Les TIC en santé : agilité, intégration et partenariat
Parmi les innovations appliquées
aux soins de santé, celles qui sont liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) notamment ont le vent en
poupe. Le marché, composé de quelques leaders
et d’une myriade de petites entreprises
innovantes, est en pleine croissance.
« Les TIC sont au coeur de la révolution technologique en santé », affirme
Nicole Martel, pdg de l’Association québécoise
des technologies (AQT). Et pour cause,
qu’il s’agisse des soins (appareils médicaux),
de la gestion des structures de santé
(files d’attente, coûts, etc.) ou du suivi par les
patients de leur propre état de santé (applications mobiles qui enregistrent la fréquence
cardiaque pendant une course ou le
taux de glycémie de personnes diabétiques),
les TIC font partie intégrante des innovations.
Le marché est d’autant plus prometteur qu’« en termes de connectivité, le
Québec est en retard. Mais on est en train de le
rattraper », constate Paul Lepage, président
de Telus Santé, qui fournit des solutions à
différents prestataires de soins, comme Espace
Pharma pour le dossier médical du client des
pharmacies, et des applications mobiles,
comme le dossier médical électronique mobile. Au Québec, une centaine d’entreprises
de TIC se spécialisent dans le sect
eur de la santé, selon l’AQT. De nombreuses
start-up innovantes forment la majorité des
troupes. Créatives, dynamiques et souvent
très nichées, elles sont régulièrement
courtisées par les poids lourds, notamment Telus
Santé et Logibec, qui conçoivent entre
autres des solutions cliniques pour la gestion
des pharmacies en milieu hospitalier. Un écosystème qui s’adapte au
marché « Aujourd’hui, les besoins sont nombreux
et complexes, il y a beaucoup d’intervenants,
et ce que tout le monde recherche, c’est
que les plateformes puissent échanger des
informations, communiquer, alors que les
solutions ne sont pas toujours compatibles
entre elles, explique Marc Brunet, président
et chef de la direction de Logibec. Il faut donc
que les fournisseurs proposent des solutions
intégrées. Mais c’est utopique de penser
qu’un fournisseur unique avec une solution
unique sera suffisant. » C’est la diversité,
la complémentarité et les collaborations qui
permettront de relever les défis. C’est aussi une façon de répondre
à l’enjeu de rapidité, l’évolution dans les TIC
étant constante. C’est le défi de toutes
les entreprises du secteur. «On utilise l’approche
lazy start-up, soit la méthode d’agilité
selon laquelle on lance des innovations dès
qu’elles sont viables, puis on en mesure l’impact,
on recueille les commentaires des utilisateurs et on lance une deuxième version
à laquelle on a ajouté des fonctionnalités. Cela
permet d’occuper le créneau et de dév elopper
un produit bien adapté aux besoins du
marché », précise Paul Lepage. L’écosystème des entreprises de
TI de la santé s’est adapté à son marché. En
raison de la rationalisation des dépenses, la
prise en charge par les patients du suivi de
leur santé et l’amélioration de l’efficacité de
la prise en charge du système de santé, tous les
éléments d’un développement fulgurant des
TIC dans ce domaine sont réunis.
— ANNE GAIGNAIRE
À la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada, des conversations enregistrées à votre insu peuvent désormais servir de preuve contre vous lors d’un procès civil ou d’un recours collectif.
L’affaire, qui a des allures de roman policier, commence en 2004. Dans le cadre de l’enquête Octane, le Bureau de la concurrence du Canada enregistre plus de 220 000 communications privées de personnes soupçonnées de complot en vue de fixer les prix de l’essence à la pompe dans certaines régions du Québec. Au final, 54 personnes font l’objet d’accusations criminelles.
Confiant de leur capacité de démontrer en cour l’existence d’un stratagème qu’ils soupçonnent depuis un certain temps, Simon Jacques, Marcel Lafontaine et l’Association pour la protection automobile entreprennent deux recours collectifs. L’un vise la Pétrolière Impériale, qui exploite les détaillants Esso, et l’autre vise Alimentation Couche-Tard.
Des enregistrements convoités
Jusque-là, rien qui sorte de l’ordinaire. Seulement voilà. Afin d’appuyer leurs poursuites, les appelants demandent l’accès aux conversations privées enregistrées dans le cadre de l’enquête Octane. Sans surprise, les intimés s’y opposent farouchement, invoquant leur droit à la vie privée. Mais la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec rejettent toutes deux cet argument.
Ne désarmant pas, les intimés décident de poursuivre leurs démarches devant la Cour suprême du Canada. Peine perdue. À six contre un, celle-ci maintient la décision de la Cour supérieure. L’information pourra être utilisée dans les recours collectifs, mais les enregistrements demandés seront filtrés afin de protéger la vie privée des tiers étrangers au litige.
« Ce qui se trouve au coeur de cette cause, c’est la question de savoir si des enregistrements obtenus dans le cadre d’une enquête criminelle peuvent être utilisés dans un procès civil », explique André Ryan, associé au cabinet BCF.
Ce dernier a représenté le Fonds de solidarité FTQ en 2013 et en 2014 dans une cause similaire. Le Fonds contestait l’utilisation à la commission Charbonneau, d’enregistrements de l’ancien dirigeant syndical Michel Arsenault, réalisés pour l’enquête Diligence de la Sûreté du Québec. Celle-ci n’avait pas débouché sur des accusations criminelles contre M. Arsenault. La Cour d’appel avait finalement rejeté cette demande.
Personne n’est à l’abri
En matière de criminalité, l’objectif est d’assurer la sécurité et la répression du crime. Pour prendre la décision d’utiliser une écoute électronique, les autorités doivent considérer que le risque pour la sécurité justifie cette grave entorse au droit à la vie privée. « En matière civile, l’équation est différente, précise M. Ryan. Le plus important n’est pas la répression d’un crime, mais la recherche de la vérité. Dans le cas des pétrolières, la Cour suprême a statué que la recherche de la vérité justifiait l’utilisation de ces écoutes. »
La juge Rosalie Abella a rendu un verdict dissident. Selon elle, aucune activité de surveillance électronique ne peut être autorisée à l’occasion d’une instance civile en vue de recueillir des éléments de preuve. Elle ne peut l’être que dans le cadre d’enquêtes relatives à des crimes graves ou sur des menaces à l’égard de la sécu- rité nationale. Autrement dit, si les appelants avaient demandé le droit d’enregistrer les intimés pour bâtir une preuve pour leur recours collectif, cela leur aurait été refusé. Il est donc illogique de leur donner accès indirectement à une technique d’enquête à laquelle ils n’ont pas droit.
Son point de vue n’a pas convaincu ses collègues. Pour les dirigeants d’entreprise, cela peut avoir diverses conséquences. « La plupart des gens s’imaginent que seuls les criminels peuvent se retrouver sur écoute, souligne M. Ryan. Toutefois, les conversations d’employés ou de dirigeants d’entreprises peuvent aussi être écoutées. » Cela devrait inciter les dirigeants à encadrer davantage leurs communications.
Par ailleurs, « de telles écoutes génèrent des masses d’information très volumineuses, poursuit l’avocat. Il faut beaucoup de personnel et de temps et de bons outils techniques pour en faire une preuve fiable. La qualité de cette preuve risque donc de varier d’une cause à l’autre. »