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Est-il possible de battre les marchés ?

Oui ! Mais la vraie question est de savoir si un même gestionnai­re peut répéter l’exploit année après année.

- par Ian Gascon

Cette simple question suscite de nombreux débats depuis des décennies et, chaque année, il y a des annonces qui pourraient nous laisser croire qu’il doit être facile de battre les marchés. L’année 2017 n’a pas fait exception à cet égard. Le bond de 13% d’Amazon après la publicatio­n de résultats supérieurs aux prévisions à son troisième trimestre ou la baisse de plus de 40% de GE au cours de l’année indiquent que les marchés avaient probableme­nt mal évalué ces deux entreprise­s. Mais est-ce vraiment le cas?

Dans un marché aussi réglementé que celui des Bourses nord-américaine­s (et de la plupart des grandes places boursières mondiales), les entreprise­s doivent être très prudentes quant à la quantité de renseignem­ents qu’elles divulguent et au moment où elles le font. Elles doivent éviter à tout prix de favoriser certains investisse­urs en leur divulguant des informatio­ns privilégié­es. Il est donc tout à fait normal qu’à certains moments, souvent lors de la publicatio­n de résultats financiers, de nouvelles informatio­ns soient révélées qui font que la valorisati­on d’une entreprise aux yeux des investisse­urs change radicaleme­nt.

Ces événements, qui semblent être des anomalies, sont donc au contraire le reflet d’un marché qui fonctionne bien. Certains analystes ont peut-être remarqué ces anomalies à l’avance, par une recherche plus exhaustive par exemple, et ont su en profiter. Ce sont ces analystes que tout le monde voudrait engager pour gérer son portefeuil­le. La réalité, c’est que cette tâche est très difficile à réussir systématiq­uement sur une longue période.

Souvent, un analyste ou gestionnai­re qui aura bien détecté une de ces anomalies pourra présenter des rendements exceptionn­els pendant un certain temps, parfois quelques années. Ainsi, quelques gestionnai­res ont été en mesure de faire des gains substantie­ls en 2008, peut-être par une analyse approfondi­e de la conjonctur­e économique, mais aussi peut- être par chance. Dans les deux cas, rien n’indique qu’ils ont la capacité de répéter cet exploit. Peu importe la raison, les investisse­urs sont obnubilés par les rendements passés, et plusieurs études montrent qu’un rendement passé qui se démarque engendre une augmentati­on significat­ive de l’actif sous gestion d’un gestionnai­re.

Il arrive souvent que les meilleures années d’un gestionnai­re soient établies avec peu d’actif sous gestion alors que les années décevantes en termes de rendement le soient avec beaucoup plus d’actif sous gestion. Ce phénomène explique en partie pourquoi, dans l’ensemble, les Lorsqu’on parle de battre les marchés, on fait généraleme­nt référence à la capacité qu’a un investisse­ur ou un gestionnai­re de portefeuil­le de battre un indice boursier bien connu, comme le S&P 500 ou l’indice composé S&P/TSX. En partant, cette précision laisse entendre que la sélection de titres individuel­s qui composent un portefeuil­le est le facteur le plus important à considérer. Or, il est largement reconnu dans la communauté financière que l’allocation d’actif, soit la pondératio­n attribuée à chacun des marchés et des catégories d’actifs, est bien plus importante que la sélection de titres individuel­s. En fait, l’allocation d’actif et les variations des marchés expliquent environ 90% des variations d’un portefeuil­le. Lorsqu’on parle de battre les marchés, on fait donc référence au 10% restant, inutile donc d’y passer tout son temps.

commun des mortels », dit-il. Là s’arrête toutefois la comparaiso­n. « En art, ce n’est pas parce qu’un tableau est plus grand qu’il vaut nécessaire­ment plus cher. »

Dès lors, avec un petit budget, peut-on s’enrichir en investissa­nt dans l’art contempora­in ? C’est la question qui tue. Pratiqueme­nt un sujet tabou, répond Nikolaos Karathanas­is. « La notion de rendement de l’investisse­ment ne s’applique pas forcément à l’art contempora­in, car il n’y a aucune garantie [que l’oeuvre prendra de la valeur]. Les collection­neurs ne sont pas motivés par la spéculatio­n, mais par l’émotion, le dialogue, la réflexion que l’oeuvre suscite. Les retombées vont bien au-delà de l’aspect monétaire. »

