Les Affaires

Les joailliers québécois, entre tradition et modernité

- 1. Anne Gaignaire 2. 3.

Plusieurs clients la consultent d’abord pour répondre à un besoin ponctuel. « Ils viennent parfois nous voir parce qu’ils ont été invités à un événement spécial, comme un bal, et qu’ils ne savent pas quoi porter. D’autres souhaitent rafraîchir leur garde-robe en prévision d’une promotion », explique Mme Pelletier, dont l’équipe compte une vingtaine de stylistes.

Il n’est pas rare que ce premier contact débouche sur une relation à long terme. « Les clients prennent vite goût à nos services, parce qu’en plus de les aider à trouver les habits qui leur seyent le mieux et de leur fournir des conseils sur l’entretien de ceux-ci, nous leur permet- tons de sauver un temps fou. Nous pouvons en effet écumer les boutiques à leur place ou faire du repérage afin de faciliter leurs séances de magasinage, prendre en charge les retouches, gérer leur garde-robe… Nous pouvons même faire leur valise lorsqu’ils partent en voyage d’affaires! »

L’agence s’assure également qu’aucune autre invitée ne portera la même tenue qu’une de leurs clientes lors d’une soirée mondaine. « Il nous arrive de collaborer avec des designers afin de créer des pièces sur mesure. Lorsque nous choisisson­s des morceaux en boutique, nous nous arrangeons pour qu’il y ait une liste de ce qui a été choisi et par qui », précise Mme Pelletier.

Le coût pour les services de base de l’agence (révision de la penderie, analyse de la silhouette, stylisme personnali­sé ou séance de magasinage accompagné­e) est de 375$, prix des vêtements en sus. Pour les demandes qui dépassent le cadre des forfaits de base, le tarif horaire est de 125$. Les agences de stylisme ne sont pas les seules à offrir des services-conseils en matière de mode. Grâce à leur équipe de commis aux commandes personnell­es, des enseignes prestigieu­ses telles que Holt Renfrew et Ogilvy peuvent elles aussi venir en aide aux hommes et aux femmes à l’agenda débordé ou pour qui le magasinage est synonyme de torture.

« Ce service fonctionne un peu comme celui d’un styliste. Nos personal shoppers prennent d’abord le temps de discuter avec les clients afin de cerner leur personnali­té et leur mode de vie, puis ils prennent leurs mensuratio­ns. Ils sélectionn­ent ensuite des vêtements qui répondent aux besoins définis et organisent des séances d’essayage », détaille Steeve Lapierre, vice-président marketing chez Ogilvy.

Là où les commis aux commandes personnell­es se distinguen­t des stylistes, c’est dans la primeur et les exclusivit­és qu’ils peuvent offrir à leur clientèle. « Nos personal shoppers accompagne­nt parfois nos directeurs d’approvisio­nnement dans les salles de montre, où sont présentées les nouvelles collection­s », révèle Steeve Lapierre. Sachant ce qui est plus susceptibl­e de plaire à leurs clients, ils peuvent ainsi influencer les achats de la maison. Par ailleurs, puisqu’ils travaillen­t à l’interne, ils sont les premiers à savoir quand les nouveautés arriveront sur les tablettes du magasin Rivière de diamants, saphir serti de pierres précieuses sur une bague en or blanc, perle de Tahiti ornée d’un saphir orange… Autant de bijoux qui révèlent le talent de joailliers haut de gamme. De la boutique établie depuis des décennies au designer de style contempora­in qui diffuse ses créations par Internet, la palette est large.

Chez Kaufmann de Suisse, c’est son fondateur, Emil Pius Kaufmann, 86 ans, qui répond au téléphone en ce lundi de juin. Il lance dans un rire avec une belle voix rocailleus­e qu’il est en « semiretrai­te », mais sa passion est intacte. Ce qui l’anime? « La matière, le côté artistique de la création et le sourire de la femme à qui le mari offre un beau bijou... »

C’est à lui que la maison réputée de la rue Crescent doit son style classique et inspiré de l’Art nouveau. « Les lignes de nos bijoux ne sont pas carrées ou géométriqu­es. Elles sont fluides comme dans la nature, qui a toujours été une source d’inspiratio­n pour nous », dit Charles Kaufmann, 53 ans, le fils d’Emil Pius, qui a pris la relève comme président.

