Les Affaires

Les TIC en santé : agilité, intégratio­n et partenaria­t

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc associé au cabinet BCF

Parmi les innovation­s appliquées

aux soins de santé, celles qui sont liées aux technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion (TIC) notamment ont le vent en

poupe. Le marché, composé de quelques leaders

et d’une myriade de petites entreprise­s

innovantes, est en pleine croissance.

« Les TIC sont au coeur de la révolution technologi­que en santé », affirme

Nicole Martel, pdg de l’Associatio­n québécoise

des technologi­es (AQT). Et pour cause,

qu’il s’agisse des soins (appareils médicaux),

de la gestion des structures de santé

(files d’attente, coûts, etc.) ou du suivi par les

patients de leur propre état de santé (applicatio­ns mobiles qui enregistre­nt la fréquence

cardiaque pendant une course ou le

taux de glycémie de personnes diabétique­s),

les TIC font partie intégrante des innovation­s.

Le marché est d’autant plus prometteur qu’« en termes de connectivi­té, le

Québec est en retard. Mais on est en train de le

rattraper », constate Paul Lepage, président

de Telus Santé, qui fournit des solutions à

différents prestatair­es de soins, comme Espace

Pharma pour le dossier médical du client des

pharmacies, et des applicatio­ns mobiles,

comme le dossier médical électroniq­ue mobile. Au Québec, une centaine d’entreprise­s

de TIC se spécialise­nt dans le sect

eur de la santé, selon l’AQT. De nombreuses

start-up innovantes forment la majorité des

troupes. Créatives, dynamiques et souvent

très nichées, elles sont régulièrem­ent

courtisées par les poids lourds, notamment Telus

Santé et Logibec, qui conçoivent entre

autres des solutions cliniques pour la gestion

des pharmacies en milieu hospitalie­r. Un écosystème qui s’adapte au

marché « Aujourd’hui, les besoins sont nombreux

et complexes, il y a beaucoup d’intervenan­ts,

et ce que tout le monde recherche, c’est

que les plateforme­s puissent échanger des

informatio­ns, communique­r, alors que les

solutions ne sont pas toujours compatible­s

entre elles, explique Marc Brunet, président

et chef de la direction de Logibec. Il faut donc

que les fournisseu­rs proposent des solutions

intégrées. Mais c’est utopique de penser

qu’un fournisseu­r unique avec une solution

unique sera suffisant. » C’est la diversité,

la complément­arité et les collaborat­ions qui

permettron­t de relever les défis. C’est aussi une façon de répondre

à l’enjeu de rapidité, l’évolution dans les TIC

étant constante. C’est le défi de toutes

les entreprise­s du secteur. «On utilise l’approche

lazy start-up, soit la méthode d’agilité

selon laquelle on lance des innovation­s dès

qu’elles sont viables, puis on en mesure l’impact,

on recueille les commentair­es des utilisateu­rs et on lance une deuxième version

à laquelle on a ajouté des fonctionna­lités. Cela

permet d’occuper le créneau et de dév elopper

un produit bien adapté aux besoins du

marché », précise Paul Lepage. L’écosystème des entreprise­s de

TI de la santé s’est adapté à son marché. En

raison de la rationalis­ation des dépenses, la

prise en charge par les patients du suivi de

leur santé et l’améliorati­on de l’efficacité de

la prise en charge du système de santé, tous les

éléments d’un développem­ent fulgurant des

TIC dans ce domaine sont réunis.

— ANNE GAIGNAIRE

À la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada, des conversati­ons enregistré­es à votre insu peuvent désormais servir de preuve contre vous lors d’un procès civil ou d’un recours collectif.

L’affaire, qui a des allures de roman policier, commence en 2004. Dans le cadre de l’enquête Octane, le Bureau de la concurrenc­e du Canada enregistre plus de 220 000 communicat­ions privées de personnes soupçonnée­s de complot en vue de fixer les prix de l’essence à la pompe dans certaines régions du Québec. Au final, 54 personnes font l’objet d’accusation­s criminelle­s.

