Commerce équitable : le Québec se classe premier au pays
Les entreprises québécoises figurent parmi les organisations les mieux disposées à l’égard du commerce équitable au Canada, selon les données de Fairtrade Canada compilées pour Les Affaires.
Fairtrade International est une organisation établie en Allemagne. Sa certification permet d’assurer qu’une variété de produits vendus dans le monde respectent les valeurs du commerce équitable, du juste prix payé aux producteurs à l’interdiction du travail des enfants.
Au Canada, c’est au Québec que l’on retrouve la plus grande proportion d’entreprises ayant la certification Fairtrade.
« Au prorata de sa population, les entreprises du Québec font bonne figure en matière de commerce équitable, tout comme celles de la Colombie-Britannique », souligne Sonia Noreau, porte-parole de Fairtrade Canada.
En 2014, la plupart des revenus de l’organisation provenaient de ses licences au Québec (34,1%), puis de celles de l’Ontario (33%) et de la Colombie-Britannique (28,5%). Toutefois, ces données ne permettent pas de conclure que le Québec a une chaîne globale d’approvisionnement plus équitable.
À eux seuls, le Québec, l’Ontario ainsi que la Colombie-Britannique représentent 95,6% des revenus de Fairtrade Canada au pays.
Deux provinces – le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan – n’ont aucune entreprise certifiée Fairtraide. On parle souvent des deux solitudes culturelles entre le Québec et le Canada anglais. Force est de constater qu’il y a en aussi deux en matière de commerce équitable.
Les Canadiens favorables, mais sensibles au prix
C’est dans le commerce du café que les entreprises québécoises sont de loin les plus actives. En 2014, les trois quarts des frais de licence des sociétés se trouvaient dans cette catégorie.
Le sucre équitable est le deuxième produit le plus populaire du Québec, et la demande est de plus en plus importante. Dans l’ensemble du Canada, les entreprises certifiées Fairtrade ont vendu 1,1 million de kilogrammes de sucre en 2014, en hausse de 52% comparativement à 2013.
Toutefois, c’est le vin qui affiche la plus forte progression au Canada, avec un bond de 65% en 2014 et des ventes totalisant 269 549 litres.
La plupart des Canadiens sont favorables au commerce équitable, selon un sondage Ipsos Reid réalisé pour Fairtrade Canada. Mais pas à n’importe quelle condition. Ainsi, 84% des Canadiens se disent prêts à choisir une marque associée à une bonne cause si le prix et la qualité sont équivalents. Or, le prix des produits équitables est en règle générale plus élevé que celui des produits ordinaires, car il faut payer davantage les producteurs de café, par exemple.
Dans le monde, les consommateurs semblent être plus conséquents que les Canadiens.
Une étude effectuée par Nielsen montre que 66% des consommateurs sont disposés à payer plus cher pour des produits et des services vendus par des entreprises qui sont engagées à l’égard de changements sociaux et environnementaux positifs. Reste à voir si les consommateurs accepteraient, par exemple, d’acheter le Fairphone 2 (un téléphone intelligent équitable conçu aux Pays-Bas) à 750$, alors qu’un appareil Samsung Galaxy se détaille à environ 230$.
On a beaucoup parlé d’inclusion au forum Skoll. Parfois, en termes très durs. « Je n’ai jamais vu de secteur aussi élitiste que le secteur social. N’y entre pas qui veut », a déploré Alexis Bonnell, chef de l’innovation et de l’accélération chez USAID Global Development Lab, l’agence gouvernementale américaine responsable de l’aide internationale. Autrement dit, on hésite à y accepter les « Inc. ».
Pour le tester, le forum Skoll a mené une expérience fort instructive. Dans un panel, il a opposé trois fonds qui investissent dans le même secteur et sur le même continent : l’agriculture, en Afrique. L’un est à but lucratif, Capricorn Investment. Les deux autres, à but non lucratif, Root Capital et le One Acre Fund. La question posée aux participants dans la salle : si vous aviez 100 000 $ à investir, quel fonds donnera le meilleur rendement social, selon vous? Les votes sont allés aux fonds à but non lucratif, au grand dam des représentants de Capricorn. « Ce n’est pas parce que nous sommes à but lucratif que nous sommes cupides. Nous promettons simplement des rendements financiers en plus des rendements sociaux », a lancé Alan Chang, associé chez Capricorn Investment, à San Francisco.
Pendant ce temps, Andrew Youn, du One Acre Fund, s’est empressé d’ajouter que son fonds était géré « comme une entreprise ». Ainsi, pendant que le fonds à but lucratif a rappelé ses visées sociales, le fonds à but non lucratif a insisté sur le professionnalisme de sa gestion, chacun misant sur les qualités naturellement attribuées à l’autre pour se faire reconnaître. Faut-il y voir un pas vers l’inclusion?
