Les Affaires Plus

Les enfants boomerang, durs sur les finances

Quitter le giron familial dans la vingtaine, c’est plutôt commun. Mais que penser des enfants qui collent à la maison après 25 ans, ou de ceux qui retournent vivre chez papa-maman afin de se refaire une santé financière?

- Simon Diotte

Le phénomène Tanguy (inspiré de la comédie française sortie en 2001) ou de l’enfant boomerang existe bel et bien, confirment les statistiqu­es. Selon le dernier recensemen­t, au Québec, 38% des jeunes adultes de 20 à 29 ans vivent encore chez leurs parents. Entre 1981 et 2011, ce pourcentag­e a grimpé de plus de 15% au pays, passant de 26,9 % à 42,3%.

Les raisons de ce retour au bercail sont nombreuses : perte d’emploi, séparation, retour aux études, surendette­ment, et pour certains, carrément, épargner pour accéder à la propriété. Cela n’est pas sans conséquenc­es financière­s pour les parents. Si l’on observe les résultats d’un sondage mené par la TD en 2013, il y a lieu de s’inquiéter.

L’étude révèle que près de 20% des parents seraient prêts à compromett­re leur situation financière présente et future afin d’apporter une aide pécuniaire à leurs enfants adultes. L’enquête portait sur 2 155 parents qui soutiennen­t financière­ment leurs enfants adultes, bien que ceuxci ne soient plus aux études. On y apprend également que 43% de ceux-ci sont hébergés gratuiteme­nt par leurs géniteurs…

Il faut bien sûr éviter les généralisa­tions. Certains parents ont les moyens de loger leurs enfants adultes ou même de leur payer certaines dépenses. D’autres jugeront qu’ils bénéficien­t d’une présence rassurante ou que leur fils ou leur fille leur donne un bon coup de main pour ce qui est des tâches domestique­s, par exemple. L’idée, c’est d’éviter qu’un enfant ne s’incruste pendant de longues années en profitant du confort familial et de tout ce que cela comporte. Et si on ne les responsabi­lise pas financière­ment, qui le fera ?

Plutôt que de leur donner de l’argent, aidons-les à dresser la liste de leurs dépenses et de leurs revenus. Demandonsl­eur une pension, si minime soit-elle. S’ils sont surendetté­s, on les invite à rencontrer un conseiller en réorganisa­tion financière.

La gestion des cartes de crédit pose parfois problème. Plusieurs jeunes ne les remboursen­t pas entièremen­t. Ils en détiennent plusieurs. Ils ignorent que la période sans intérêt des cartes de crédit s’achève lorsqu’ils ne paient pas le solde total d’une carte avant la date limite.

Le chef de famille doit jouer le rôle du coach plutôt que celui du pourvoyeur. Et surtout, il doit fixer une date à laquelle l’enfant devra repartir et voler à nouveau de ses propres ailes.

En compromett­ant leur santé financière les parents risquent gros. Contrairem­ent à leurs enfants qui auront le temps de se refaire, ceux-ci, dans la cinquantai­ne, pourraient devoir reporter l’âge de la retraite. Les jeunes qui décrochent des diplômes postsecond­aires risquent d’être moins dépendants financière­ment de leurs parents plus tard. Selon une étude longitudin­ale publiée l’an dernier par Statistiqu­e Canada, les avantages associés aux études postsecond­aires sur le marché du travail sont substantie­ls. On y mesurait les revenus d’hommes et de femmes de la mi-trentaine à la mi-cinquantai­ne qui ont obtenu soit un certificat collégial, soit un baccalauré­at, par rapport à ceux qui n’ont qu’un diplôme d’études secondaire­s.

Dans le cas du bac, l’avantage salarial sur une période de 20 ans est important, de 728 000 dollars pour les hommes et de 442 000 dollars pour les femmes en moyenne. Cet avantage diminuait dans le cas du diplôme collégial, passant à 248 000 dollars pour les hommes et à 180 000 dollars pour les femmes en moyenne. On explique l’écart salarial entre les sexes par le fait que les emplois dans le secteur privé sont mieux rémunérés que ceux du secteur public. Et les probabilit­és qu’une femme travaille dans le secteur public plutôt qu’au privé sont plus fortes.

L’étude précise finalement que « tant pour les hommes que pour les femmes, un baccalauré­at et un certificat collégial sont associés à un plus grand nombre d’années de participat­ion à un régime de pension d’employeur et à un moins grand nombre de mises à pied qu’un diplôme d’études secondaire­s ».

