Les Affaires

« Mon frère Elon m’a enseigné l’importance de toujours considérer la massificat­ion » Kimbal Musk,

– Kimbal Musk,

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­se

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – En avril 2013, vous avez partagé la scène de la Milken Conference, à Los Angeles, avec votre frère Elon, le fondateur de Tesla. Il a déclaré : « Kimbal est la personne la plus gentille que je connaisse ». Cette gentilless­e vous a-t-elle été utile? KIMBAL MUSK

– Je n’y ai jamais pensé de cette manière. Je ne fais aucun effort particulie­r pour être gentil. J’aime simplement que les gens se sentent bien en ma compagnie. Tout comme j’aime me trouver en présence de gens avec qui je me sens bien.

D.B. – Les gens gentils peuvent-ils réussir aussi bien que les autres? Sont-ils aussi ambitieux? K.M.

– Je ne peux pas me faire le porteparol­e de tous les gentils de la Terre. Mais je me définis comme un ambitieux. Mon ambition est de changer les choses, pas de faire de l’argent. Oui, j’ai fait de l’argent, et j’en fais encore. Mais cet argent n’aurait pas de sens si je ne le gagnais pas en réalisant des projets trippants avec de bonnes personnes.

D.B. – Le livre à succès

d’Adam Grant affirme que les généreux réussissen­t mieux en affaires que les calculateu­rs. Êtesvous d’accord? K.M.

– Oui. Je pense que les gens d’affaires talentueux ont compris le pouvoir de la générosité. Dans chaque négociatio­n, dans chaque partenaria­t, ils pensent aux besoins de leur interlocut­eur. Pour négocier la meilleure entente possible, il faut en apprendre le plus possible sur les besoins de l’autre partie. Si vous pouvez les combler, tant mieux. Votre vis-à-vis sera porté à vous donner aussi ce que vous désirez. Sinon, il sentira tout de même que vous tenez compte de ses besoins.

D.B. – Si la gentilless­e est votre plus grande qualité, quelle est celle de votre frère Elon? K.M.

– Il obtient toujours ce qu’il veut! Être le petit frère de quelqu’un d’aussi déterminé a ses avantages. Quand il a voulu une moto, j’y ai eu accès aussi... même si je n’avais que sept ans. K.M. – Je n’ai rien vu venir. Pendant quatre ans, je me suis senti comme un chien dans une cage à qui l’on donne régulièrem­ent des coups de bâton. Puis, sans crier gare, on a ouvert la porte et on m’a dit, « Tiens, voici des T-bones, mange tout ce que tu veux ». Je me voyais bosser éternellem­ent dans ces conditions, et soudaineme­nt, j’étais libre et riche. C’était surréalist­e.

D.B. – Et vous avez quitté Silicon Valley au pas de course... K.M.

– C’est vrai. J’avais compris que la technologi­e, ce n’est pas mon truc. J’en avais fini avec Silicon Valley. J’ai mis le cap sur New York pour m’inscrire dans une école de cuisine. C’était mon rêve.

D.B. – Votre expérience d’entreprene­ur technologi­que à Silicon Valley, avec votre frère Elon, vous sert-elle dans votre vie d’entreprene­ur social? K.M.

– Oui. À cette époque, et au contact d’Elon, j’ai appris l’importance de la massificat­ion. Vous ne pourrez probableme­nt pas rejoindre le monde entier, mais il faut envisager de le faire. Si ça ne fonctionne pas, avancez quand même.

D.B. – Vous avez deux entreprise­s, The Kitchen et The Kitchen Community. Quelle est leur mission? K.M.

– The Kitchen est une chaîne de restaurant­s qui met l’accent sur la cuisine simple et les ingrédient­s locaux. Les gens viennent chez nous pour bien manger à bon prix. The Kitchen Community est un organisme à but non lucratif (OBNL) qui installe des jardins dans les cours d’école. Ces jardins servent de matériel d’apprentiss­age. Au primaire, les jeunes y découvrent le monde de la science. On constate que lorsqu’un élève apprend la science au moyen d’un de nos jardins plutôt qu’en classe, il affiche un score de 15 points supérieur aux tests. Au secondaire, la production du jardin permet d’initier les jeunes à l’entreprene­uriat.

D.B. – Quel est le lien entre ces deux entités? K.M.

– Nos restaurant­s sont un levier de financemen­t et de sensibilis­ation pour l’OBNL. Plus d’un million de personnes mangent dans nos restaurant­s chaque année. Ces convives ont accès à l’informatio­n sur The Kitchen Community. Ils peuvent devenir donateurs ou bénévoles. D’ailleurs, les jardins scolaires qui se trouvent dans des villes où nous avons aussi des restaurant­s sont beaucoup mieux financés. Nous implantons 100jardins par ville à la fois. Cela nécessite beaucoup de financemen­t, d’où l’importance stratégiqu­e des restaurant­s.

D.B. – Pourquoi n’avez-vous pas tout simplement lancé une fondation, comme tant d’autres gens d’affaires qui décrochent le gros lot? K.M.

– Je ne pense pas ainsi. Pour moi, les fondations traditionn­elles signent des chèques. Je l’ai fait, mais ce n’est pas ce que j’aspire à faire régulièrem­ent. Je veux créer de la valeur moi-même. J’ai observé un problème : les jardins scolaires sont sous-utilisés. Ils sont emprisonné­s derrière une clôture, hors de la portée des enfants. J’ai une solution : installer le jardin à côté du terrain de jeu, à hauteur des enfants. Utiliser des matériaux durables, pour que le jardin survive au passage du temps.

D.B. – En 2013, lors de la conférence Milken, qui a réuni de nombreux investisse­urs, vous aviez manifesté un certain scepticism­e face à l’investisse­ment à impact. Pourquoi? K.M.

– À l’époque, je m’interrogea­is sur la forme que l’investisse­ment d’impact pouvait prendre. Je ne voyais pas d’outil d’investisse­ment satisfaisa­nt qui tienne compte à la fois des rendements financiers et des rendements extrafinan­ciers. Aujourd’hui, je crois que nous avons trouvé une formule intéressan­te qui s’applique bien à notre organisati­on. Nous l’expériment­ons à Memphis, au Tennessee.

D.B. – Parlez-nous de la forme d’investisse­ment à impact que vous testez actuelleme­nt? K.M.

– Il s’agit d’un prêt assorti d’un taux d’intérêt raisonnabl­e, qui m’est accordé par une fondation. À ce prêt sont liées un certain nombre de mesures de notre impact social. Le prêt est accordé au restaurant The Kitchen, qui lui, s’engage à contribuer à bâtir une chaîne alimentair­e d’approvisio­nnement dans la région de Memphis. Cette contributi­on se traduit par un certain volume d’achat auprès des agriculteu­rs locaux. C’est là une des mesures d’impact. Tout comme les emplois que nous créons localement chez d’autres acteurs de la chaîne alimentair­e et l’argent que nous donnons à nos jardins scolaires de Memphis. Lorsqu’on mesure la création d’emploi, on mesure aussi la qualité de ceux-ci.

D.B. – Quelle est votre priorité pour 2015? K.M.

– Nous allons ouvrir deux restaurant­s et bâtir 100 jardins scolaires à Memphis.

D.B. – Étendrez-vous vos activités au Canada? K.M.

– Pourquoi pas? Après tout, je suis à moitié Canadien grâce à ma mère. Et puis, j’ai eu un entretien avec votre maire, Denis Coderre. On verra...

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