François Pouliot
Sur le radar
Pétrole : le chroniqueur poursuit sa prière
Àla mi- janvier, on vous racontait s’être mis en prière, après avoir commis une importante erreur d’appréciation de risque. Notre petit pari pétrolier pourrait coûter cher. Flash-back, quelques jours avant Noël. Le prix du baril de pétrole West Texas Intermediate touche les 56$ US, après un important décrochage.
– Parfait, la chute est significative, le moment est venu de parier sur le secteur en achetant le baril, se dit-on.
Le pari s’appuie sur le raisonnement suivant.
L’excédent de production pétrolière par rapport à la demande mondiale est à l’époque évalué à 1,5 million de barils par jour (Mb/j), soit environ 1,5% de la demande mondiale. Un écart qui n’est somme toute pas si important.
La Scotia estime pendant ce temps qu’environ 4 Mb/j deviennent non économiques au Canada et aux États-Unis, avec un prix du baril à 60$ US. Ces 4 Mb sont à mettre en relation avec les 1,5 Mb en trop. Bernstein Research, de son côté, estime même que le tiers de la production de pétrole de schiste des États-Unis n’est pas rentable à long terme, avec un baril à 80$ US. Et l’on ne parle alors que de ce qui n’est plus rentable en Amérique. D’autres puits pétroliers deviendront forcément non rentables ailleurs dans le monde.
Le signal semblait assez clair: le cours du baril ne pourrait pas demeurer à 60$ US et allait devoir monter. Mauvais pari. Parti de 56$ US, le prix du baril WTI était tombé à 48$ US à la mi-janvier, au moment de la publication de ma chronique. Qui plus est, le véhicule d’investissement utilisé, le United States Oil ETF ( USO, 0,10$ US), n’était pas idéal. Ce fonds négocié en Bourse (FNB) joue le baril avec des contrats à terme qu’il fait tourner chaque mois. Comme le marché continuait de parier sur un redressement des cours, la courbe des contrats futurs était ascendante. Si bien que, chaque fois qu’un contrat tournait, la position achetée (celle du mois suivant) l’était à un prix plus élevé que le prix au marché ( spot), sans garantie qu’un mois plus tard, le spot avancerait au prix payé. Bref, on était à risque d’une augmentation de perte au fur et à mesure que le temps s’écoulerait si le pétrole restait stable.
– On verra, en juin, ce qui se passera à la prochaine réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et on avisera à ce moment, s’était-on dit.
Retour à aujourd’hui
Cette réunion vient d’avoir lieu, au début de juin. Quelle est la situation? Les prières ont été exaucées en bonne partie. Le prix du baril WTI s’est redressé de 48$ US à 60$ US. Théoriquement, on aurait gagné notre pari (de 56$ à 60$ US). On est cependant toujours un peu à perte sur notre position à cause des frais et de la façon dont fonctionne le FNB.
Y aurait-il moyen d’éponger totalement la perte en patientant un peu?
Au début de juin, l’OPEP a décidé de ne pas réduire sa production et de maintenir son objectif de production à 30 Mb/j. La stratégie semble fonctionner. Aux États-Unis, les stocks de pétrole sont de 10 à 11% au-dessus de la moyenne des cinq dernières années, mais il y a de l’amélioration par rapport aux mois précédents.
Le nombre de foreuses continue de fondre, et la production des sociétés du schiste américain a commencé à reculer. De 1,3% en mai, selon l’Energy Information Administration qui prévoit que la glissade se poursuivra en juin et en juillet. La demande, elle, augmente, étant donné les plus faibles prix.
Selon l’OPEP, les pays non membres de l’organisation devraient ajouter 700 Mb/j en 2015, ce qui, compte tenu de l’ajout du début d’année, signifie un accroissement assez limité en deuxième moitié d’année.
Côté demande, l’OPEP s’attend toujours à une hausse moyenne de consommation de 1,2 Mb/j pour l’année, mais ça pourrait être plus, puisque cette demande a augmenté de 1,9 Mb/j au premier trimestre.
En fait, pour que le marché soit à l’équilibre, l’organisation estime que son quota de production devrait grimper à 30,3 Mb/j au troisième trimestre et à 30,7 Mb/j au quatrième.
Pas si mal. Il y a cependant un important « mais ».
Le problème est que l’OPEP produit déjà actuellement plus de 1,2 Mb/j au-dessus de cette cible de 30 Mb/j. Et que, si les sanctions sont levées contre l’Iran (ce qui semble probable, mais nous aurons plus de détails le 30 juin), il s’ajoutera près de 1,5 Mb/j supplémentaires d’ici deux ans.