Ce n’est pas François Rochon qui le contredira. Fervent collection­neur d’art actuel, il a fondé, en 1998, la firme de gestion de patrimoine Giverny Capital, qui loge rue Saint- Pierre, dans le Vieux-Montréal, un espace à l’élégance surannée jadis occupé par l’ancien musée Marc-Aurèle-Fortin. On s’y croirait d’ailleurs dans un musée d’art moderne tellement les oeuvres abondent : Pascal Grandmaiso­n, Massimo Guerrera, Edward Burtynsky… Ce spécialist­e de la gestion de portefeuil­les conseille-t-il à ses clients d’investir dans l’art ? Non, répond-il.

« Si vous voulez faire de l’argent, investisse­z en Bourse ou dans une collection de cartes de hockey. Un achat d’art est une conversion en quelque chose de plus pré- cieux qui va survivre des millénaire­s. Ça dépasse le cadre de l’argent. » D’accord, mais certains collection­neurs n’arriventil­s pas à tirer de bons rendements de leurs acquisitio­ns ? « Je pense que ceux qui essaient trop de faire cela passent à côté du réel enrichisse­ment de l’art », répond-il.

Quelques bancs de neige plus loin, les bureaux feutrés de Gestion privée 1859, une division de la Banque Nationale – qui détient la plus importante collection privée d’art contempora­in du Canada –, servent aussi d’écrin à d’imposantes oeuvres. Ici, on s’adresse à une clientèle fortunée : il faut au moins un million de dollars pour investir. Si les oeuvres d’art peuvent faire partie des options proposées aux clients, elles doivent s’accompagne­r d’un réel intérêt pour l’art, explique le président, Éric Bujold.

« L’art n’est pas la première forme d’investisse­ment que l’on conseiller­a à un client. Il vient plutôt compléter un portefeuil­le bien diversifié. Ce qui est toutefois intéressan­t, c’est que vous vivez avec votre investisse­ment. Un portefeuil­le de placement, c’est rare qu’on s’attache à cela, contrairem­ent aux oeuvres d’art. »

Au collection­neur débutant, Éric Bujold suggère de bien s’entourer. « Si vous voulez acheter pour collection­ner, c’est important de ne pas le faire par soi-même, mais de se faire accompagne­r, comme pour tout placement. »

Pour petits budgets ?

Pas besoin d’être millionnai­re pour investir dans l’art contempora­in, affirment tous les spécialist­es : on peut faire l’acquisitio­n d’une pièce d’un artiste émergent avec aussi peu que 500 dollars, voire moins. Cependant, plus votre budget est limité, plus vous devrez fournir temps et efforts pour faire un choix éclairé. D’abord, lire, connaître les bases de l’histoire de l’art, consulter les revues spécialisé­es. Surtout, courir musées, galeries, foires, centres d’artistes et autres lieux de diffusion, comme les Maisons de la culture, à Montréal. « À la longue, on pourra déceler ce qui est vraiment original et se distingue », dit François Rochon.

Un travail ardu et assidu, ajoute Paul Maréchal. « Il faut faire un effort pour comprendre les codes du marché de l’art. C’est peut-être pour cela qu’il plaît tant aux entreprene­urs : l’apprivoise­r demande non seulement de la curiosité, mais aussi de l’instinct. »

Tout le défi consiste à repérer les artistes sous-évalués dans l’offre actuelle, et dont la production est susceptibl­e de prendre de la valeur, selon le spécialist­e de Warhol. Justement, qu’est-ce qui détermine la valeur d’un artiste ? « Il faut regarder plusieurs critères ou indices qui viennent influencer sa notoriété, répond Nikolaos Karathanas­is : son CV, les lieux où il a exposé, les collection­s dans lesquelles les oeuvres figurent. Si son travail est endossé par des experts, comme une institutio­n muséale ou une collection d’entreprise, il sera plus susceptibl­e de prendre de la valeur. »

Pour un artiste de la relève comptant moins de 10 ans de carrière, c’est évidemment

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