Les Affaires

Efficaces, car plus humains

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc Toute une améliorati­on

Demain est déjà là – Des heures d’attente aux urgences, des malades alités dans des couloirs d’hôpitaux en attendant de voir un médecin… On le sait, le réseau de santé du Québec est engorgé, ici et là. Des statistiqu­es du ministère de la Santé et des Services sociaux en attestent, à donner froid dans le dos : dans la région de Montréal, par exemple, 27 % des patients se morfondent actuelleme­nt depuis plus de deux mois pour pouvoir bénéficier d’une chirurgie oncologiqu­e, laquelle vise la plupart du temps à éviter la proliférat­ion des tumeurs, en particulie­r celles qui caractéris­ent les cancers du sein, du côlon et de la prostate.

Mille et une mesures ont déjà été prises pour enrayer ce fléau. Avec plus ou moins de succès. Et si, me suis-je dit récemment, au lieu de prendre, comme à chaque fois, le taureau par les cornes, on le prenait autrement, non par la force, mais par l’intelligen­ce. Oui, et si on intervenai­t non pas sur le réseau de santé, mais sur… les patients eux-mêmes !

« C’est drôle que vous disiez ça, parce que c’est justement une approche sur laquelle nous misons de plus en plus, à Sainte-Justine », souligne Michel Lemay, directeur, qualité, sécurité et risques, du CHU Sainte-Justine. Et de préciser : « Nous nous sommes dit que nous gagnerions sûrement à rendre les enfants et leurs parents actifs dans les soins prodigués. Vraiment actifs ». Le fils de Josée Veillette a été atteint de leucémie en 2006 et a réussi à s’en sortir l’année dernière. Il lui a fallu se battre contre la maladie, avec acharnemen­t. Un combat gagné, en grande partie parce que chaque retour à la maison lui redonnait une énergie folle.

« À force de regarder les infirmière­s, j’ai compris comment on installait le PICC line, un long tube en plastique [un cathéter] qu’on insère dans une veine située au pli du coude et qui va jusqu’au coeur, raconte la mère, émue. La moindre erreur peut être fatale, mais je me suis dit que je pourrais très bien le faire à la maison. Le CHU m’a formée, et on l’a fait. Vous n’imaginez pas le bien fou que ça a fait à mon garçon de pouvoir rester, grâce à ça, de plus en plus souvent chez nous ! »

« Quand l’enfant sent que ses parents – et luimême – ne sont pas écartés des soins, mais au contraire impliqués à fond dans ceux-ci, c’est sûr que ça augmente son désir de guérir. D’ailleurs, mon fils, à qui on a greffé de la moelle osseuse pour qu’il guérisse du cancer, nous l’a confirmé : il ne s’est jamais senti pris en main, mais en famille tout au long des soins. Ce qui a fait toute une différence, j’en suis convaincue », dit une autre mère, Marie-France Langlet.

Accorder davantage de pouvoir aux patients et à leurs proches, comme à Sainte-Justine, est clairement source de progrès, selon M. Lemay : « Il ne s’agit pas de se délester de certaines tâches, mais bel et bien de rendre nos services plus fluides. Lorsque l’enfant et les siens sont responsabi­lisés, on note que la durée moyenne d’hospitalis­ation diminue, que le niveau de stress du patient décroît et même que le nombre d’incidents médicaux fléchit ». Il précise que le CHU allait bientôt mesurer avec précision l’ensemble des impacts de cette approche-là, « histoire de voir, entre autres, si cela améliore jusqu’à l’accessibil­ité des traitement­s ».

L’avenir est donc à l’humanisati­on des soins, « surtout en cette ère de technologi­sation à outrance », juge M. Lemay. Une humanisati­on d’autant plus primordial­e que de plus en plus de secteurs économique­s sont en passe d’être gagnés par la robotisati­on : ne dit-on pas que, sous peu, les taxis seront conduits par des robots, ou encore que le service aux tables des restaurant­s sera l’apanage des robots ?

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