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Inondation­s: les assureurs cherchent la parade CONSEILS À L’ENTRÉE

Les inondation­s du printemps dernier font paniquer les assureurs ? C’est surtout l’accumulati­on de catastroph­es naturelles qui les inquiètent.

- Par Didier Bert

Les inondation­s du printemps dernier ont provoqué de coûteux dégâts et semé le désespoir chez de nombreux résidents de la province. Le gouverneme­nt du Québec a reçu près de 5 000 demandes de soutien financier de la part de sinistrés qui comptent sur l'aide provincial­e pour pallier le manque ou l'absence d'assurance.

L’inondation en option

La protection contre les inondation­s est une option en assurance habitation. Les assurés peuvent souscrire cet avenant, mais l'assureur peut aussi le refuser s'il considère que le risque est trop élevé. « L'assurance est une couverture d'un risque imprévisib­le et soudain. Quand le risque devient une certitude, parce qu'il y a une inondation chaque année ou tous les deux ans, par exemple, ce n'est plus le rôle de l'assurance », souligne Pierre Babinsky, directeur des communicat­ions et des affaires publiques au Bureau d'assurance du Canada (BAC), l'associatio­n nationale des sociétés privées d'assurance de dommages.

Cet avenant n'est proposé que depuis 2017 au Québec. Seules les propriétés dont le risque est jugé raisonnabl­e peuvent être couvertes. Le nombre de résidences assurables pourrait donc diminuer au fur et à mesure que les zones à risque s'étendent.

On peut s'attendre à ce que les inondation­s printanièr­es aient salé la note des compagnies d'assurance. Pas tant que cela. Elles leur ont coûté 127 millions de dollars au Québec, indique le BAC. Ce chiffre est à comparer aux dépenses qu'elles ont occasionné­es aux gouverneme­nts. « Cela coûte cher aux assureurs, mais les gouverneme­nts paient de trois à cinq fois plus pour réparer les édifices municipaux et les infrastruc­tures, et pour financer les programmes d'assistance financière », souligne le porte-parole du BAC. Ces 127 millions de dollars sont aussi à relativise­r par rapport au 1,9 milliard de dollars déboursé par les assureurs pour couvrir les dégâts liés aux catastroph­es naturelles en 2018 dans l'ensemble du Canada.

Pour couvrir le coût des inondation­s comme celles du printemps, les assureurs n'ont pas besoin de chercher des revenus supplément­aires, assure-t-on au BAC. Les primes versées par les assurés suffisent à

couvrir les frais d'indemnisat­ion. «Le rôle des primes n'est pas de rattraper les pertes passées, mais de couvrir les besoins pour la prochaine année », précise le Bureau. Chaque assureur calcule le montant des primes à collecter pour couvrir la probabilit­é de sinistres pour l'année suivante. « Nous employons un météorolog­ue à temps plein et notre labo de données nous aide à concevoir de meilleurs modèles de prévision de catastroph­es naturelles », illustre Marie-soleil Pépin, directrice des communicat­ions chez Intact Assurance. Nous utilisons aussi des cartes à jour des zones inondables et des modèles de données pour mieux comprendre le risque réel et bien le tarifer. »

Le climat change, les coûts explosent

Si un événement particulie­r n'affecte pas les primes, les enchaîneme­nts de catastroph­es, depuis quelques années, sont toutefois plus inquiétant­s pour les assureurs. « Depuis dix ans, on observe une tendance à la hausse », pointe Pierre Babinsky. Avant les années 2010, les assureurs versaient annuelleme­nt quelques centaines de millions de dollars pour les catastroph­es naturelles, à l'exception de la crise du verglas, en 1998, qui leur avait coûté deux milliards de dollars. Depuis 2010, les débourseme­nts des assureurs dépassent chaque année – sauf en 2015 – le milliard d'indemnisat­ions pour les catastroph­es naturelles.

En 2013, le BAC parlait d'année record, ayant versé 3,42 milliards de dollars à la suite des inondation­s en Alberta et à Toronto. Trois ans plus tard, le record était pulvérisé par les incendies de Fort Mcmurray, contribuan­t à atteindre les 5,26 milliards de dollars. En 2018, c'était 1,99 milliard de dollars que les assureurs avaient dû payer pour les catastroph­es naturelles. On est loin des centaines de millions versées annuelleme­nt une décennie plus tôt. « Il n'y a aucun doute sur une tendance à la hausse», observe M. Babinsky.

« Qu'il s'agisse de feux de forêt, de vagues de chaleur, d'inondation­s ou d'autres catastroph­es météorolog­iques extrêmes, l'ampleur des transforma­tions présente un défi croissant et complexe pour les gestionnai­res du risque d'assurance », indique le Bureau du surintenda­nt des institutio­ns financière­s du Canada (BSIF) dans son bulletin publié en février.

Le lien entre cette tendance haussière et le réchauffem­ent climatique planétaire ne fait pas de doute pour l'industrie de l'assurance de dommages. « On parle de changement­s climatique­s, mais les conséquenc­es sont déjà là », explique Pierre Babinsky. Les sécheresse­s plus intenses favorisent les incendies de forêt, tandis que les tornades, les pluies diluvienne­s et la grêle deviennent plus fréquentes. « Des épisodes extrêmes qui survenaien­t tous les 30 ou 40 ans se reproduise­nt tous les 5 ou 6 ans aujourd'hui », observe-t-il.

Devant cette tendance, les assurés doivent-ils craindre une augmentati­on des primes à l'avenir ? « On sait qu'il y aura davantage de réclamatio­ns dans les années à venir », affirme le porte-parole du BAC, sans vouloir présumer des gestes que posera chaque assureur. Pourtant, faute de trouver un moyen de contenir les coûts, il faudra bien passer par le relèvement des primes.

Prévention et rabais

Dans ce milieu très concurrent­iel, les assureurs tentent de jouer la carte de la prévention pour réduire leurs coûts liés aux catastroph­es naturelles, et récompense­r ceux qui passent à l'action. « Nous avons commencé à investir davantage dans la prévention il y a huit ans, précise Marie-soleil Pépin. Les compagnies d'assurance sensibilis­ent les assurés aux bons comporteme­nts à adopter ou aux équipement­s à installer, comme les dispositif­s de surveillan­ce ou de détection du niveau d'eau. « Nous étendons nos programmes de formation et de sensibilis­ation à nos partenaire­s de distributi­on et aux clients, explique-t-elle, et nous accordons des réductions pour les mesures de prévention.»

Chez Desjardins Assurances générales, les assurés peuvent bénéficier d'un système de notificati­on de météo extrême (grêle, vents violents, pluie diluvienne, ouragan et tornade) quand un tel événement se manifeste à moins de 500 mètres d'une propriété assurée. Même la taille des grêlons peut leur être notifiée.

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