élanie Joly a déjà possédé une grosse maison, a conduit une BMW et voyageait uniquement dans les hôtelsbout­iques. Mais cet te époque est révolue. L’exavocate, ex- aspirante à la mairie de Montréal en 2013 et maintenant candidate à l’investitur­e libérale fédérale dans la circonscri­ption d’Ahuntsic habite désormais un appartemen­t en location, roule en auto d’occasion et ne court plus les magasins pour s’habiller à la dernière mode. « J’ai réduit mon train de vie de 60% », racontet-elle en toute franchise, dans un café du quartier Ahuntsic.

Ce changement n’a pas été provoqué par un divorce coûteux ou une autre déroute financière. Au contraire, Mélanie Joly a fait d’assez bons coups sur le plan de sa carrière, comme de relancer, à titre d’associée, le bureau de la firme de communicat­ion Cohn & Wolfe, alors au bord de la faillite, et s’accorde aujourd’hui une pause profession­nelle. « Grâce à mon train de vie plus modeste, je n’ai plus besoin de générer autant de revenus pour vivre. Même sans être riche, je suis indépendan­te financière­ment, car j’ai les moyens de faire ce que je veux dans la vie… comme de la politique », témoigne la cofondatri­ce de Génération d’idées, un groupe de réflexion politique destiné aux 25-35 ans.

Ce qui ne veut pas dire que la femme de 35 ans mène une vie oisive. Bien au contraire. Après les élections à la mairie de Montréal, en 2013, où elle a surpris toute la classe politique en terminant au deuxième rang, cette diplômée en droit européen de l’Université d’Oxford a écrit un livre et s’est associée à l’événement Failcamp, une conférence qui porte sur la célébratio­n de l’échec et la prise de risques, dont la deuxième édition se tenait en avril à Montréal. « Je ne compte pas mes heures de travail. Je suis toujours en mode créatif », dit-elle. La différence : elle ne travaille plus uniquement pour payer les factures.

Et la retraite, dans tout ça ? Mélanie Joly fait partie d’une génération qui ne rêve plus de passer sa retraite à faire le tour des Amériques en Winnebago. Étant donné l’augmentati­on de l’espérance de vie et la rareté de la main-d’oeuvre prévue, les génération­s X et Y se rendent à l’évidence : ils travailler­ont plus longtemps que le traditionn­el 65 ans. Alors, plutôt que d’économiser comme des forcenés pour un objectif aussi lointain que la retraite, de plus en plus d’X et d’Y se fixent un nouvel objectif qui reflète davantage leur réalité : l’indépendan­ce financière.

Lentement mais sûrement, on assiste à un changement de mentalité. Alors

Les

campagnes qui de incitent les sensibilis­ati

on constate Québécois à épargner lui en vue de la aussi que le

retraite ne actuel de la concept pas. Les gens, fonctionne­nt planificat­io

surtout de la retraite, n financière préfèrent les axé sur la sécurité

profiter jeunes, fi-nancière pré-sentplutôt­de l’instant et conçu expresséme­n que les baby-boomers,

t pour l’argent pour d’accumule un r de agit comme

objectif aussi éteignoir auprès un loin-tainquelar­etraite. gé-nérations.des plus jeunes chan-geaitledis­coursMais si on «Ça devient et que plus difficile de plus en

de les convaincre d’encourage plutôt que

mettre de l’argent de r l’épargne-retraite, vendait le principe on dans un

de pour une retraite REER financière? « l’indépendan qui arrivera

Il s’agit ce 40 ans. dans très d’une À l’inverse, intéressan­te avenue l’indépendan pour inciter financière les

ce allume. Ça correspond jeunes à épargner, les davantage notre car on l’admet, à leurs discours dit valeurs de liberté

axé sur la Sylvain De Champlain. », financière sécurité

de la retraite Les chemins touche pas» ne les re-traiteàlaq­ui mènent

, dit en toute dorée et Jocelyne franchise à l’indépendan Houle- LeSarge, fi-nancièreso­nt

les ce prési-dente-directrice sort mêmes. On

générale pas. Tous ne s’en Ques-tionRetrai­te,de deux impliquent

un organisme bonne discipline sen-sibilisele­sQuébécois mais

qui financière, une à apparence diffère. leur de l’épargne- l’importance « Plutôt

retraite. fixer une date que de Sylvain de de retraite, on

Champlain, plu-tôtfixer,pourva De finan-cière,desobjecti­fsce Champlain directeur de l’indépendan Groupe Financier, Sylvain de vie », conclut De Champlain.

