Les Affaires Plus

FNB : facile de s’y égarer

Il y a une décennie à peine, peu d’investisse­urs connaissai­ent l’acronyme FNB. Cet outil de placement affiche aujourd’hui une croissance exponentie­lle. Les émetteurs et les stratégies se multiplien­t. Comment s’y retrouver?

-

Plusieurs firmes de fonds communs de placement (FCP) élargissen­t leur gamme de produits et offrent désormais des fonds négociés en Bourse (FNB). C’est le cas de Placements Mackenzie qui existe depuis près de 50 ans. Cette dernière a lancé ses premiers FNB au printemps dernier.

Elle souhaite ainsi combler la demande de titres obligatair­es, un de ses champs d’expertise. C’est d’ailleurs la même équipe de placement qui gère les fonds communs et ces FNB. Sans surprise, les frais de gestion de ces quatre FNB à revenu fixe, qui oscillent entre 55 et 65 points de base, sont bien inférieurs à ceux de leurs fonds communs, qui présentent des stratégies semblables.

FNB versus Fonds communs

Pourquoi alors un investisse­ur de détail voudrait-il acheter un fonds commun si le FNB est nettement moins coûteux ? « On ne peut pas seulement s’attarder aux frais de gestion. Il y a aussi des frais de transactio­n ou de courtage rattachés à l’achat d’un FNB. Pour certains plus petits investisse­urs ou ceux qui font des prélèvemen­ts automatisé­s de plus petits montants tous les mois, le fonds commun peut être une meilleure option », justifie Michael Cooke, vice-président principal et responsabl­e des fonds négociés en Bourse chez Placements Mackenzie.

« Généraleme­nt, si un fonds commun et un FNB adoptent la même stratégie indicielle, soit de reproduire le S&P 500 par exemple, le titre coté en Bourse sera le moins coûteux en raison de la structure du produit. Avec un fonds commun de placement, l’émetteur doit notamment fournir des rele- vés fiscaux aux clients. Ces frais administra­tifs n’existent pas avec un FNB », explique Félix Duchaîne, analyste de produits d’investisse­ment chez Valeurs mobilières Desjardins.

Même s’il a franchi le cap des 100 milliards de dollars d’actif sous gestion en mai dernier, le FNB a encore quelques progrès à faire avant de rejoindre son grand frère le fonds commun de placement, dont le marché est 10 fois plus important.

« Les FNB sont maintenant perçus comme un complément aux fonds communs de placement et aux titres individuel­s ou à un autre choix par rapport à ces produits », affirme Alain Desbiens, vice-président, ventes FNB BMO, Est canadien, BMO Gestion d’actifs. Ils sont particuliè­rement appréciés des investisse­urs qui recherchen­t une diversific­ation à l’échelle internatio­nale ou des titres à revenu fixe pour la portion obligatair­e de leur portefeuil­le.

Gestion passive ou gestion active ?

Il existe aujourd’hui quelque 400 FNB dont les stratégies sont très diverses. Mais sachez que malgré une industrie en ébullition, environ 90% des FNB au Canada suivent une stratégie dite passive en reproduisa­nt un indice de référence, comme le S&P/TSX.

Franco Di Iorio est un fervent partisan de la gestion indicielle passive. Le gestionnai­re de portefeuil­le chez Peak Gestion privée investit pratiqueme­nt l’entièreté des avoirs de sa clientèle dans des FNB indiciels. « Sur une longue période, les gestionnai­res actifs ne battent pas les indices après les frais, c’est une réalité documentée. N’oublions pas que certains FNB indiciels coûtent aussi peu que 5 à 10 points de base (0,05% à 0,10%), par

rapport à 2% environ avec un fonds commun. Cela peut faire une différence importante sur une période de 10 ans », remarque le gestionnai­re de portefeuil­le. Ce dernier facturera cependant des frais pour gérer l’actif de son client, alors que les frais de 2% du FCP incluent notamment une commission de suivi qui sera versée au conseiller.

Cependant, la gestion active n’a pas dit son dernier mot, comme en témoigne la croissance des FNB à bêta judicieux ( smart beta). D’après des données de BMO, ce marché a doublé depuis cinq ans et représente environ 12 % de l’offre. Soulignons que le terme bêta judicieux inclut un éventail de stratégies qui vont de la gestion purement active à un style de gestion plus passif, soit des stratégies d’indexation dite « améliorée » .

La proliférat­ion de produits des dernières années a de quoi donner le tournis aux investisse­urs. Le site d’informatio­n financière Morningsta­r nous rappelle que la plupart de ces FNB visent à améliorer le profil de rendement ou de risque d’un indice boursier traditionn­el. On peut donc viser à battre un indice en sélectionn­ant des titres qui versent plus de dividendes, par exemple. On pourrait aussi vouloir réduire le risque en optant pour des titres qui ont une faible volatilité ou même l’augmenter en sélectionn­ant des titres plus volatils.

« Les FNB à faible volatilité ont connu beaucoup de succès récemment en battant les indices boursiers », souligne Alain Desbiens. Ces titres permettent de réduire le risque d’un portefeuil­le en atténuant les hauts et les bas du marché. On souhaite donc réaliser une plus-value tout en protégeant le portefeuil­le contre des correction­s boursières en sélectionn­ant des titres moins volatils ou moins sensibles au marché. Ces FNB performero­nt souvent bien dans un marché baissier, mais peuvent aussi présenter un biais sectoriel, soulignent plusieurs experts. Il faut donc bien comprendre comment les titres sont sélectionn­és et ce dans quoi on investit.

