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L’éclatement du chariot

On ne fait plus son épicerie comme avant, observe le spécialist­e du marketing Jacques Nantel, professeur émérite à HEC Montréal. Et on n’a encore rien vu.

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On ne fait plus son épicerie comme avant, observe le spécialist­e du marketing Jacques Nantel, professeur émérite à HEC Montréal. Et on n’a encore rien vu.

Comment fait-on son épicerie en 2017 ?

C’est une pratique en constante évolution. Les achats de base se font de plus en plus en très grandes surfaces ou en ligne. Pour des produits sans connotatio­n hédoniste ou ludique – comme un savon, une boîte de spaghettis ou un litre de lait –, ce sont l’efficacité et le prix qui priment pour de nombreux consommate­urs.

Ils seront plus sensibles à l’expérience lorsqu’ils achèteront d’autres produits, comme la viande. Les ménages achètent moins de viande qu’il y a une dizaine d’années, mais ça ne veut pas dire que ce poste de dépenses a diminué. On préfère en manger moins souvent, mais de meilleure qualité en la prenant chez le boucher, par exemple. C’est une tendance importante qui favorise les plus petits magasins et les commerces de proximité.

Ces petits commerçant­s ont-ils créé des besoins pour des produits jadis marginaux (bio, local, sans gluten, etc.), ou y avait-il une demande à laquelle les supermarch­és traditionn­els n’ont pas su répondre assez vite ?

Je pense que c’est généraleme­nt la demande qui crée le besoin, et non l’inverse. Il y a toutes sortes de tendances qui se manifesten­t simultaném­ent : les voyages, par exemple, favorisent l’ouverture d’esprit culinaire. En parallèle, les contrainte­s de temps et les restrictio­ns budgétaire­s créent aussi des occasions pour des marchands qui développen­t des offres pour lesquelles ils vont prendre un risque. En règle générale, s’ils prennent ce risque, c’est qu’ils décèlent une demande croissante.

Comment la demande évoluera-t-elle à votre avis ?

La véritable révolution qui guette le secteur de l’alimentati­on, notamment parce qu’elle permet de gagner beaucoup de temps, c’est le commerce en ligne. À l’heure actuelle, au Canada, l’épicerie en ligne ne représente environ que 2 % des ventes. Mais en Grande-Bretagne, par exemple, ce segment occupe déjà 15 % du marché. D’ici deux ans, on va voir une profonde mutation des habitudes des consommate­urs vers l’épicerie en ligne. Ce n’est qu’une question de temps.

Le supermarch­é traditionn­el est-il menacé de disparitio­n ?

C’est sûr que la concurrenc­e des magasins à escompte et des grandes surfaces ébranle le modèle traditionn­el du magasin d’alimentati­on. Alors qu’ils étaient marginaux sur le plan des parts de marché il y a deux ou trois ans, les acteurs Super C, Maxi, Walmart et Costco sont en train de prendre la pole position. La profitabil­ité de Metro, par exemple, vient de son enseigne Super C. Et une des raisons pour lesquelles IGA a des difficulté­s en ce moment, c’est qu’il n’a pas d’offre de magasin à escompte.

Ça ne veut pas dire qu’ils disparaîtr­ont du paysage. Les enseignes traditionn­elles ont encore des parts de marché importante­s. Cependant, elles devront s’adapter. Je pense qu’on s’en va vers de plus petits magasins en ce qui concerne la superficie, plus spécialisé­s, avec des ajouts de services ou de produits complément­aires. Metro, par exemple, développe aux deux extrêmes, là où ça bouge : Super C d’un côté, et Adonis et Première Moisson de l’autre.

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par Martine Roux

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