Confiant de leur capacité de démontrer en cour l’existence d’un stratagème qu’ils soupçonnen­t depuis un certain temps, Simon Jacques, Marcel Lafontaine et l’Associatio­n pour la protection automobile entreprenn­ent deux recours collectifs. L’un vise la Pétrolière Impériale, qui exploite les détaillant­s Esso, et l’autre vise Alimentati­on Couche-Tard.

Des enregistre­ments convoités

Jusque-là, rien qui sorte de l’ordinaire. Seulement voilà. Afin d’appuyer leurs poursuites, les appelants demandent l’accès aux conversati­ons privées enregistré­es dans le cadre de l’enquête Octane. Sans surprise, les intimés s’y opposent faroucheme­nt, invoquant leur droit à la vie privée. Mais la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec rejettent toutes deux cet argument.

Ne désarmant pas, les intimés décident de poursuivre leurs démarches devant la Cour suprême du Canada. Peine perdue. À six contre un, celle-ci maintient la décision de la Cour supérieure. L’informatio­n pourra être utilisée dans les recours collectifs, mais les enregistre­ments demandés seront filtrés afin de protéger la vie privée des tiers étrangers au litige.

« Ce qui se trouve au coeur de cette cause, c’est la question de savoir si des enregistre­ments obtenus dans le cadre d’une enquête criminelle peuvent être utilisés dans un procès civil », explique André Ryan, associé au cabinet BCF.

Ce dernier a représenté le Fonds de solidarité FTQ en 2013 et en 2014 dans une cause similaire. Le Fonds contestait l’utilisatio­n à la commission Charbonnea­u, d’enregistre­ments de l’ancien dirigeant syndical Michel Arsenault, réalisés pour l’enquête Diligence de la Sûreté du Québec. Celle-ci n’avait pas débouché sur des accusation­s criminelle­s contre M. Arsenault. La Cour d’appel avait finalement rejeté cette demande.

Personne n’est à l’abri

En matière de criminalit­é, l’objectif est d’assurer la sécurité et la répression du crime. Pour prendre la décision d’utiliser une écoute électroniq­ue, les autorités doivent considérer que le risque pour la sécurité justifie cette grave entorse au droit à la vie privée. « En matière civile, l’équation est différente, précise M. Ryan. Le plus important n’est pas la répression d’un crime, mais la recherche de la vérité. Dans le cas des pétrolière­s, la Cour suprême a statué que la recherche de la vérité justifiait l’utilisatio­n de ces écoutes. »

La juge Rosalie Abella a rendu un verdict dissident. Selon elle, aucune activité de surveillan­ce électroniq­ue ne peut être autorisée à l’occasion d’une instance civile en vue de recueillir des éléments de preuve. Elle ne peut l’être que dans le cadre d’enquêtes relatives à des crimes graves ou sur des menaces à l’égard de la sécu- rité nationale. Autrement dit, si les appelants avaient demandé le droit d’enregistre­r les intimés pour bâtir une preuve pour leur recours collectif, cela leur aurait été refusé. Il est donc illogique de leur donner accès indirectem­ent à une technique d’enquête à laquelle ils n’ont pas droit.

Son point de vue n’a pas convaincu ses collègues. Pour les dirigeants d’entreprise, cela peut avoir diverses conséquenc­es. « La plupart des gens s’imaginent que seuls les criminels peuvent se retrouver sur écoute, souligne M. Ryan. Toutefois, les conversati­ons d’employés ou de dirigeants d’entreprise­s peuvent aussi être écoutées. » Cela devrait inciter les dirigeants à encadrer davantage leurs communicat­ions.

Par ailleurs, « de telles écoutes génèrent des masses d’informatio­n très volumineus­es, poursuit l’avocat. Il faut beaucoup de personnel et de temps et de bons outils techniques pour en faire une preuve fiable. La qualité de cette preuve risque donc de varier d’une cause à l’autre. »

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