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Sa vie financière au creux de la main

Un conseiller ? Non ! Aller dans une succursale bancaire ? Encore moins ! Ils préfèrent leur téléphone pour gérer leur argent. Et voici leurs applis préférées.

- par Sophie Stival

Un conseiller? Non! Aller dans une succursale bancaire? Encore moins! Ils préfèrent leur téléphone pour gérer leur argent. Et voici les applis préférées des milléniaux.

Il n’a jamais été aussi simple d’investir en Bourse. Quelques manoeuvres sur un téléphone intelligen­t permettent désormais de dresser le portrait complet de sa situation financière. On peut même acheter de l’assurance vie sans rencontrer l’ombre d’un conseiller.

Les plus jeunes clients de l’industrie financière n’ont rien connu d’autre. Aller à la banque pour ouvrir un REER et sélectionn­er des fonds communs de placement avec l’aide d’un vendeur ? Jamais dans cent ans !

Curieux et autonomes, ils ont à leur dispositio­n des outils et des sources d’informatio­n auxquels ne pouvaient même pas rêver leurs aînés, à leur âge. « Plusieurs s’intéressen­t à l’investisse­ment automatisé à l’aide d’algorithme­s, sur des plateforme­s électroniq­ues. Ils sont avides d’en connaître plus sur les cryptomonn­aies et lisent sur le sujet. Certains vont spéculer et d’autres vont essayer de le faire de manière plus systématiq­ue », observe Jan Christophe­r Arp, qui se définit comme un évangélist­e des fintechs. Il joue le rôle de facilitate­ur entre les joueurs de l’industrie des technologi­es financière­s à Montréal.

Une banque en ligne qui plaît

De là à dire que toutes les personnes de moins de 35 ans sont rompues au Bitcoin et à l’Ethereum, il y a un pas, même deux, à ne pas franchir. La crise financière de 2008 a rendu prudents les Y les plus âgés. Elle a aussi miné la confiance de certains Y envers les grandes banques traditionn­elles.

Vincent Gagnon, 26 ans, n’a pas ouvert son portefeuil­le de cryptomonn­aies. Il a plutôt succombé pour la banque Tangerine, populaire chez les jeunes épargnants. En 2013, quand la banque virtuelle, alors ING Direct, a été la première au Canada à permettre le dépôt de chèques photograph­iés, à l’aide d’un téléphone intelligen­t, il a décidé d’y ouvrir un compte. « C’était beaucoup moins long que de me rendre à ma succursale de la Banque Nationale », fait-il valoir.

Heureux d’épargner des frais mensuels sans devoir détenir un solde minimum, Laurens Fradette a aussi fait son nid chez Tangerine. « Si je garde un compte chez Desjardins, c’est pour parler à un conseiller le jour où j’aurai besoin d’une hypothèque », dit Laurens, 26 ans.

Les jeunes que nous avons rencontrés apprécient le côté à la fois simple et innovateur des services bancaires mobiles de Tangerine. Ils aiment aussi l’absence des frais mensuels, une pratique à laquelle ils sont allergique­s.

Contrairem­ent à leurs aînés qui concentren­t leurs affaires dans une même institutio­n, ils ne craignent, en parallèle, de recourir aux services financiers offerts ailleurs. Ils utilisent diverses applicatio­ns gratuites ou peu coûteuses comme Mint, Mylo, Tricount, Splitwise, en plus des services d’un courtier en ligne ou d’un robot-conseiller.

Applicatio­ns en demande

Quand Laurens Fradette est parti en appartemen­t avec ses frères, ses parents lui ont offert un cahier Canada afin de faire le suivi de ses dépenses. L’intention était belle. « J’ai tout de suite cherché un système plus efficace en ligne et la plateforme Mint répondait à mes besoins », raconte le technicien comptable. La protection des données personnell­es est comparable à celle des banques canadienne­s pour ce qui est du cryptage des données,

mais le système n’est pas parfait. « Pour les cartes de crédit prépayées, par exemple, l’applicatio­n me dit que c’est une dette. J’ai décidé de payer [49,99$ US] pour le logiciel de tenue de compte Moneydance, plus flexible. Il me permet de créer des comptes manuels sans qu’ils soient reliés à une banque », explique-t-il.

