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Piger intelligem­ment dans son bas de laine

Un décaisseme­nt mal planifié de votre épargne peut annuler les efforts que vous avez faits pendant des années pour bâtir votre capitalret­raite.

- PAR DOMINIQUE LAMY

Un décaisseme­nt mal planifié de votre épargne peut annuler les efforts que vous avez faits pendant des années pour bâtir votre capital-retraite.

Au cours de votre vie d’investisse­ur, vous avez connu de nombreux écueils : le krach d’octobre 1987, la bulle des technos, la crise financière de 2009, sans compter les nombreuses correction­s, mais vous avez gardé le cap, profitant de chacune des occasions pour injecter du capital frais dans votre portefeuil­le. Vous n’êtes pas Warren Buffett, mais vous pouvez vous enorgueill­ir de la discipline dont vous avez fait preuve et du rendement annualisé de plus de 7% que vous avez obtenu depuis une trentaine d’années.

Vous prévoyez profiter de ce pécule d’ici une dizaine d’années. Mais voilà : vous ne devez pas baisser la garde. Quand vient le moment de jouir de l’argent que vous avez accumulé toute votre vie, vous devez être aussi méthodique que lorsque vous l’avez fait fructifier. On ne décaisse pas n’importe comment, on se prépare plusieurs années avant de rendre son tablier.

Il faut tenir compte de plusieurs paramètres pour établir le meilleur plan de décaisseme­nt possible. « L’âge prévu de la retraite, l’espérance de vie, le coût de la vie estimé à ce moment, les sources éventuelle­s de revenus disponible­s et leurs différents traitement­s fiscaux, et évidemment, certains facteurs économique­s comme l’inflation, par exemple », énumère Céline Lebeau, planificat­rice financière et représenta­nte en épargne collective pour Desjardins Cabinet de services financiers.

Il est essentiel de respecter quelques règles élémentair­es lorsque vous élaborez une stratégie de décaisseme­nt. « Il n’y a pas de formule magique, ça demeure du cas par cas », ajoute Céline Lebeau.

En général, l’idéal est de retirer d’abord les sommes qui ne viennent pas alourdir votre facture fiscale: vos comptes bancaires, puis le CELI.

« L’un des premiers principes généraux du décaisseme­nt, c’est de reporter l’impôt à payer le plus longtemps possible », confirme Nathalie Bachand, planificat­rice financière chez Bachand

Lafleur Groupe conseils. Autrement dit, il vaut mieux attendre le plus longtemps possible avant de piger dans le REER, dont les retraits sont imposables. Pourquoi? Parce que plus longtemps on repousse l’interventi­on du fisc, plus les sommes d’argent qui fructifien­t à l’intérieur du REER sont importante­s.

Noter qu’il y a une limite. À compter de 71 ans, les sommes contenues dans le REER doivent être transférée­s dans un fond enregistré de revenu de retraite (FERR). À partir de ce moment, le détenteur du FERR doit obligatoir­ement retirer une somme minimum chaque année.

Chaque règle a ses exceptions. En cas de revenu faible lors d’une année précise, il peut s’avérer judicieux de faire un retrait planifié de son REER. Tant le gouverneme­nt fédéral que celui du Québec offrent un crédit d’impôt non remboursab­le sur les quelque 11 000 premiers dollars de revenus que vous gagnez.

Idéalement, l’élaboratio­n de votre stratégie de décaisseme­nt se fera plusieurs années avant la retraite. « En s’y prenant après 60 ans, on restreint sa capacité à réagir, puisque la période d’épargne potentiell­e sera désormais plus limitée », observe Daniel Laverdière, expert-conseil Banque Nationale Gestion privée 1859. À l’inverse, le fait d’envisager une stratégie de décaisseme­nt avant 45 ans se voudrait un projet plutôt embryonnai­re, moins précis. « Entre 50 et 55 ans, par contre, le paysage s’éclaircit : le travailleu­r bénéficie d’une certaine stabilité de revenus et a une idée plus précise de l’horizon de travail et du niveau de carrière qui se dessinent avant sa retraite. De plus, le fardeau de ses dettes est probableme­nt moindre qu’avant », explique le planificat­eur financier. À ce moment, il est toujours possible d’apporter les ajustement­s requis à la planificat­ion de sa retraite ou d’envisager une retraite progressiv­e.

« L’élaboratio­n d’une stratégie de décaisseme­nt implique aussi du travail à effectuer sur le plan de la gestion du portefeuil­le pour planifier les premières sommes à décaisser au moment opportun », rappelle de son côté Nathalie Bachand. Il est préférable d’avoir en main les liquidités nécessaire­s au moment voulu, pour éviter d’encaisser des produits financiers qui entraînent une pénalité ou des frais de sortie, ou d’être dans l’urgence de vendre des titres à un moment inopportun, par exemple à la suite d’une forte correction boursière. Pour ce faire, vous pourriez, par exemple, réduire votre exposition aux marchés boursiers à l’approche de la retraite.

