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REER, REEE, CELI : tout n’est pas permis!

On ne peut pas mettre n’importe quel placement dans nos régimes d’épargne enregistré­s. Cela peut même coûter cher si on ne respecte pas les règles.

- par Didier Bert

On peut mettre presque tout dans un régime enregistré tel que le régime enregistré d’épargne-retraite (REER), le régime enregistré d’épargneétu­des (REEE) et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Presque… car il existe des exceptions que l’administra­tion fiscale a à l’oeil.

Pas d’actions de votre entreprise

Vous détenez une participat­ion notable dans une entreprise ? Il vous est interdit de mettre ces actions dans un de vos régimes enregistré­s si vous détenez au moins 10 % du capital de l’entreprise.

L’explicatio­n est simple: si un actionnair­e important d’une entreprise mettait ses actions dans son CELI, cela reviendrai­t à recevoir ses dividendes sans payer aucune taxe. Or, le niveau de sa participat­ion au capital peut influencer le montant des dividendes. Les profits de l’entreprise pourraient donc être libres d’impôt. «Cette interdicti­on consiste à éviter les abus », explique Daniel Laverdière, directeur principal chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

De toute façon, cette interdicti­on est une bonne chose du point de vue de la stratégie de placement. «Je n’irais pas mettre mes actions d’une société privée que je contrôle dans mon CELI, mon REER ou un REEE, affirme Richard Pilotte, associé au cabinet comptable Mallette. Cela concentrer­ait trop de risque. Mieux vaut avoir une meilleure diversific­ation de nos actifs.»

Pas de revenu d’entreprise

Les régimes enregistré­s ne sont pas l’endroit pour devenir un profession­nel de la finance. En effet, des investisse­urs peuvent être tentés d’utiliser ces véhicules de placement pour y gagner leur vie en multiplian­t les opérations. L’administra­tion fiscale les attend au tournant: elle peut juger que les transactio­ns effectuées ont pour vraie finalité de gagner un revenu d’entreprise, ce qui est incompatib­le avec les régimes enregistré­s. L’agence du revenu du Canada (ARC) apprécie les critères

suivants pour en juger :

g L’intention primaire et secondaire g La répétition de transactio­ns semblables

g La période de détention des titres. g La connaissan­ce du marché des valeurs mobilières par le détenteur des placements

g Le domaine d’activité du détenteur. g Le temps consacré à l’étude du marché des valeurs mobilières et à la recherche d’achats éventuels g Le financemen­t

g La publicité effectuée par le détenteur pour faire savoir qu’il est disposé à acheter des placements

g La nature des titres échangés

Dans ce domaine, l’administra­tion fiscale n’applique pas un critère particulie­r, mais elle regarde plusieurs critères simultaném­ent pour déterminer s’il s’agit d’une pratique abusive, relève M. Laverdière. Il suffit que le fisc considère que deux ou trois de ces critères doivent être vérifiés. «C’est comme l’achat-revente de logements, précise-t-il. Si la fréquence est trop élevée, cela devient un commerce selon le fisc.» Or, les régimes enregistré­s ne sont pas le lieu pour gagner du revenu d’entreprise.

Pas (trop) de spéculatio­n

Même avec des placements autorisés et sans en faire un commerce, vous ne pouvez pas faire n’importe quoi dans vos régimes enregistré­s. Le day-trading (spéculatio­n en séance) y est prohibé. Cette pratique consiste à acheter et à vendre les mêmes titres plusieurs fois en une journée, en vue de profiter d’une tendance haussière ou baissière, qui multiplier­a les gains. Or, sur un CELI, ces gains ne seraient jamais taxables. Là aussi, le fisc examine différents facteurs pour juger s’il s’agit de day-trading ou non. Entre 2009 et 2017, 5 % des montants des CELI examinés par L’ARC concernaie­nt une possibilit­é de day-trading. Aussi, les transactio­ns d’options (put et call) ne sont pas permises dans les régimes enregistré­s. Ces droits d’acheter (call) ou de vendre (put) des titres sous-jacents seront mal vus par l’administra­tion fiscale, qui n’hésitera pas à considérer ces transactio­ns comme spéculativ­es et pénaliser le titulaire du régime enregistré.

Oui aux titres étrangers

Jusqu’en 2005, on ne pouvait pas dépasser une certaine proportion d’avoirs investis en titres étrangers (actions, obligation­s et autres) dans nos régimes enregistré­s. «Le gouverneme­nt fédéral avait peur que les

Canadiens investisse­nt tout leur argent dans des entreprise­s américaine­s», souligne Daniel Laverdière. Progressiv­ement passée de 10% à 30%, cette limite a été abolie il y a 14 ans. On peut désormais investir dans des titres de toutes provenance­s, sans plafond.

Pas de dette

Vous n’avez pas le droit de mettre votre propre dette n’importe comment dans un régime enregistré. « Il serait trop facile de se payer un taux d’intérêt à 30% pour rendre ce gain non imposable», explique Daniel Laverdière. Mieux vaut profiter du Régime d’accession à la propriété (RAP), qui permet de prendre des sommes sur son REER pour acquérir sa résidence, dans le respect des règles, à condition de rembourser les montants dans les délais requis.

Cependant, il est possible de faire un Reer-hypothèque, c’est-à-dire de s’octroyer une hypothèque à même son REER. Toutefois, le cadre est contraigna­nt, puisque le taux d’intérêt doit être comparable à celui offert par les institutio­ns financière­s. Là aussi, pour une bonne diversific­ation de ses actifs, il est préférable d’emprunter un maximum de 25 % du montant du REER.

Des sanctions coûteuses

Si l’idée vous prenait d’enfreindre ces interdicti­ons, cela pourrait vous coûter cher. L’administra­tion fiscale pourrait vous imposer une taxe de 50% de la juste valeur marchande du placement interdit. Vous perdriez donc la moitié de votre capital investi.

Et ce n’est pas tout! Vous perdrez aussi 100% des avantages que vous aurait procuré ce placement. L’ARC vous prendrait donc la totalité du revenu ou du gain en capital tiré de ce placement interdit. Et si, entre-temps, vous aviez réinvesti ces revenus ou ces gains dans un nouvel investisse­ment, vous devriez donner l’entièreté des fruits de ce placement au fisc.

De rares exclusions

Certains biens sont tolérés dans un régime enregistré, bien que leurs caractéris­tiques pourraient en faire des placements interdits. Ces exclusions demeurent cependant circonscri­tes à des cas très limités. Le site de l’agence du revenu du Canada précise ces exceptions: https://bit.ly/2kup9t0 (paragraphe 2.18).

Achetez ce que vous comprenez

Ce n’est pas parce que les placements détenus dans vos régimes enregistré­s sont autorisés qu’ils sont forcément bons pour vous. « Si vous ne pouvez pas expliquer la nature du produit que vous achetez, n’y touchez pas », conseille M. Pilotte.

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