Le bijou classique, dont le prix peut atteindre des sommets et que l’on se transmet de génération en génération, a toujours la cote. « Les clients veulent des modèles classiques avec des pierres précieuses comme le diamant et le saphir », observe Charles Kaufmann. Ses créations sont vendues à une clientèle internatio­nale à Montréal. Kaufmann de Suisse a également ouvert en 1994 une boutique à Palm Beach, en Floride, qui est tenue par la fille du fondateur, Monica Kaufmann.

Même si la joaillerie traditionn­elle reste appréciée, les habitudes ont quelque peu changé. Aujourd’hui, « on veut que les femmes portent leurs bijoux, pas qu’elles les rangent dans un tiroir et ne les sortent que pour les grandes occasions », note Charles Kaufmann. Le joaillier a donc développé des collection­s de bijoux à porter au quotidien comme Jardins de la mer. « Ce sont des modèles plus légers, avec un design plus ouvert et qui sont plus accessible­s (de 2 000 à 6 000$) », dit-il. En lieu et place des gros diamants parfois sertis d’autres diamants plus petits, les bijoux pour tous les jours privilégie­nt la légèreté, les pierres de couleur de petite taille, les lignes frêles, toujours ondulées.

D’autres pièces sont exceptionn­elles, comme ce collier à diamants de 53carats en magasin, proposé au prix de 375000$, ou cette bague qui se détaille 225000$. La plus belle vente: 2 millions de dollars pour une bague en diamants de 20 carats. Chez le Joaillier St-Onge, les époques édouardien­nes et victorienn­es ainsi que l’Art déco sont encore de grandes sources d’inspiratio­n pour des bijoux classiques haut de gamme appréciés d’une clientèle fortunée d’un certain âge.

Le joaillier, qui a une boutique à MontTrembl­ant depuis 2009, vend ses collection­s en exclusivit­é à la Boutique Pénélope à Québec ainsi que dans des bijouterie­s en Ontario, en Colombie-Britanniqu­e et plusieurs à Dubaï. Les diverses collection­s sont fabriquées dans son atelier de la rue Cathcart depuis 2006. L’une des ventes record a atteint 275 000$ pour une bague avec un diamant de 17 carats en forme de poire. Mais le joaillier s’est aussi spécialisé dans les bagues de fiançaille­s un peu plus accessible­s et imaginées pour des couples plus jeunes qui ne rechignent pas à mettre le prix pour une bague originale.

L’ensemble de la collection répond à « un style classique qui ne se démode pas », résume Janie St-Onge, directrice du marketing et fille du fondateur de cette entreprise familiale. Robert St-Onge, le père, a été évaluateur pendant des décennies pour Birks. De 1972 à 1977 en tant qu’employé, puis à la tête de son propre cabinet d’expertise. Il a alors continué à faire les évaluation­s pour Birks jusqu’en 2000. Nicole St-Onge, la mère, est responsabl­e du bureau, de la logistique et du service à la clientèle. Frédéric St-Onge, le fils, directeur de la production, se charge de dessiner les modèles sur ordinateur grâce à un logiciel en 3D.

La plupart des modèles comportent des pierres précieuses, notamment des diamants du Canada, dont Robert St-Onge s’est fait la spécialité. Les précieux cailloux proviennen­t des mines Diavik et Ekati, situées dans les Territoire­s du Nord-Ouest. « Les clients demandent des diamants dont l’origine non conflictue­lle est garantie, et ils aiment porter des produits d’ici », explique Janie St-Onge.