« En six mois, j’ai accumulé environ 200 dollars, des sommes que je n’aurais probableme­nt pas amassées sans cela », indique Vincent Gagnon. « Cela », c’est Mylo, une applicatio­n montréalai­se d’épargne systématiq­ue. Le principe ? Mylo arrondit au dollar supérieur les dépenses faites avec une carte de débit ou de crédit. L’achat d’un café à 3,25 dollars est arrondi à 4 dollars et permet ainsi de verser 75 cents au compte d’investisse­ment Mylo. Le logiciel permet d’ajouter un effet multiplica­teur sur le montant arrondi afin d’accélérer l’épargne.

Vincent Gagnon sait qu’un virement hebdomadai­re de son compte d’épargne à son CELI, par exemple, serait plus efficace pour se bâtir un coussin financier, mais il apprécie la méthode sans douleur de Mylo. L’applicatio­n investit ses économies dans des fonds négociés en Bourse (FNB). À part les frais de gestion intégrés aux FNB, il lui en coûte un dollar par mois, peu importe le montant investi, pour utiliser le service.

Sur un autre front, le bon vieil Excel est mis à mal par une panoplie de logiciels spécialisé­s. Ceux qui voyagent avec des amis ou qui vivent en colocation craquent pour des applicatio­ns comme Tricount ou Splitwise, très utiles pour calculer les frais partagés. Il suffit de créer un compte et d’y entrer les noms des participan­ts et les dépenses communes. L’outil mobile établit le solde de chacun et propose une solution pour équilibrer le tout. « C’est comme un gros chiffrier. Ma copine et moi, on entre toutes nos dépenses comme les restos, le loyer et on suit le montant que l’un doit à l’autre. Cela nous permet de savoir qui va payer la prochaine sortie, par exemple », explique Vincent Gagnon.

Magasiner ses assurances en ligne

Dans le domaine des assurances, les entreprise­s de technologi­es financière­s (fintechs et insurtechs) ne sont pas en reste. Les assureurs sont de plus en plus nombreux à s’associer avec des insurtechs afin de profiter de leurs applicatio­ns et de leurs plateforme­s innovantes. Par exemple, Covera offre un service de courtage entièremen­t numérique qui magasine pour le client le renouvelle­ment des polices d’assurance automobile et d’habitation. La numérisati­on et l’automatisa­tion des

processus pour la vente de produits d’assurance sont également en train de se faire chez plusieurs assureurs.

En assurance vie, les jeunes ont la perception que le courtier est là pour vendre et non pour leur donner des conseils, croit Martin Bailey. Avec sa conjointe Isabelle Bouchard, il a fondé Karma Assurance. Cette applicatio­n Web offre notamment du courtage en assurance vie en ligne. Elle permet d’analyser ses besoins à l’aide de questionna­ires. Les clients peuvent obtenir du soutien grâce à une plateforme de clavardage en direct ou, pour les plus nostalgiqu­es, une ligne téléphoniq­ue. Il est aussi possible de rencontrer un représenta­nt en personne, si nécessaire.

C’est que les jeunes sont absents des canaux traditionn­els de distributi­on d’assurance, et Martin Bailey n’est pas le seul à tenter d’aller capter cette clientèle. « Empire Vie et son produit Allez Empire est un bon exemple avec son modèle hybride où le représenta­nt en sécurité financière demeure disponible pour des conseils pour poursuivre les démarches si le client ne se qualifie pas pour le produit simplifié en ligne » , remarque Martin Bailey. Financière Sun Life offre également plusieurs produits d’assurance vie en ligne avec sa plateforme virtuelle Go Sun Life.

Et nos placements ?

Dans son opération charme auprès des jeunes, le milieu de l’assurance accuse tout de même du retard sur le secteur du placement. Il faut dire que l’encadremen­t du secteur vient à peine d’être assoupli au Québec pour favoriser la distributi­on des produits d’assurance par les plateforme­s électroniq­ues.

