des loyers, ce qui est à éviter dans le contexte actuel. »

« ON EST PÉNALISÉ POUR AVOIR CHOISI CE MODÈLE DE RETRAITE. ON N’EST PAS RICHES. LE DUPLEX, C’EST NOS ÉCONOMIES DE TOUTE UNE VIE » – Roch, 65 ans

 ?? PHOTOS JULIEN MCEVOY ET TIRÉE DU SITE WEB DE RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON ?? Roch, 65 ans, retraité, et sa conjointe, Rose, 63 ans, qui travaille toujours, devant le duplex dont ils sont propriétai­res, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal. L’immeuble constitue une grande partie de leur bas de laine de retraite. À compter du 25 juin, ce type de propriété sera plus lourdement imposé lors de la revente.
PHOTOS JULIEN MCEVOY ET TIRÉE DU SITE WEB DE RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON Roch, 65 ans, retraité, et sa conjointe, Rose, 63 ans, qui travaille toujours, devant le duplex dont ils sont propriétai­res, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal. L’immeuble constitue une grande partie de leur bas de laine de retraite. À compter du 25 juin, ce type de propriété sera plus lourdement imposé lors de la revente.
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STÉPHANIE ROY Experte en fiscalité

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