Pour qu’il y ait inclusion, il faudra établir des conditions favorables. « Il faut des terrains neutres où tous ceux qui s’intéressent à l’impact social peuvent se retrouver, juge Natalie Voland. C’est la mission du Salon 1861. » Installé dans une ancienne église du quartier Petite-Bourgogne, à Montréal, le Salon 1861 voit défiler des entreprises, des universités, des start-up, des OBNL, des entreprises sociales et les citoyens du quartier. On retrouve un esprit similaire dans le quartier Mile-Ex, dans les locaux à aire ouverte de l’Esplanade. « Nous avons élaboré un module sur l’impact destiné aux entreprises traditionnelles, explique Samuel Gervais. Nous voulons rendre cette notion concrète pour les intrapreneurs désireux de contribuer à l’impact positif de leur employeur, au-delà des activités de responsabilité sociale. »
« L’impact social positif n’est pas exclusif à l’économie sociale », reconnaît Jean-Martin Aussant, du Chantier de l’économie sociale. Il ajoute : « Si le secteur privé compte des gens qui ont les mêmes valeurs que les entrepreneurs collectifs, tant mieux. Cela contribuera à rétablir l’équilibre. Depuis plusieurs années le secteur privé, et ses préoccupations traditionnelles, prennent trop de place. Ça crée un déséquilibre. Mais pour travailler ensemble, il va falloir se donner des définitions communes. »
Comment définit-on l’impact social? Comment le mesure-t-on? Quel projet en a? Quel projet n’en a pas? « Sans définition commune, nous risquons le socioblanchiment », dit Jean-Martin Aussant. Un souci partagé par Samuel Gervais, qui veut toutefois éviter une définition trop stricte. « Le secteur de l’innovation sociale et de l’impact social évolue rapidement, dit-il. Il faut créer un mouvement assez accessible pour qu’on puisse accueillir de nouveaux membres. »
Des indicateurs de performance sont essentiels pour attirer l’attention et les investissements. « C’est par les faits et les données que l’on gagne de la crédibilité et que l’on change les choses, a insisté Michael Porter, professeur de stratégie à la Harvard Business School et conseiller au Social Progress Imperative, l’organisme américain qui a créé le Social Progress Index. Il va falloir faire mieux pour mesurer l’impact social. »
Un exercice à faire aussi au Québec. « J’ai voulu décrocher la certification B Corp pour mon entreprise afin d’avoir accès à des outils de mesure de notre impact social », précise Natalie Voland. Le questionnaire, qu’il faut remplir tous les deux ans pour conserver sa certification, constitue une méthode parmi d’autres pour mesurer l’impact social et environnemental d’une organisation.
Malgré l’émergence d’indicateurs, lorsqu’il est question de l’impact social d’un projet ou d’un investissement, on nage encore dans l’imprécision. « Notre secteur a longtemps préféré avoir vaguement raison que risquer d’avoir tort sur un point précis. Nous nous sommes contentés d’évaluations approximatives des retombées de notre travail », a expliqué Zia Khan, vice-président, Stratégies et initiatives, de la Rockfeller Foundation, lors du panel « Rethinking Giving ». « On apprend et on progresse bien plus en ayant tort sur un point précis qu’en ayant vaguement raison », a-t-il ajouté.
L’impact social se trouve confronté au même enjeu que le développement durable il y a plusieurs années, croit Jean-Martin Aussant. « Le développement durable, c’était philosophique. Puis, on l’a concrétisé, entre autres, dans l’économie circulaire, soit les coûts que les entreprises évitent en réutilisant leurs extrants [ou ceux d’organisations partenaires]. » Pour figurer l’impact social d’un projet, on évalue notamment les économies qu’il procure au gouvernement et aux citoyens en réduisant les frais de santé, d’éducation, d’incarcération et autres.
Le secteur de l’impact social n’est pas l’industrie du transport ni celle du commerce de détail. Tant les intervenants au forum Skoll que les personnes interviewées au Québec s’accordent pour dire qu’il serait utopique de préconiser quelques mesures universelles arrimées à tous les projets. Malgré tout, de plus en plus d’acteurs sont décidés à implanter le réflexe de mesurer. Ainsi, chaque fois que la Fondation Walmart accorde un don à une organisation, elle spécifie qu’une partie de cet argent doit servir à calculer l’impact du projet. « C’est une demande claire de notre part, cet argent ne peut servir à rien d’autree », a indiqué Kathleen McLaughlin, présidente la Fondation Walmart lors de son passage à Skoll.