Les Affaires

Duchesnay amorce un sprint aux États-Unis

- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

La pharmaceut­ique Duchesnay voit grand sur le marché américain. La PME de Blainville spécialisé­e dans la santé des femmes enceintes mettra les bouchées doubles pour tenter d’y tripler ses parts de marché d’ici 2021.

« Nous espérons porter nos parts à 40% au cours des cinq prochaines années », dit Éric Gervais, vice-président exécutif de l’entreprise familiale, qui fête ses 60 ans cette année et qui est contrôlée par le Groupe pharmaceut­ique Boivin.

Duchesnay, dont les revenus atteignent 215 millions de dollars, oeuvre dans un marché très spécialisé. Selon Éric Gervais, c’est l’une des rares pharmaceut­iques dans le monde à offrir des médicament­s taillés sur mesure pour la femme enceinte et son enfant à naître.

Cette spécialisa­tion fait en sorte que Duchesnay détient actuelleme­nt 15% de ce marché aux États-Unis grâce à son médicament Diclegis contre les nausées et les vomissemen­ts liés à la grossesse. La Food and Drug Administra­tion l’a approuvé en 2013, après un processus long de 18 ans. Au Canada, ce médicament est vendu sous l’appellatio­n Diclectin, et Duchesnay contrôle 80% du marché.

Fin de l’exclusivit­é

Pour l’instant, l’entreprise de Blainville a un brevet exclusif pour le Diclegis aux États-Unis. C’est ce qui explique en grande partie la raison pour laquelle elle a pu conquérir 15% du marché américain en trois ans seulement, marché où ses revenus atteignent 175 M$.

Le hic, c’est que cette protection légale prendra fin en 2021, ce qui ouvrira la porte aux concurrent­s pour vendre des produits génériques du Diclegis. C’est pourquoi Duchesnay veut accroître rapidement ses parts de marché aux États-Unis d’ici cinq ans, en misant sur un marketing très ciblé.

La pharmaceut­ique concentrer­a ses efforts sur les « influenceu­rs », c’est-à-dire les médecins qui peuvent prescrire le Diclegis aux Américaine­s. Pour ce faire, Duchesnay a embauché 150 nouveaux représenta­nts aux ÉtatsUnis – elle en compte 12 au Canada. L’entreprise emploie maintenant 100 personnes au Canada et 170 aux États-Unis.

Les nouveaux représenta­nts ne seront toutefois pas actifs dans tous les États, précise Éric Gervais. « Il n’y en aura aucun en Alaska, à Hawaï ou au Dakota du Nord. Les représenta­nts concentrer­ont leurs efforts sur la côte est, le Midwest et la côte ouest, ce qui nous permettra de couvrir 80% des prescripti­ons potentiell­es que peuvent faire des médecins aux États-Unis. »

L’embauche de 150 représenta­nts est un investisse­ment de taille pour Duchesnay, car chacune de ces personnes gagne un salaire annuel de 200000$ US. À cela s’ajoute un investisse­ment de 5 M$ pour doubler la production de son unique usine de Blainville afin de répondre à la demande croissante de Diclegis aux États-Unis. Les travaux ont débuté en novembre 2015 et devraient être terminés en septembre prochain.

Cet investisse­ment créera 15 nouveaux emplois spécialisé­s à Blainville.

Un marché en mutation

Duchesnay oeuvre dans une industrie pharmaceut­ique en mutation aux États-Unis, où les fusions et acquisitio­ns se sont multipliée­s depuis 20 ans. Au cours des dernières années, les pharmaceut­iques ont réduit le rythme auquel elles lancent de nouveaux médicament­s, souligne la firme d’analyse Berstein.

Il y a aussi une hausse marquée du prix de certains médicament­s aux États-Unis. Un phé- nomène qui a provoqué de vives réactions de la part de consommate­urs et de politicien­s américains, y compris la candidate à l’investitur­e démocrate Hillary Clinton.

Cette situation pourrait d’ailleurs inciter les autorités à légiférer pour limiter les hausses du prix des médicament­s lorsque celles-ci ne tiennent qu’à une réduction de l’offre à la suite des fusions et acquisitio­ns, selon Jean-René Ouellet, gestionnai­re de portefeuil­le chez Valeurs mobilières Desjardins. « Il y a un risque réglementa­ire et politique », dit-il.

Malgré tout, le marché américain regorge d’occasions d’affaires pour Duchesnay. Par exemple, le 8 mars, la pharmaceut­ique a lancé des vitamines prénatales aux États-Unis sous le nom de Mteryti et Mteryti Folic 5.

Outre les États-Unis, Duchesnay vise les marchés de l’Europe, de l’Asie (en particulie­r le Japon) ainsi que de l’Amérique du Sud dans sa stratégie de croissance à l’internatio­nal. L’entreprise détient 10 brevets pour ses médicament­s, enregistré­s dans 40 pays.

Mais contrairem­ent au marché américain où elle distribue elle-même ses médicament­s, l’entreprise passera par une tierce partie pour ces marchés. « Par exemple, en Europe, nous sommes en discussion avec une pharmaceut­ique », dit Éric Gervais, sans donner de précision. Si tout se passe bien, Duchesnay pourrait commencer à vendre son médicament contre les nausées et les vomissemen­ts liés à la grossesse en Europe à compter de 2017.

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