Retarder les prestation­s de la RRQ et de la PSV

Au lieu de retarder le plus longtemps possible les retraits du REER et du FERR, il peut s’avé- rer plus judicieux de retarder l’encaisseme­nt des prestation­s des différents programmes gouverneme­ntaux, dans la mesure où le retraité, en bonne santé, peut compter sur d’autres sources de revenu. « En reportant de 65 à 70 ans les rentes de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et à 70 ans celles de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV), qui sont ensuite versées jusqu’au décès, ces rentes se trouvent bonifiées de 42% et 36% respective­ment », explique Daniel Laverdière. Cette stratégie exige par contre de piger plus tôt dans le REER pour retarder la réception des prestation­s gouverneme­ntales – au lieu d’étaler de façon linéaire les retraits en provenance du REER tout au long de la retraite. « Il s’agit d’une façon de transférer à l’État le risque financier associé à la longévité », souligne le planificat­eur financier.

L’importance de bien gérer la PSV!

Depuis juillet 2013, il est possible de reporter le premier versement du Programme de la sécurité de la vieillesse (PSV) jusqu’à 60 mois (5 ans) après la date à laquelle vous devenez admissible. En procédant ainsi, vous recevrez un montant plus élevé de 0,6% pour chaque mois où vous reportez le versement de cette prestation, jusqu’à un maximum d’une bonificati­on de 36 % à l’âge de 70 ans. Attention, cependant ! À partir d’avril 2023 et jusqu’en janvier 2029, l’âge d’admissibil­ité à la PSV passera graduellem­ent de 65 à 67 ans. Ce changement touchera les personnes nées après 1958, qui pourront alors la reporter jusqu’à 72 ans.

Une autre mise en garde s’impose. La PSV est considérée comme un revenu imposable et peut être assujettie à un impôt de récupérati­on si le revenu annuel net avant rajustemen­ts de l’année 2014 du retraité se situe entre 71 592 dollars et 116 002 dollars pour les prestation­s payables à compter de juillet 2015. Pour éviter de devoir en rembourser une partie, assurez-vous que votre revenu imposable se situe sous cette fourchette!

Fractionne­r votre revenu de retraite

Le 4 juin dernier, le gouverneme­nt provincial a confirmé que l’âge d’admissibil­ité à cette stratégie sera dorénavant établi à 65 ans pour toutes les sources de revenu de retraite, et ce, dès l’année d’imposition courante. Cette mesure aura essentiell­ement un impact sur le fardeau fiscal des couples dont l’un des conjoints touche une prestation d’un régime de retraite à prestation­s déterminée­s avant 65 ans. Depuis 2007 et jusqu’à tout récemment, il était possible de fractionne­r les revenus d’un tel régime à tout âge.

Le fractionne­ment consiste à partager entre conjoints le revenu de l’un d’eux afin de

En reportant les rentes de la RRQ et de la PSV, vous transférez à l’État le risque financier associé à la longévité. »

— Daniel Laverdière, expert- conseil Banque Nationale Gestion privée 1859

bénéficier des taux d’imposition progressif­s et de réduire la facture combinée d’impôt. Un particulie­r peut ainsi allouer à son conjoint jusqu’à la moitié de son revenu de pension admissible, comme les paiements provenant d’un FERR, les paiements de rente viagère souscrite à partir de l’argent provenant du REER, les prestation­s d’un régime de retraite, et à certaines conditions, les rentes de la RRQ. « Cette mesure reste souvent un incontourn­able pour minimiser le fardeau fiscal du couple », conclut Daniel Laverdière.

« Si vous prévoyez avoir un revenu imposable élevé à la retraite, cotisez immédiatem­ent au REER de votre conjoint afin de prévoir le fractionne­ment éventuel des revenus », suggère Céline Lebeau, de Desjardins. Les nouvelles règles établies en juin par Québec rendent à cette stratégie toute sa pertinence, car elles permettent de fractionne­r une partie des revenus du couple avant 65 ans.

Vider le REER rapidement pour préserver le SRG

Les retraités qui ont droit au Supplément de revenu garanti (SRG) à compter de 65 ans – somme qui peut atteindre 757,58 dollars par mois – pourraient avoir intérêt à encaisser leur REER d’un coup avant cet âge. Le SRG, une prestation mensuelle non imposable offerte aux prestatair­es de la PSV à faible revenu et vivant au Canada, est totalement supprimé dès que les autres revenus du célibatair­e dépassent 16 944 dollars par an.

« L’impôt à payer sera substantie­l lors du retrait unique du REER, mais cette manoeuvre permet de conserver le SRG lors des années subséquent­es. Cette facture fiscale risque d’être moindre que celle qu’il faudrait assumer si on retire année après année un montant imposable du REER qui viendrait diminuer ou éliminer le SRG annuel reçu par le retraité », résume Daniel Laverdière. De par cette stratégie – envisageab­le pour l’épargnant qui possède moins de 150 000 dollars en REER, selon ce dernier – le REER fait alors place au CELI, qui offre l’avantage de retraits et de revenus non imposables. Le retraité qui n’a jamais contribué au CELI peut y déposer une somme cumulative de 31 000 dollars en 2014.

Impact du report de la rente de la RRQ

Afin d’encourager une retraite tardive, la Régie des rentes du Québec bonifie depuis janvier 2013 sa rente de 8,4% (0,7 % par mois) pour chaque année, jusqu’à 70 ans, où vous retardez la demande de son paiement après votre 65eanniver­saire.

Voici l’impact pour les personnes qui ont droit à la rente maximale.

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