L’OPEP affirme que son dépassement de quota devrait en bonne partie se résorber d’ici la fin de l’année.
Quand même, les perspectives sont loin d’être favorables.
Encore quelques chapelets, mais cette fois, avec le doigt sur l’ordre de vente.
Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux, réitère une recommandation « performance de marché ». Au deuxième trimestre, l’imprimeur et l’éditeur montréalais, propriétaire de Les Affaires, a dévoilé un bénéfice par action de 0,50 $, par rapport à 0,44 $ l’an dernier et à un consensus de 0,54 $. Selon l’analyste, les résultats plus faibles que prévu dans l’imprimé traditionnel ont été contrebalancés par les acquisitions de Capri Packaging, des hebdos de Sun Media et une réduction de coûts. M. Casey établit sa cible à 16 $. Michael Urlocker, de Valeurs mobilières GMP, renouvelle une recommandation « conserver ». Au quatrième trimestre, la société de Longueuil a dévoilé un bénéfice par action de 0,29 $ par rapport à 0,25 $ l’an dernier. Michael Urlocker qualifie les résultats de « mixtes ». Les bénéfices et les flux de trésorerie sont bons, mais les revenus sont faibles. L’analyste souligne que, depuis deux ans, les revenus de l’entreprise sont chaque fois inférieurs à ses attentes. Il établit sa cible à 18 $. Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP, réitère une recommandation d’achat sur le titre du constructeur de motoneiges de Valcourt. Au premier trimestre, BRP a dévoilé un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement de 91,5 M$, par rapport à un consensus de 72 M$. L’analyste estime que BRP a plusieurs occasions d’affaires, notamment dans le créneau des véhicules side-byside, ce qui pourrait propulser la croissance des bénéfices au cours des prochaines années. M. Landry établit sa cible à 31 $. Michael Graham, de Canaccord Genuity, renouvelle une recommandation d’achat. L’analyste écrit que la performance du titre a ralenti au cours des six derniers mois, alors qu’il affiche une hausse de 3 % par rapport à celle de 1 % du S&P 500. L’analyste estime néanmoins qu’il y a amplement d’espace pour que la croissance se poursuive à plus long terme. M. Graham souligne que les revenus grimpent trois fois plus vite que les usagers. La prévision de bénéfice en 2015 est de 1,94 $ US par action. La cible est à 90 $ US.
La chaîne La Baie ( HBC, 27,69 $) fait de nouveau un grand bond. Après l’acquisition des magasins Saks aux États-Unis, la société achète le numéro un des chaînes de grands magasins en Allemagne, Kaufhof. Une transaction de 3,3 G$.
L’acquisition est pour le moins transformatrice. Près de 45 % des ventes proviendront des États-Unis, 33 % de l’Allemagne et 23 % du Canada. Kaufhof compte 119 établissements qui se partagent 31 % du marché des grands magasins en Allemagne.
L’acquisition est financée de façon originale. La Compagnie de la Baie-d’Hudson (HBC) transférera 40 des 59 propriétés immobilières de la chaîne dans son holding HBC-Simon Property, qu’elle contrôle pour l’instant à 80 %. Ce holding est détenu hors bilan, et les analystes ajoutent sa valeur nette (actif moins dette) à leur évaluation des activités commerciales du détaillant. HBC ne prévoit pas devoir émettre de nouvelles actions, et sa dette n’augmentera que de façon limitée, dit Derek Dley, de Canaccord Genuity.
La direction croit pouvoir donner un élan aux actifs allemands. Elle estime que l’entreprise était exploitée avec « conservatisme » et entrevoit des occasions considérables. La Baie veut notamment augmenter le nombre de marques offertes dans les magasins Kaufhof en profitant des relations de ses propres vendeurs. Elle souhaite aussi poursuivre le développement de la plateforme de commerce électronique de l’entreprise, jugée à ses débuts. Les enseignes Saks Fifth Avenue et Saks Off 5th devraient aussi traverser en Allemagne.
L’acquisition est bien reçue par la plupart des analystes. « La chaîne est en bonne santé et bien positionnée pour le type d’améliorations [des opérations et de la mise en marché] que peut apporter HBC », dit Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC. Il augmente sa cible de 29 $ à 34 $.
Patricia Baker, de la Banque Scotia, est plus optimiste et hausse sa cible à 40 $, en soulignant que la transaction crée immédiatement de la valeur.
Brian Morrison a une cible à 38 $. L’analyste de Valeurs mobilières TD considère que la valeur estimée de HBC avec cette transaction est de 42 $. Il préfère néanmoins lui appliquer un escompte de 10 %, étant donné quelques interrogations quant au financement du holding HBC-Simon Property. — F. POULIOT