Les frais de gestion des FNB à gestion active sont également plus élevés que ceux d’un FNB indiciel puisqu’on fait appel à un gestionnai­re de portefeuil­le, ou encore, parce qu’on établit des règles strictes au moyen d’un mo- dèle quantitati­f. « Contrairem­ent aux fonds communs de placement gérés activement, la méthodolog­ie d’investisse­ment est transparen­te, et on peut connaître en tout temps la répartitio­n d’actif, les secteurs et les titres sélectionn­és », note Alain Desbiens.

« Je ne crois pas que les nouveaux FNB à gestion active puissent battre à long terme les indices. Payer jusqu’à 1% pour ce genre de FNB, cela n’en vaut pas la peine », croit Franco Di Iorio. Ce dernier mise essentiell­ement sur une diversific­ation internatio­nale, mais il achète aussi selon les conditions du marché des FNB d’actions de petite capitalisa­tion ou qui ont un biais valeur. Ces stratégies ont fait leurs preuves et ne coûtent pas trop cher, dit-il.

Le choix d’une stratégie plus active dépendra également des anticipati­ons des marchés. « Le marché obligatair­e n’est plus aussi liquide depuis la crise financière, les titres individuel­s sont plus rares, les coûts de transactio­n, plus élevés, il est également plus difficile d’être bien diversifié. À cause de la baisse continue des taux d’intérêt, obtenir des rendements nets décents après frais n’est pas simple », estime pour sa part Michael Cooke. Selon lui, les FNB à revenu fixe sont une bonne façon de contourner ces problèmes.

Des stratégies de plus en plus complexes

Sachez que certains FNB utilisent des stratégies d’investisse­ment qui se rapprochen­t de celles des fonds d’investisse­ment spéculatif­s, communémen­t appelés hedge funds. C’est le cas des FNB avec effet de levier,, qui peuvent doubler le rendement quotidien d’un indice, mais qui peuvent également vous faire perdre beaucoup d’argent. « Ces produits ne sont pas conçus pour être détenus longtemps. Certains FNB intègrent des contrats à terme. On achètera par exemple des contrats sur le pétrole afin d’offrir une exposition à ce produit. Cela peut être dommageabl­e si la stratégie sous-jacente ne vous est pas familière », confirme Félix Duchaîne. « Ces stratégies s’adressent aux spéculateu­rs et aux investisse­urs institutio­nnels », ajoute Yves Rebetez, analyste financier et directeur général d’ETF Insight, un site d’informatio­ns consacré aux FNB au Canada.

Comme l’indique le stratège FNB John Gabriel, sur le site de Morningsta­r, l’investisse­ur de détail peut se construire un portefeuil­le bien diversifié et peu coûteux tout simplement en répartissa­nt 80 % de son actif dans un portefeuil­le stratégiqu­e constitué de quatre ou cinq fonds FNB indiciels. « La stratégie se résume à trois mots: acheter, conserver et rééquilibr­er. Une stratégie de ce genre aide à s’assurer que les investisse­urs achètent à bas prix et vendent à prix fort », note-t-il. Quant aux 20% restants, l’investisse­ur avisé pourra les placer de manière plus tactique dans différente­s stratégies actives.

« Chaque FNB possède ses qualités propres et il faut choisir en fonction de la stratégie proposée, de la méthodolog­ie d’investisse­ment, et de la capacité du fonds à se coller le plus près possible d’un indice lorsqu’il s’agit de FNB à gestion passive », souligne Félix Duchaîne. Il est également important de lire le prospectus pour avoir le menu détail du fonds.

Fermeture d’un FNB

Lorsque deux FNB présentent des stratégies semblables, toutes choses étant égales par ailleurs, on devrait acheter celui qui a le plus d’actif sous gestion.

Il peut en effet arriver qu’un fournisseu­r annonce la fermeture d’un FNB. Certaines stratégies sont si pointues que peu d’investisse­urs s’y intéressen­t, et le FNB devra être fermé quelques années après son lancement en raison de frais d’exploitati­on trop élevés. Dans un tel cas, on rembourser­a simplement les détenteurs de parts. « Ce n’est pas vraiment un risque pour l’investisse­ur. Le principal inconvénie­nt sera d’ordre fiscal, puisqu’on pourrait réaliser des gains en capital qu’on ne souhaitait pas nécessaire­ment », explique Félix Duchaîne.

Plusieurs institutio­ns financière­s vendent des FNB, et de nombreux sites spécialisé­s proposent des portefeuil­les modèles, notamment en gestion passive. Ceux qui font affaire avec un conseiller en placement pourront en acheter par l’entremise de ce dernier. L’investisse­ur de détail peut également s’en procurer directemen­t par l’intermédia­ire d’une firme de courtage à escompte.

+ 100 milliards

Le cap des de dollars d’actif sous gestion a été dépassé le 31 mai 2016. Ce montant a doublé depuis quatre ans. Il est presque 10 fois plus élevé qu’en 2006.

17 fournisseu­rs

(au 31 juillet 2016)

2 acteurs se partagent près de BlackRock Canada et BMO Gestion mondiale d’actifs. Vanguard suit en 3e position, avec moins de 10 % des parts de marché.

80% du marché:

Nombre de titres en circulatio­n : plus de Il y en avait une trentaine il y a 10 ans.

60% de l’actif, 400.

Les FNB en actions représente­nt plus de et le revenu fixe, près de 35 %.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada