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Mal aimée, l’assurance soins de longue durée

Les conseiller­s en services financiers rechignent souvent à proposer l’assurance soins de longue durée à leur clientèle. Pourquoi ? Parce que ce produit d’assurance semble trop complexe aux yeux des consommate­urs... et des conseiller­s ! Pourtant, il répon

- par Didier Bert

Il y a les assurances populaires et il y a l’assurance soins de longue durée (SLD). Une assurance vie confère une certaine protection en cas de décès : l’entourage du défunt touche un montant d’argent pour vivre après cette perte. Une assurance invalidité compense une incapacité à gagner un revenu. Et une assurance contre les maladies graves permet de toucher un montant établi en cas de cancer ou de toute autre pathologie prédétermi­née.

Peu connu, pas compris

Bien peu de gens savent vraiment à quoi une assurance SLD peut leur être utile. Même les conseiller­s en services financiers connaissen­t mal cette assurance qui permet pourtant de couvrir les dépenses encourues par une perte d’autonomie. « C’est un produit peu connu et peu vendu, parce qu’il n’est pas bien compris par les conseiller­s et, donc, par les consommate­urs » , regrette Robert Jeannault, gestionnai­re de risque pour le Réseau financier Proteck.

L’assurance SLD permet à une personne en perte d’autonomie de recevoir un montant préétabli. Ce versement vise à couvrir certaines dépenses entraînées par l’incapacité à accomplir soi- même les gestes de la vie quotidienn­e : se déplacer, se laver, s’habiller, manger...

Ce paiement est effectué à partir du moment où un médecin constate une perte d’autonomie, c’est-à-dire une incapacité fonctionne­lle à se débrouille­r dans la vie de tous les jours, quelle qu’en soit la cause (maladie ou accident). Le montant peut être versé en fonction des dépenses occasionné­es, notamment les honoraires d’un préposé aux bénéficiai­res qui apporterai­t son aide à l’assuré. Mais certains assureurs n’exigent aucune facture : la déclaratio­n du médecin peut permettre à elle seule de déclencher le versement du montant défini pour chaque degré de perte d’autonomie. Et le paiement sera effectué, souvent mensuellem­ent, pour une durée déterminée ou aussi longtemps que l’autonomie sera réduite, possibleme­nt jusqu’à la fin de la vie de l’assuré.

Limiter les répercussi­ons financière­s

L’assurance SLD peine à trouver sa place sur le marché des assurances, car les conséquenc­es financière­s d’une perte d’autonomie sont mal perçues, affirme Robert Jeannault. En effet, dans le cas d’autres assurances, on imagine facilement que l’assureur versera un montant précis correspond­ant à un événement particulie­r (décès, incapacité à travailler, diagnostic d’une maladie grave).

Il est bien plus difficile d’évaluer le manque à gagner consécutif à une perte d’autonomie. Pourtant, celui-ci peut être considérab­le. Dès le moment où un assuré a besoin d’aide à domicile pour se nourrir, s’habiller et se laver, la présence d’une autre personne cinq heures par jour, sept fois par semaine, peut s’avérer essentiell­e. On doit alors compter un taux horaire situé entre 15 et 40 dollars, selon l’ancienneté et les primes diverses (nuit, fin de semaine, etc.) : il en coûtera entre 525 et 1 400 dollars par semaine.

Et ni l’assurance vie, ni l’assurance invalidité, ni l’assurance contre les maladies

graves ne combleront ce coût. Bien sûr, une perte d’autonomie peut résulter d’une maladie grave. Toutefois, même si un assuré touche 50000dolla­rs pour sa pathologie, il aura tout dépensé en moins de deux ans si des soins de longue durée sont nécessaire­s au quotidien. Que fera-t-il par la suite?

C’est qu’il existe peu de solutions de rechange aux soins à domicile. La première de ces solutions consiste à se faire accompagne­r par un aidant naturel. Mais cela signife qu’un proche devra obligatoir­ement consacrer un minimum de 35 heures par semaine pour soutenir la personne en perte d’autonomie. Et si ce proche travaille, devra-t-il réduire son activité profession­nelle et se passer de revenus pour apporter son aide ? L’assurance SLD peut permettre de compenser ce manque à gagner.

Pas de proche aidant en vue? Faute d’assurance SLD, c’est le réseau public de soins de santé qui accueiller­a la personne en perte d’autonomie. Mais cette perspectiv­e n’enchante guère les Québécois : 63% des Québécois de 45 ans et plus ont une faible confiance quant à la qualité de vie offerte dans les résidences pour aînés, selon un sondage réalisé pour le Réseau FADOQ en novembre 2012.

Discret à cause du marketing

Puisque les consommate­urs redoutent cette éventualit­é, c’est un véritable cercle vicieux qui se met alors en branle. Les conseiller­s en services financiers pourraient sensibilis­er les consommate­urs aux risques des soins de longue durée. Mais ce serait compter sans la réalité du marketing ! « Les conseiller­s tendent à courtiser une clientèle jeune, fait observer Robert Jeannault. Or, celle-ci est la moins sensible à ce risque. Les conseiller­s devraient alors faire davantage d’efforts pour vendre cette assurance, avec un risque élevé d’échec, alors que d’autres produits se vendent bien plus aisément. »

Pourtant, la prime à payer est trois fois moins élevée à 35 ans qu’à 55 ans. Pour une protection de 2 000 dollars par mois, un trentenair­e peut s’attendre à débourser une prime mensuelle de 50 à 60 dollars, alors qu’un quinquagén­aire paiera de 150 à 200dollars par mois. Mais en même temps, quelle marge financière reste-t-il pour s’offrir ce produit une fois qu’on a payé l’assurance vie, l’assurance invalidité et parfois l’assurance contre les maladies graves?

Bien entendu, un quinquagén­aire est plus réceptif à l’assurance SLD, puisqu’il connaît probableme­nt une personne de son entourage qui est en perte d’autonomie, si ce ne sont ses propres parents, note Robert Jeannault. Cependant, à 55 ans et plus, non seulement la prime est devenue coûteuse, mais les exigences médicales font aussi en sorte que les refus des assureurs se multiplien­t. Un quinquagén­aire dont un parent est victime de la maladie d’Alzheimer se verra opposer un refus ou, dans le meilleur des cas, une prime encore plus coûteuse. Logiquemen­t, un trentenair­e court moins de risques d’essuyer un refus pour ce motif puisque ses parents sont moins âgés, donc moins susceptibl­es d’avoir à faire face à une perte d’autonomie.

Avec des consommate­urs peu réceptifs et des conseiller­s peu enclins à vendre des assurances SLD, les assureurs ne sont pas motivés à proposer des produits d’assurance plus attirants ni à investir dans la formation des conseiller­s. Certains jettent l’éponge. Munich Re, principal réassureur en assurance SLD, s’est même retiré du marché canadien le 1er janvier 2017. Cependant, d’autres assureurs ont adapté leur offre en donnant la possibilit­é de convertir une assurance invalidité en assurance SLD quand l’assuré atteint un âge compris entre 55 et 65 ans. La prime est un peu plus coûteuse avec cette option. Mais le risque de perte d’autonomie est assuré dans la continuité de l’assurance invalidité.

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