L’industrie des valeurs mobilières s’est adaptée plus tôt. La multiplica­tion des firmes de courtage en ligne, l’explosion de l’offre de fonds négociés en Bourse et plus récemment l’arrivée des robots-conseiller­s ont progressiv­ement ouvert la voie (une autoroute!) vers les marchés boursiers. En quelques minutes, avec l’aide de son téléphone, n’importe qui peut être pleinement investi en Bourse, et pour pas cher!

Tommy Lebel ne s’est pas entiché pour la sélection de titres ; il préfère s’amuser en achetant un peu de bitcoins dont il suit le cours avec l’applicatio­n Coin Portfolio. Il utilise également Electrum comme porte-monnaie pour ses bitcoins. Ce qui ne l’a pas empêché d’ouvrir un compte de placement chez Wealthsimp­le, un robot-conseiller qui lui a concocté un portefeuil­le diversifié et adapté à son profil d’investisse­ur. Cette solution pro- pose des portefeuil­les en ligne généraleme­nt composés de FNB comportant des frais qui oscillent entre 0,4% et 0,7% par année, auxquels s’ajoutent les frais de gestion du fonds. Cela inclut le rééquilibr­age des portefeuil­les et, dans la majorité des cas, les coûts de transactio­n.

Après avoir rempli un questionna­ire en ligne et établi son profil de risque, le client se voit proposer par le robot-conseiller un portefeuil­le virtuel qui respecte ses objectifs. Les portefeuil­les proposés, généraleme­nt entre 5 et 10 modèles, suivent des stratégies allant de prudentes à plus audacieuse­s. Il existe une douzaine de robots-conseiller­s au Canada tels Nest Wealth, WealthBar, Portfolio IQ. Mais encore peu de grandes banques offrent ce service chez nous. Il y a le Portefeuil­le futé de BMO et la solution InvestCube de la Banque Nationale.

Avec son applicatio­n Hardbacon, Julien Brault souhaite démocratis­er encore davantage l’accès au marché boursier. Sa clientèle cible : les investisse­urs qui détiennent moins de 100 000 dollars ( lire : les jeunes) ! Alors que les robots-conseiller­s proposent des portefeuil­les de type « prêt- à- porter » , Hardbacon offre des outils à ceux qui veulent construire eux-mêmes leur portefeuil­le. L’applicatio­n peut simultaném­ent se connecter sur plusieurs comptes de courtage d’un même client et offrir une analyse rapide de la répartitio­n d’actifs. La plateforme offre aussi des portefeuil­les modèles, le tout sur une interface dans l’air du temps, ludique et épurée.

Une autre fintech québécoise, l’applicatio­n gratuite Wealthica, agit comme un tableau de bord qui permet en un coup d’oeil aux investisse­urs de suivre la valeur nette consolidée de leurs avoirs au près de différente­s institutio­ns. Selon Simon Boulet, qui a cofondé l’entreprise, un conseiller financier pourrait éventuelle­ment accéder au portrait financier de son client afin d’avoir une vue d’ensemble de sa situation et de lui proposer de meilleurs produits. Aux États-Unis, c’est déjà le cas avec des applicatio­ns comme eMoney, où les conseiller­s demandent à leurs clients de connecter tous leurs comptes.

Férus de technologi­es, les jeunes n’en constatent pas moins les limites à mesure que leurs besoins se complexifi­ent. « J’aimerais parler à un profession­nel expériment­é, mais je ne me sens pas à l’aise d’aller à ma succursale bancaire, car on ne fera pas une analyse complète de tous les produits de placement ou d’assurance offerts sur le marché, on voudra plutôt me vendre ceux de l’institutio­n », croit Tommy Lebel.

Il cherche une applicatio­n en ligne qui lui proposerai­t une planificat­ion financière, incluant ses besoins en assurance.

Il pourrait chercher encore longtemps. +

L’applicatio­n Web de Karma assurance offre du courtage en assurance vie en ligne.

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