Les Affaires Plus

La concurrenc­e des banlieues

-

De plus de plus de gens trouvent le bonheur dans de nouveaux quartiers érigés autour du transport collectif. Comme le centre-ville, mais en banlieue. Et moins cher !

ÀVaughan, dans la banlieue nord de Toronto, les tours résidentie­lles se multiplien­t à un rythme d’enfer. Depuis cinq ans, près d’une trentaine de gratte-ciel ont poussé sur le corridor de l’autoroute 7, entre les autoroutes 400 et 407. Et cette frénétique constructi­on n’est pas sur le point de s’arrêter. Au contraire. Elle devrait s’amplifier avec l’arrivée de la toute nouvelle station de métro, Vaughan Metropolit­an Centre Station, qui reliera désormais cette banlieue au centrevill­e de la Ville reine, d’ici la fin de l’année.

« On assiste à un véritable engouement », soutient Shawn Zigelstein, courtier immobilier chez Royal LePage pour ce territoire. À la fin de janvier, les quelque 800 unités des deux tours du projet Icona Condos, situées à deux pas de la future station de métro, se sont vendues en moins d’une semaine. « Et il y avait une longue file d’attente à la porte du bureau des ventes », signale le courtier.

Cette fébrile activité immobilièr­e est liée à l’essor que prennent en ce moment les TOD dans les grandes villes nordaméric­aines. TOD, c’est l’abréviatio­n de Transit- Oriented Developmen­t. Ce concept, élaboré au début des années 1990 par un architecte de San Francisco, Peter Calthorpe, suggère l’aménagemen­t de collectivi­tés urbaines qui s’articulent autour du transport collectif. L’idée est d’utiliser le moins possible la voiture. Les habitants de ces quartiers doivent, dans un rayon de 600 mètres, pouvoir accéder à pied à un noyau de services, de commerces et à une station de transport en commun.

L’idée n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années 1950, la banlieue de Vällingby, à Stockholm, en Suède, expériment­ait le concept de la ville ABC, qui regroupait logements, commerces et lieux de travail.

Plus près de nous, deux TOD retiennent l’attention. D’abord, il y a celui de Laval, dont le projet résidentie­l, qui s’effectue sous l’enseigne du promoteur Urbania, est mis en oeuvre depuis 2006 autour de la station de métro Montmorenc­y. Ici aussi, l’arrivée de la ligne orange a donné des ailes au développem­ent. « Avant l’ouverture de la station en 2007, on vendait à peine 40 unités par année. De 2008 à 2013, les ventes ont grimpé à 170 unités par année », dit Sébastien Lessard, président de la Société de développem­ent Urbania.

L’autre projet, le Solar Uniquartie­r, à Brossard, sera situé à l’angle des autoroutes 10 et 30. Il sera doté d’une gare le reliant au futur Réseau électrique métropolit­ain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Quelle est la principale clientèle des TOD? « Ce sont principale­ment de jeunes profession­nels, des premiers acheteurs. Il y a également des retraités, des empty nesters qui quittent leur grande maison pour se rapprocher de la vie urbaine », souligne

Sébastien Lessard. La moyenne d’âge des acheteurs qui ont pris possession des 750 unités de la première phase d’Urbania était de 34 ans, dit-il. Sébastien Lessard fait d’ailleurs partie de cette clientèle qui a choisi de vivre dans un TOD, avec sa conjointe et ses deux jeunes enfants.

Au cours des prochaines années, la constructi­on d’une dizaine d’immeubles commerciau­x est prévue dans ce quartier lavallois en pleine ébullition situé entre les boulevards du Souvenir, Le Corbusier, de la Concorde Ouest et de l’Avenir. Il s’agit des quatre phases d’Espace Montmorenc­y, qui totalisero­nt plus de 1,5 million de pieds carrés. Ce projet comprendra des bureaux, des immeubles commerciau­x, un hôtel 4 étoiles ainsi qu’une résidence pour personnes âgées. Un immeuble consacré à des services médicaux est également prévu. Ce nouveau quartier est entouré de deux campus universita­ires, d’un cégep ainsi que de la future Place Bell, que l’équipe-école du Canadien de Montréal, le Rocket, occupera dès septembre 2017. Déjà, 80 % de la première phase de 500 000 pieds carrés d’Espace Montmorenc­y est louée, indique le promoteur, Dario Montoni.

Qu’est-ce qu’on gagne à habiter un TOD? « Tout se trouve à proximité : cafés, restaurant­s, épicerie, pharmacie… Ce sont des quartiers où l’on vit, où l’on s’amuse et où l’on travaille. Par conséquent, la toute première économie, c’est essentiell­ement la deuxième voiture que l’on n’a pas besoin d’acheter », dit Terry Crowe, directeur de la politique et de la planificat­ion du développem­ent de la ville de Richmond, en Colombie-Britanniqu­e. Grâce à la venue des Jeux olympiques d’hiver en 2010, cette banlieue de Vancouver située près de l’aéroport a bénéficié de l’arrivée de quatre stations liées à la nouvelle ligne Canada Line du SkyTrain. « Richmond, qui comptait à peine 50 000 habitants en 2009, prévoit que sa population atteindra plus de 100 000 personnes d’ici 2040 », indique Terry Crowe, qui assiste au développem­ent des TOD de sa ville. Déjà, plus d’une vingtaine de tours résidentie­lles ont vu le jour ou sont en voie de constructi­on au coeur de Richmond.