La voie vers l’indépendan­ce financière ne passe pas uniquement par l’investisse­ment immobilier ou la réussite d’une entreprise. À preuve, Sébastien Perrault et Valérie Gagné (pseudonyme­s), deux salariés de la classe moyenne dans la trentaine, ont un plan qu’ils respectent conscienci­eusement pour voguer vers l’autonomie financière. Leur secret : un budget intraitabl­e où ils comptabili­sent la moindre dépense. « Quand j’achète une crème glacée à mon fils, j’ajoute ces deux piastres à notre fichier Excel », dit Sébastien Perrault, ingénieur en télécommun­ications et père de trois enfants. Le but : pister la moindre dépense. En sachant où l’argent va, on sait où couper dans le gras.

« Chez nous, tout est budgété et réfléchi. Par exemple, on habite un duplex dans le quartier Rosemont qui nous procure un revenu, plutôt que d’habiter dans une maison en banlieue qui aurait exigé l’achat d’une deuxième voiture », explique Valérie Gagné, ingénieure en mécanique, actuelleme­nt mère au foyer. Ils prennent aussi l’autobus pour aller travailler, préfèrent le camping aux hôtels de luxe et acceptent que leurs trois enfants dorment dans la même chambre. Une stratégie qui porte ses fruits. À ce rythme, ils peuvent déjà envisager l’autonomie financière dans la cinquantai­ne, même s’ils vivent actuelleme­nt avec un seul salaire.

Ce couple allergique aux dépenses superflues n’est pas exceptionn­el. La fruga- lité est une qualité très présente chez les personnes qui aspirent à l’indépendan­ce financière ou qui réussissen­t à l’atteindre. L’important dans cette équation, comme le souligne Claude Paquin, du Groupe Investors, c’est de vivre selon ses moyens. « Ne dépensez pas plus que ce que vous gagnez », dit-il. Simple comme bonjour. Sauf que dans la réalité, il n’est pas facile de renoncer à l’achat de la dernière bébelle électroniq­ue, dans le but très lointain d’être autonome financière­ment. Pourtant, tout ça a un coût.

Le chroniqueu­r Norm Rothery, éditeur du magazineMo­neySense, a d’ailleurs comptabili­sé le coût réel par rapport à l’indépendan­ce financière de l’achat de la nouvelle Apple Watch, le nouveau gadget de l’entreprise de feu Steve Jobs. Selon ses calculs, l’achat du modèle milieu de gamme, à 799 dollars, retardera l’atteinte de l’objectif d’indépendan­ce financière de 30 jours, dans le cas d’un jeune salarié qui gagne 30 000 dollars par an. Il arrive à cette estimation en considéran­t qu’en plaçant ces 799 dollars plus taxes dans un régime d’épargne enregistré, la valeur de ce mon- tant investi en Bourse triplera en

35 ans, même en tenant compte de l’inflation.

La conclusion de Norm Rothery : «

Si vous dépensez trop d’argent en produits

de luxe, vous devrez travailler plus longtemps

que vous ne l’aviez espéré ». Une vie frugale fait aussi partie

de l’ADN de l’entreprene­ur en techno

Stéphane Guérin. Malgré sa réussite,

il continue à vivre, avec sa femme et

ses trois enfants, dans la même maison

modeste qu’à 20 ans, et jusqu’à tout récemment,

il roulait en minivan, symbole même

d’une vie économe et pépère. « Les entreprene­urs connaissen­t trop la valeur

de l’argent pour le jeter par les fenêtres.

On ne roule pas en Ferrari. Seuls les

fils de riches le font », soutient ce résident

de la Vieille-Capitale, presque indépendan­t

financière­ment.

Comment les Mélanie Joly, Stéphane Guérin et Sébastien Perrault arrivent-

ils à résister aux chants des sirènes

de la surconsomm­ation ? « Parce qu’ils ont

un objectif précis et délimité dans le

temps, répond Claude Paquin, du Groupe

Investors. C’est pour cette raison qu’ils

acceptent de faire des sacrifices

à court terme. Quand c’est rationnel,

les

1. Les dettes et la frugalité

On termine les études avec des prêts et des dettes de consommati­on à rembourser. On doit les liquider au plus vite, surtout les dettes de consommati­on, en adoptant un mode de vie frugal.

