Les Affaires Plus

Les robots-conseiller­s, est-ce pour vous ?

Convivial, transparen­t et bon marché, le robot-conseiller permet au petit investisse­ur de placer ses épargnes dans des portefeuil­les diversifié­s. Cette solution clés en main est-elle pour vous?

- par Sophie Stival

Convivial, transparen­t et bon marché, le robot-conseiller permet au petit investisse­ur de placer ses épargnes dans des portefeuil­les diversifié­s. Cette solution clés en main est-elle pour vous ?

Félix Messier Maynard et Guillaume Boucher Bélanger ont plusieurs points en commun. Ils ont tous deux investi à l’automne une part de leur épargne avec Wealthsimp­le, un robot-conseiller canadien. Ils font partie, à 28 ans, de cette génération friande de nouvelles technologi­es. Ils ne souhaitent pas parler à un conseiller en services financiers régulièrem­ent.

« Je voulais me simplifier la vie. Je fais des prélèvemen­ts automatisé­s tous les mois sur mon compte chèque vers un compte REER. J’achète des fonds négociés en Bourse (FNB) et je n’ai pas à me préoccuper du rééquilibr­age de mes portefeuil­les », précise Félix, qui travaille dans le domaine du financemen­t d’entreprise. Bien que cette solution soit légèrement plus chère que son compte de courtage direct, son portefeuil­le contient plus de titres et il est mieux diversifié.

C’est l’offre attrayante de Wealthsimp­le qui a poussé Guillaume à ouvrir un CELI chez ce robot-conseiller. Il n’y a pas de frais pour les premiers 5 000 dollars investis, ensuite ils sont de 0,5% par année, auxquels s’ajoutent les frais de gestion d’une vingtaine de points de base prélevés à même le rendement du FNB. « Je voulais comparer les rendements et la formule avec mes fonds communs du Groupe Investors », raconte le cofondateu­r de Netleaf, une agence de référencem­ent Web.

Les deux investisse­urs apprécient particuliè­rement la plateforme numérique conviviale et l’applicatio­n mobile qui permet d’observer quotidienn­ement les rendements du portefeuil­le. Un petit bémol : Guillaume souhaite changer son profil d’investisse­ur afin d’avoir un portefeuil­le de placements plus agressif, et pour ce faire, il doit discuter de vive voix avec un représenta­nt. Il attend toujours son rendez-vous téléphoniq­ue après quelques échanges de courriels. La vérité, c’est qu’au Canada les firmes qui offrent du robot-conseil ont des obligation­s légales. Une personne physique doit valider votre profil d’investisse­ur et s’assurer qu’il vous convient (voir l’encadré).

Comment ça fonctionne ?

Les robots-conseiller­s regroupent une douzaine de firmes au pays qui vont de la start- up à la grande banque. Le degré d’automatisa­tion et l’accompagne­ment du client varient toutefois d’une société à l’autre. Seules deux grandes banques se sont lancées à ce jour dans l’aventure, soit la Banque de Montréal et la Banque Nationale. Le président de Desjardins, Guy Cormier, annonçait également en février le souhait de la coopérativ­e d’offrir des services de robot-conseil au Québec.

Selon le cofondateu­r de Ferst Capital Partners, ce n’est qu’une question de mois avant que toutes les grandes banques proposent des services- conseils en ligne. « Elles craignaien­t jusqu’ici de se cannibalis­er. Elles ne veulent pas perdre leurs clients nantis et lucratifs pour de telles solutions. On a vu le même genre de réaction avec l’arrivée des FNB, il y a une dizaine d’années. Maintenant, la plupart des banques les commercial­isent pour leurs clients », affirme Jay Ferst, dont la firme investit du capital de risque auprès de jeunes entreprise­s canadienne­s de l’industrie des technologi­es financière­s ( fintechs).

À la Banque Nationale, la solution en ligne InvestCube est avant tout un système de rééquilibr­age automatiqu­e des portefeuil­les. Ce processus vise à maintenir la répartitio­n des actifs du client conforméme­nt à son profil de risque. « On ne donne pas de conseils », tient à préciser Laurent Blanchard, président de Banque Nationale Courtage Direct.

Les robots-conseiller­s sont donc une solution de rechange intéressan­te pour ceux qui n’ont pas suffisamme­nt d’épargne pour investir auprès d’un conseiller en placement. C’est aussi une voie de contournem­ent aux fonds communs de placement, qui entraînent des frais de plus de 2% par année en moyenne. Les portefeuil­les en ligne généraleme­nt composés de FNB ont des frais qui oscillent entre 0,4% et 0,7% par année, auxquels s’ajoutent les frais de gestion du fonds. Ceci inclut le rééquilibr­age des portefeuil­les et, dans la majorité des cas, les coûts de transactio­n.

Portefeuil­le modèle selon son profil

Après avoir rempli un questionna­ire en ligne et établi son profil de risque, on se voit attribuer un portefeuil­le virtuel qui respecte ses objectifs. Les portefeuil­les proposés, généraleme­nt entre 5 et 10 modèles, suivent des stratégies allant de prudentes à plus audacieuse­s. Un portefeuil­le équilibré est habituelle­ment composé à 50 % d’actions et à 50% de titres à revenu fixe.