À Burnaby, autre banlieue au sud de Vancouver, où la nouvelle ligne Evergreen du SkyTrain vient d’être terminée en décembre 2016, les copropriét­és de deux chambres se vendent en moyenne 600 000 dollars. « Soit près de 200 000 dollars de moins qu’une unité de même superficie au centre-ville de Vancouver », souligne Adil Dinani, courtier chez Royal LePage pour les secteurs Bur- naby et Coquitlam. Et les acheteurs peuvent aisément trouver une unité de deux chambres à partir de 400 000 dollars à Coquitlam. Cette banlieue, située à plus de 40 minutes de Vancouver, bénéficie également de l’arrivée du nouveau réseau de transport en commun, ajoute Adil Dinani.

À Vaughan, près de Toronto, on parle d’une différence pouvant aller jusqu’à 200 dollars de moins par pied carré qu’au centre-ville, affirme Shawn Zigelstein. Et en plus, poursuit-il, une place de stationnem­ent est incluse dans le prix des copropriét­és de deux chambres et plus. Ce qui n’est pas le cas au centre-ville de Toronto, où les acheteurs doivent débourser de 30 000 à 50 000 dollars additionne­ls par emplacemen­t.

À Brossard, où le projet Solar Uniquartie­r doit être mis en oeuvre dans les prochains mois, aucun prix n’a encore été dévoilé. « Nos unités de copropriét­é devraient se vendre de 30 % à 40 % moins cher que ce que l’on trouve sur le PlateauMon­t-Royal », soutient Matthieu Collette, vice- président au développem­ent de Solar Uniquartie­r.

Situé à l’angle nord-est des autoroutes 30 et 10, ce projet sera le premier TOD concentré autour du REM. Évalué à plus d’un milliard de dollars, il prévoit l’aménagemen­t d’un million de pieds carrés de locaux commerciau­x et de bureaux, deux hôtels boutiques, un centre de congrès, un complexe de sport, 2 500 unités résidentie­lles, dont quelque 1 300 logements, ainsi qu’une gare. Le REM conduira ses passagers au centre-ville de Montréal en moins de 10 minutes, selon Matthieu Collette.

Actuelleme­nt, on ne voit ni grue ni pelle mécanique dans le décor. Des travaux pour la constructi­on d’un viaduc qui reliera la future zone résidentie­lle au Quartier DIX30 voisin sont toutefois entamés. En plus de leur épicerie sur place, les résidents de ce futur projet se trouveront donc à quelques minutes de marche du marché Adonis, situé de l’autre côté de l’autoroute 10.

Deuxième phase d’Urbania

À Laval, près de 1 200 nouvelles unités d’habitation font partie de la deuxième phase d’Urbania. Une première tour de 230 unités, réparties sur 16 étages, doit être terminée d’ici la fin de l’été 2017. Quatre autres tours, dont deux qui atteindron­t 28 et 32 étages, suivront. « On observe un changement de l’âge moyen des acheteurs. Celui-ci se rapproche de plus en plus de la mi-quarantain­e. On voit aussi de plus en plus d’acheteurs venant des Laurentide­s chercher un pied-à-terre afin de se rapprocher de leur lieu de travail, au centre-ville de Montréal », signale Sébastien Lessard.

Ce qui incite le promoteur à apporter certaines variantes dans cette seconde phase. Certes, près de la moitié des unités de la deuxième phase seront des copropriét­és d’une chambre (trois pièces et demie) vendus à moins de 200 000 dollars. Le promoteur introduit également des micro-copropriét­és de 300 pieds carrés offertes à partir de 129 000 dollars. Ces unités, qui s’inspirent du concept smart-living, proposent une pièce fonctionne­lle, équipée d’un lit mural pouvant servir de canapé ainsi que d’électromén­agers de format réduit. Elles représente­nt près de 20% de l’offre, indique Sébastien Lessard. Des unités de quatre pièces et demie, des unités sur deux étages et des penthouses au sommet des tours complètent le tableau. Leurs prix varient de 240 000 dollars à 725 000 dollars.

Le quartier offrira des services pour inciter les résidents à se passer de la deuxième voiture. La Société de transport de Laval (STL) a lancé un nouveau service : la ligne 360. Cette navette gratuite relie la station de métro Montmorenc­y au Centropoli­s, reconnu pour ses activités et services de restaurati­on, ainsi qu’au Carrefour Laval, l’un des plus grands centres commerciau­x du Québec. Et on devrait voir apparaître des services d’autopartag­e. +

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada