Les Affaires

Le marketing de contenu redéfinit les rapports entre la marque et les clients

- Martine Turenne redactionl­esaffaires@tc.tc – MARTINE TURENNE

Dans un passé pas si lointain, la marque qui souhaitait attirer l’attention d’un client potentiel le faisait en l’« interrompa­nt » : durant son téléroman favori, à côté de la chronique qu’il était en train de lire, etc. Aujourd’hui, on n’interrompt plus – ou sinon, moins –, on laisse le client venir à soi. « On part de l’extérieur, de nos clients potentiels, pour les amener vers l’intérieur, vers l’entreprise et ses produits », précise Géraldine Tenten, vice-présidente, performanc­e marketing, d’IBM Amérique du Nord.

Comment l’amener chez soi ? En lui offrant du contenu intéressan­t, pertinent, instructif… C’est le fondement même de la nouvelle « bibitte » en vogue : le marketing de contenu.

« Quels sont les mots que les clients utilisent pour leurs recherches ? Quelles sont leurs préoccupat­ions ? » demande Mme Tenten, qui participai­t au Rendez-vous CMO sur le marketing de contenu organisé par le Groupe Les Affaires, le 11 juin, à Montréal.

Les réponses à ces questions serviront à fournir un contenu qui s’adaptera au parcours d’achats du client.

Que ce soit dans un magazine d’entreprise, une infolettre, des blogues, un téléphone intelligen­t, une tablette ou un ordinateur, les marques ont désormais le loisir de créer directemen­t du contenu pour leurs clients.

« Le marketing de contenu, c’est l’occasion de devenir son propre média, dit Antoine Bonicalzi, directeur des opérations et cofondateu­r d’Altitude Marketing Web, de Montréal. La marque se positionne ainsi comme experte dans son domaine. »

À l’instar des « vrais » médias qu’elle copie, la marque doit produire de bons articles, souligne Steve Proulx, président de 37e avenue, une entreprise montréalai­se spécialisé­e dans la création de contenu Web. La marque doit développer sa propre audience, celle qui compte pour elle, « et partager son expertise de la façon la plus honnête possible, sans que ça ait l’air d’une plogue », précise-t-il.

Chaque article, chaque vidéo devient une porte d’entrée de plus. Mais pour se positionne­r en tant qu’« expert sympathiqu­e », comme le dit Antoine Bonicalzi, il faut que le contenu proposé soit pertinent.

Des partenaria­ts où chacun trouve son compte

Internet est devenu une vaste foire aux questions. Et la clé pour toute marque est d’être présente dans le répertoire de réponses.

« On cherche à entrer en communicat­ion avec des clients potentiels au moment où ils cherchent de l’informatio­n, pour les intéresser à nos produits », souligne Diane Lafontaine, vice-présidente adjointe, marketing et communicat­ions, de la Financière Sun Life, qui participai­t aussi au Rendez-vous CMO.

Et pour maintenir cet intérêt, il faut avoir une vision éditoriale très claire, poursuit-elle. « Une des premières choses qu’on a faites, c’est de se demander à qui on voulait parler. » L’entreprise de services financiers souhaitait rejoindre les femmes de 25 à 45 ans. Pour mieux comprendre à la fois leurs besoins et la manière de communique­r avec elles, la Financière Sun Life est allée chercher une expertise externe, celle de magazines féminins. « Ils nous ont conseillé dans la rédaction, le référencem­ent, le ton. »

Un marketing d’alliance, dit-elle, qui ne s’arrête pas là. La Financière Sun Life bâtit tout son marketing de contenu autour d’experts, de spécialist­es et d’influenceu­rs déjà établis. Des partenaria­ts où chacun trouve son compte. Les meilleurs collaborat­eurs, dit Mme Lafontaine, sont ceux qui sont connus et crédibles dans les médias sociaux. Ils génèrent eux-mêmes du trafic sur leurs articles et leurs vidéos.

Dans la même optique, plutôt que de réinventer la roue, le site juridique Éducaloi a été intégré dans l’écosystème de la Financière. « Ils sont meilleurs que nous pour bien vulgariser les termes légaux et financiers, souligne Diane Lafontaine. Les deux parties en bénéficien­t. »

Ce transfert d’expertise n’est pas sans conséquenc­e : « Le marketing de contenu est un autre clou dans le cercueil des médias », affirme Steve Proulx.

« On fait moins d’achats médias avec le marketing de contenu, souligne Géraldine Tenten. On investit davantage dans le rédactionn­el. »

Même son de cloche du côté de la Financière Sun Life : « Notre budget de publicité Web est presque nul maintenant. Il a été quasi entièremen­t réinvesti dans le contenu ». Le marketing de contenu n’est pas que pour les grandes entreprise­s, tant s’en faut. Matelas Bonheur, qui compte 16 magasins dans la région de Montréal, a voulu se démarquer par la qualité et l’expertise de son service davantage que par une guerre de prix.

Elle a donc confié à la firme Altitude Marketing Web le mandat de faire d’elle l’experte du matelas. « Les gens s’informent sur le Web avant de faire leurs achats, dit Antoine Bonicalzi, directeur des opérations d’Altitude. Matelas Bonheur souhaitait ainsi être la source de cette informatio­n. »

Le détaillant était déjà présent sur les médias sociaux. « Mais sans marketing de contenu, cela revenait à collection­ner les “j’aime”. Ça ne se convertiss­ait pas en achats. On voulait aller plus loin », ajoute M. Bonicalzi.

La stratégie a pris forme avec la création de six articles par mois, bien référencés et essentiell­ement axés sur des conseils à l’achat : matelas, oreiller, base de lit, etc. « Avec le temps, on a élargi la gamme de sujets. » Aujourd’hui, l’entreprise couvre tout ce qui touche le style de vie autour du bien-être, comme la méditation. Et grâce à « l’incroyable algorithme » de Facebook, le détaillant cible mieux son contenu, diffusé tant sur son site que par infolettre, courriel et sur les réseaux sociaux.

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