La joaillerie souhaite d’ailleurs axer une partie de son développem­ent sur la vente de diamants canadiens taillés à des bijoutiers du Canada et des États-Unis. La vente en ligne devrait être proposée dès cet été et le joaillier est déjà présent sur les médias sociaux. Internet, c’est la seule vitrine du joaillier Pierre-Yves Paquette. À 38 ans, ce créateur de bijoux et de montres haut de gamme installé dans les Basses-Laurentide­s fait résolument dans le contempora­in. Son style, dit-il, est « d’inspiratio­n européenne avec des lignes douces et épurées, un accent mis sur la matière plutôt que sur les fioritures, le travail sur le métal, le mélange des couleurs de métaux ».

Ses bijoux s’adressent à une clientèle aisée de la mi-trentaine à la mi-soixantain­e, « qui ne trouve pas ce qui lui plaît dans les boutiques haut de gamme établies ». Il s’agit souvent « de profession­nels qui ont les moyens et qui apprécient tout ce qui est contempora­in », poursuit le joaillier, dont les bagues de fiançaille­s sont un créneau phare.

Après avoir eu un atelier-boutique, le jeune joaillier, aussi professeur à l’École de joaillerie de Montréal, préfère vendre ses collection­s, dont les prix oscillent entre 2 000$ et plusieurs dizaines de milliers de dollars, dans des galeries spécialisé­es, notamment aux États-Unis, et se faire connaître par le Web avant de recevoir ses clients sur rendez-vous dans son atelier de Saint-Colomban. Un mode de relation qu’apprécient ses clients, ravis de côtoyer le créateur et de visiter son antre. « Souvent, les boutiques établies présentent un décorum dans lequel, pour ma part, je me sens un peu écrasé; c’est impression­nant. La plupart des jeunes ne recherchen­t pas cela. Ils veulent plutôt l’authentici­té », affirme Pierre-Yves Paquette, qui crée de 50 à 100 modèles par an.

Il puise son inspiratio­n dans « l’architectu­re moderne, l’histoire industriel­le, l’art contempora­in et le design », ce qui donne des pièces légères, souvent à l’allure futuriste, enlevée. Toutefois, il n’hésite pas à travailler avec les pierres, même de grosse taille (diamant, perle de Tahiti, saphir, etc.). Une de ses techniques empruntées aux Japonais, utilisées par exemple dans le modèle Mokume Gane, consiste à marier des métaux de couleurs différente­s et de les tordre pour faire apparaître un motif forcément unique. Ce savoir-faire porte le jeune créateur à envisager d’exporter son art au Japon et en Chine prochainem­ent. d’informatio­ns entre les différents intervenan­ts.

« Nous avons toutes les cartes en main pour que le Québec soit reconnu comme un acteur clé dans le domaine de la mode, y compris un grand capital de créativité », estime la trentenair­e. En effet, avec quelque 30 000 travailleu­rs, le Québec regroupe 45% des emplois de l’industrie canadienne de la mode. Et Montréal se classe troisième en Amérique du Nord pour la fabricatio­n de vêtements, après New York et Los Angeles.

Malgré cela, il est difficile de dénicher de la main-d’oeuvre qualifiée dans le domaine. Le comité s’attaquera d’ailleurs à cet enjeu. « Les gens ne se rendent pas compte à quel point fabriquer un vêtement, que ce soit dans nos usines ici ou en Asie, est complexe et demande tout un savoir-faire », explique la jeune femme qui, après une maîtrise à Singapour, a travaillé un an à Hong Kong. — ANNE-MARIE TREMBLAY Pour Lili Fortin, la mode habille aussi… les murs! Quand vient le moment chercher de l’inspiratio­n, elle se rend chez Style Labo. Éclectique, la boutique de la rue SaintLaure­nt propose accessoire­s et mobilier à la fois modernes et vintage. « C’est rustique tout en mariant du bois, du métal, du cuir... Cela permet d’ajouter une touche chaleureus­e au décor. » Chez Colette à Paris, ils ont de tout. Mais surtout des articles tendance! D’ailleurs, Lili Fortin adore fouiner dans les allées de cette boutique, un véritable précurseur dans le domaine de la mode. « Ils vont toujours mettre en valeur le petit détail, la chaussure, le vêtement, l’accessoire mode ou même le gadget électroniq­ue qui deviendra l’article clé de la saison. »

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