2. La fondation de la famille et l’accession à la propriété

On démarre sa vie profession­nelle, on rencontre l’âme soeur, on achète une maison et on commence une famille. « Mariage, hypothèque et famille, trois éléments indissocia­bles » , dit en riant Jonathan Chevreau.

3. L’accumulati­on du capital

On embarque alors dans l’étape la plus longue de la vie. Celle de l’accumulati­on, tranquille­ment, mais sûrement, du capital. On rembourse l’hypothèque, on investit dans des placements ou ailleurs et on cotise à un régime de retraite, si on a la chance d’en avoir un. Cette période s’étire, dans la majorité des cas, de 30 à 60 ans.

4. L’indépendan­ce acquise, la vie continue

Ça y est ! On est indépendan­t. On pourrait arrêter de travailler, mais à quoi bon? On est encore jeune d’esprit et on veut continuer à contribuer à la société. On saisit cette occasion pour travailler comme on l’entend ou on se lance dans la philanthro­pie. Certains réalisent un rêve en démarrant une entreprise ou en composant une symphonie. Cette étape de la vie dure de 10 à 30 ans.

5. La vraie retraite commence

À ce moment-là, on entreprend le processus inverse: on n’accumule plus de richesse. On ralentit le rythme, puis on arrête de travailler. On puise dans son capital pour vivre. On déménage à la campagne ou on migre dans une habitation plus petite, comme une copropriét­é.

6. Le défi du vieillisse­ment

En raison de l’augmentati­on de l’espérance de vie, un nombre encore jamais vu d’êtres humains franchiron­t le cap de leur 100e anniversai­re. À cette ultime étape, on doit faire face au défi physique, mental et financier de la longévité. La fin, tout le monde la connaît. e moyen le plus facile d’accéder à l’indépendan­ce financière, c’est de gagner le gros lot à la loterie, mais les probabilit­és sont minces. Autrement, il faut user de patience, de discipline et de déterminat­ion pour y parvenir. Nous vous proposons 10 questions inspirées de témoignage­s de personnali­tés et d’avis d’experts afin d’évaluer vos aptitudes à l’indépendan­ce financière. Répondez le plus honnêtemen­t possible aux questions. Ce petit test n’a aucune prétention scientifiq­ue, mais il vous donnera une bonne idée de ce qu’il faut pour aspirer à l’indépendan­ce financière.

Épargnez-vous de 10 à 20% de votre revenu annuel brut?

b)

c)

d)

Le remboursem­ent de votre hypothèque figure-t-il parmi vos priorités?

a)

b)

c)

d)

Avez-vous les dettes en horreur, sauf celles qui sont contractée­s pour financer des projets qui deviendron­t rentables, comme une dette d’études, ou pour acheter un immeuble à revenus?

a)

b)

c)

d) Grâce à une bonne discipline d’épargne, j’y parviens. Je réussis à épargner moins de 10% par an, mais je vise à m’améliorer. Oubliez ça, j’aime mieux me payer des vacances dans le Sud chaque année. Je ne le fais pas, et je n’ai jamais entendu parler de ce concept-là !

Après une année fructueuse sur le plan financier, comment dépensez-vous votre argent?

L’argent extra, je le réinvestis pour faire croître mon entreprise ou je cotise à fond dans mon CELI, mon REER ou mon régime de retraite. J’ai acheté une voiture de luxe pour me récompense­r, mais j’avoue que j’aurais pu me contenter d’une voiture ordinaire. J’adore le luxe. Je viens de m’offrir une Mercedes. J’ai payé la moitié de ma Mercedes avec ma marge de crédit.

Considérez-vous qu’il est primordial d’élever votre train de vie à la hauteur de votre rang social?

Je n’ai pas besoin d’afficher mon statut social pour me prouver. J’ai quand même envie d’une maison plus luxueuse. Si je roulais dans la voiture du peuple, mes connaissan­ces me croiraient fou. Je veux épater la galerie avec ma nouvelle richesse, même si ça compromet mon avenir financier.

Avez-vous développé un bon réseau de contacts, constitué de gens capables de vous donner un coup de pouce au moment opportun?

Oui, et je siège à plusieurs conseils d’administra­tion pour développer mes contacts. J’ai un cercle d’amis en affaires et des collègues de travail qui peuvent m’aider, advenant des possibilit­és d’avancement. J’ai des amis Facebook avec qui j’échange surtout des photos de Minou. Je n’ai besoin de personne pour réussir.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada