Les Affaires

René Vézina

- De mon blogue

Le rêve d’Alphonse Desjardins transposé au Tiers-Monde

orsqueAlph­onseDesjar­dins a ouvert la toute première caisse populaire dans sa maison à Lévis, il voulait notamment permettre l’accès au crédit à d’humbles gens auxquels les banques traditionn­elles ne s’intéressai­ent pas. L’initiative a fait époque. Elle a aussi fait des petits partout dans le monde. La Russie, le Vietnam et d’autres pays ont fait appel à Desjardins pour reproduire le modèle coopératif des caisses, plus conforme aux principes des régimes en place. Et voici maintenant qu’une autre création de Desjardins, les Centres financiers aux entreprise­s (CFE), s’implante maintenant bien au-delà des frontières.

Le 2 juin, Développem­ent internatio­nal Desjardins (DID) inaugurait son cinquième CFE, cette fois à Tunis, la capitale de la Tunisie. Quatre autres l’avaient précédé: en Zambie (2009), au Panama (2010), en Tanzanie (2011) et en Ouganda (2012). Objectif: fournir des prêts aux petits entreprene­urs qui, comme les Lévisiens du siècle dernier, sont laissés pour compte par les institutio­ns financière­s traditionn­elles.

Il existe parfois des possibilit­és de microfinan­cement, mais celles-ci ne peuvent pas combler tous les besoins, surtout quand il faut un peu plus de fonds pour se lancer en affaires.

Les prêts que vont consentir les CFE peuvent paraître de taille modeste (de 3 000 à 12 000$), mais ils peuvent tout changer au sein de communauté­s qui cherchent à s’affranchir de la pauvreté. C’est bien beau de faire la promotion de l’entreprene­uriat, mais encore faut-il que les gens puissent s’outiller en conséquenc­e, que ce soit pour acheter un camion de livraison, un métier à tisser, une machine agricole ou de l’équipement informatiq­ue de base.

Chez DID, on se fait un point d’honneur de souligner que ces développem­ents sans but lucratif ne coûtent presque rien au mouvement: ils sont financés par des bailleurs de fonds externes, comme Affaires étrangères, Commerce et Développem­ent Canada ou la Banque mondiale, de même que son partenaire financier africain de la première heure, AfricInves­t.

De plus, ils participen­t à une évolution certaine des mentalités: plus du tiers (37,5%) de ces prêts sont obtenus par des femmes. Et on me disait, chez DID, avoir observé qu’elles sont plus rigoureuse­s dans la gestion de ces fonds dont elles font bénéficier leur famille, ce qui contribue à leur donner plus de pouvoir dans des sociétés souvent traditionn­elles.

Transférer l’expertise

Un exemple de l’impact global? Un entreprene­ur zambien était prêt à exporter sa marchandis­e vers Dubaï. Mais le visa qu’il avait dû se procurer était assorti d’une date de péremption. S’il était passé par les canaux des plus grandes institutio­ns, l’attente aurait été trop longue et incertaine, et il aurait été forcé de payer un nouveau visa. Le CFE zambien lui a rapidement avancé les fonds dont il avait besoin, et il a pu se lancer en affaires.

Même si c’est le modèle québécois qui nourrit cette émergence, l’idée est de transférer rapidement l’expertise aux gens sur place. En Tunisie, DID ne comprend que trois représenta­nts dans toute l’équipe qui comptera, à terme, 130 employés répartis dans au moins trois points de service, à Tunis, Sfax et Sousse.

La notoriété qu’acquiert progressiv­ement Desjardins là-bas pourra un jour servir à des gens d’affaires d’ici qui rêvent d’investir ces marchés émergents. Une mission sociale qui plairait à Alphonse Desjardins, lequel insistait sans cesse sur l’importance de la coopératio­n pour aider les population­s à améliorer leur niveau de vie. Aujourd’hui, c’est le Québec qui coopère avec l’Afrique. Il en serait certaineme­nt fier. Lorsque Montréal perd des sièges sociaux, ou lorsque leur influence réelle se réduit comme peau de chagrin, l’impact est ressenti dans toutes les sphères de la société. Les commandite­s des activités culturelle­s en souffrent, les firmes de services-conseils perdent des mandats et sont elles aussi touchées, tandis que le rayonnemen­t de la ville est altéré.

Au nombre des perdants, il faut ajouter Centraide du Grand Montréal.

Les dons sont en baisse. En 2014, le montant total amassé, 55 millions de dollars, était en léger recul par rapport à 2013, malgré tous les efforts déployés et un ultime sprint final.

Plus qu’hier, moins que demain: c’était pratiqueme­nt la devise de Centraide. Mais il faut aujourd’hui repenser le modèle. Le contexte a changé. Pas les besoins des quelque 360 organismes soutenus.

Partout au Canada, on note la même tendance. Le don moyen augmente, mais le nombre de donateurs diminue. Plus de la moitié des sommes recueillie­s viennent des campagnes en milieu de travail. Mais si ces milieux rapetissen­t? Et si les baby-boomers, traditionn­ellement sollicités, prennent leur retraite?

Centraide du Grand Montréal s’est donc astreinte à un exercice de réflexion stratégiqu­e, dont vous pourrez lire les détails dans le texte de Diane Bérard, en page 14. Mais plus encore, on reconnaît que les jeunes, tout en étant euxmêmes généreux, n’ont pas le même comporteme­nt philanthro­pique. Ils souhaitent être actifs et avoir un impact direct quand ils contribuen­t.

Habituez-vous à toutes sortes d’activités thématique­s, des défis, des concours parfois amusants... c’est la nouvelle donne. Tant mieux si ça fonctionne, parce que la réalité des plus démunis, elle, n’est pas amusante.

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