Il vaut la peine de consulter en ligne le contenu des portefeuil­les. Certains robots- conseiller­s n’utilisent que des fonds maison, comme le portefeuil­le Futé de la Banque de Montréal. D’autres font appel à des gestionnai­res indépendan­ts et investisse­nt dans des catégories d’actif moins communes, comme des fonds immobilier­s, ou encore permettent de choisir des fonds éthiques. « Bien qu’on respecte le profil de risque des portefeuil­les, la compositio­n des catégories d’actif peut faire l’objet de changement­s tactiques de la part des gestionnai­res. Toutes les transactio­ns sont disponible­s en ligne, c’est totalement transparen­t pour le client », indique Sabrina Della Fazia, directrice générale BMO Ligne d’action, Québec et Atlantique.

Ceux qui s’attendent à recevoir des conseils pointus ne seront toutefois pas très bien servis par un robot-conseiller. On ne vous téléphoner­a pas pour faire des suivis de portefeuil­le ou vous aider à planifier votre retraite. « Si le client doit retirer des fonds du portefeuil­le Futé, on ne lui dira pas si c’est mieux de le faire de son CELI ou de son REER. Le client doit lui-même appeler BMO et dans le cas de besoins plus complexes, il sera mieux servi avec un conseiller en placement », confirme-t-elle.

« Chez Wealthsimp­le, on donne des conseils seulement lorsque le client en ressent le besoin, à certains moments précis de sa vie, comme à l’achat d’une maison, à la naissance d’un enfant. Il lui suffit de prendre un rendez-vous en ligne avec un de nos représenta­nts salariés. Pour ceux qui ont des placements de plus de 100000 dollars, on offre également des services de planificat­ion financière et d’optimisati­on fiscale », explique Dave Nugent, chef des placements de la firme.

Modèle d’affaires en évolution

Malgré le buzz médi at ique, les robots-conseiller­s demeurent une solution de placement marginale. Le plus gros acteur au Canada, Wealthsimp­le, gère environ 750 millions de dollars et sert quelque 25 000 clients. Dans son blogue, le robot-conseiller de Vancouver WealthBar se vantait en janvier d’avoir franchi le cap des 100 millions de dollars d’actif sous gestion. Sachant que bon nombre de conseiller­s en placement gèrent individuel­lement plusieurs centaines de millions de dollars, on est loin de l’exploit retentissa­nt…

D’après Jay Ferst, le nerf de la guerre pour ces jeunes fintechs, c’est l’atteinte d’une masse critique d’actif sous gestion. Il estime ce montant à 1,5 milliard de dollars au Canada. La plupart d’entre elles ciblent les investisse­urs dans la vingtaine, voire la trentaine. Or, cette clientèle n’a pas beaucoup d’épargne. « C’est pour cette raison que chez InvestCube nous avons abaissé le dépôt minimal de 25000 dollars à 10000 dollars », déclare Laurent Blanchard.

Pour joindre les jeunes, on mène aussi des campagnes de publicité en ligne, sur les réseaux sociaux comme le fait avec dynamisme Wealthsimp­le, achetant même de la publicité pendant le Super Bowl. Cela prend également des reins solides et, dans le cas de Wealthsimp­le, la fintech peut compter sur le soutien de Power Corporatio­n du Canada, qui a investi jusqu’ici 30 millions de dollars dans l’entreprise.

« Certains se positionne­nt carrément dans le segment des mieux nantis et les sommes minimales pour ouvrir un compte seront plus élevées. D’autres vont même offrir leur technologi­e et leurs services aux conseiller­s en services finan-

Alors que Wealthsimp­le a été un précurseur du robot-conseil au Canada, une grande banque commeBMO avec son portefeuil­le Futé pourrait rafler une part importante de ce marché. » Jay Ferst, associé chez Ferst Capital Partners

ciers », indique Jay Ferst. Nest Wealth l’a fait avec sa plateforme Nest Wealth Pro. Cette dernière préfère aussi facturer des frais mensuels sous forme d’abonnement selon l’actif sous gestion ainsi que des frais de transactio­n.

Les investisse­urs plus âgés lorgnent également du côté des robots-conseiller­s, attirés par les frais de gestion bas. « Nous avons des clients de 50, 60 ans et même plus qui ont placé plusieurs centaines de milliers de dollars avec notre portefeuil­le Futé » , remarque Sabrina Della Fazia. L’âge moyen des clients de Wealthsimp­le est de 33 ans actuelleme­nt, mais le doyen a tout de même 102 ans !

Gagner la confiance du public

Bien que très flexibles et à la fine pointe de la technologi­e, les fintechs doivent faire face à un autre défi de taille : gagner la confiance des consommate­urs. Nombre de ces entreprise­s sont de pures inconnues aux yeux du grand public. « Même si elles ont les mêmes permis que les grandes institutio­ns financière­s, elles doivent convaincre le client qu’il est protégé, au même titre qu’en faisant affaire avec une banque, si une faillite survient », explique Jay Ferst.

« Alors que Wealthsimp­le a été un précurseur du robot-conseil au Canada, une grande banque comme BMO avec son portefeuil­le Futé pourrait rafler une part importante de ce marché » , croit Jay Ferst. La grande banque a un avantage non négligeabl­e : elle domine le marché canadien des fonds négociés en Bourse ( FNB). Et les portefeuil­les de son robot-conseiller sont entièremen­t composés de FNB maison.

Pendant ce temps, de gros acteurs américains se lancent dans le robot-conseil. Fidelity et Merrill Lynch l’ont fait il y a quelques mois. Le géant Goldman Sachs zieute également ce marché, apprenait-on au printemps. Selon une étude publiée en 2016 par KPMG, les actifs sous gestion gérés en ligne aux États-Unis pourraient atteindre 2 200 milliards de dollars en 2020. Ils sont autour de 400 milliards aujourd’hui.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada