Les Affaires

Peintres et galeries d’art à l’assaut du Web

- Alain McKenna

Oubliez un instant la réalité virtuelle et les applicatio­ns bancaires pour téléphone intelligen­t. La révolution Internet se passe dans les galeries d’art. Artistes et collection­neurs sont de plus en plus nombreux à négocier sur leur poste infor- matique, plutôt que dans la salle d’exposition. Un créneau où le Québec se démarque.

Le marché mondial de l’art en ligne est en pleine croissance : il s’est vendu pour 3,3 milliards de dollars américains d’oeuvres d’art en tout genre sur la Toile en 2015, trois fois plus qu’en 2013 (1 G $ US). À ce rythme, selon la firme d’assurance spécialisé­e Hiscox, les ventes d’art sur Internet atteindron­t 6,3 G $ US en 2019, ce marché se composant essentiell­ement de peintures, de reproducti­ons à tirage limité et de photograph­ies.

Cet engouement a incité Gwen Salley, Mathieu Cassagne et Stéphanie Brochu à fonder leur propre galerie en ligne. Lancée au début de mai, Articho se positionne comme une galerie d’art à vocation internatio­nale, avec un lourd penchant pour les artistes d’ici. Articho est issue de l’accélérate­ur Le Camp, un incubateur d’entreprise­s techno de Québec. La jeune pousse, dotée d’un budget d’amorçage de 100 000 $, s’est donné pour objectif « de fluidifier les transactio­ns sur l’art en ligne », dit M. Salley.

« On se voit comme un outil de gestion pour les artistes qui veulent faire carrière en ligne », continue le jeune entreprene­ur. « Cela dit, on choisit les artistes et les oeuvres d’art qu’on expose. On veut se spécialise­r en art contempora­in, tout en demeurant un peu hétéroclit­es. »

Articho compte se brancher sur les grandes bases de données d’art en ligne, comme la française Artprice, afin de pouvoir documenter la valeur des oeuvres négociées chez elle. En offrant tout l’historique d’une oeuvre, le site devient du coup un outil pratique pour les collection­neurs.

Le site compte déjà 1 200 oeuvres de 250 artistes (dont plus du tiers sont issus du Québec et du Canada), mais enregistre très peu de ventes. Il est encore tôt… « Le moment est bien choisi, car la transition des collection­neurs vers le Web a lieu en ce moment, dit Gwen Salley. Et les oeuvres d’art, c’est connu, sont une valeur refuge… »

Dans l’ombre d’Amazon…

Malgré l’émergence assez récente de ce marché en ligne, la menace du numérique pèse déjà sur les galeries d’art traditionn­elles. Une menace qui a pour nom Amazon. Le géant du commerce électroniq­ue n’hésite pas à vendre des toiles pour tous les goûts, et à tous les prix : on y a vu un Norman Rockwell de 4,85 millions de dollars.

Cela dit, tout le monde n’est pas prêt à confier des milliers de dollars à un site Web pour une toile qui a seulement été inspectée virtuellem­ent… « C’est certain qu’il faut faire confiance au site », dit Geneviève Lévesque, directrice de la galerie Artêria, de Bromont. Le site de la galerie estrienne, qui vient de remporter le prix Relève leadership Germaine-Gibara au 36e concours des Mercuriade­s, affiche des oeuvres de ses artistes, leur historique, et un moyen de les rejoindre.

Le comporteme­nt des acheteurs rappelle les débuts du commerce en ligne : « Des collection­neurs comparent les oeuvres en ligne, puis viennent en galerie pour acheter. D’autres découvrent un artiste en personne, puis vont sur Internet pour voir le reste de leur collection. D’une façon ou d’une autre, le Web est indispensa­ble dans la transactio­n. »

Mais les ventes purement numériques sont encore minimes, constate Mme Lévesque. Pour le moment, du moins. « La demande est forte du côté des imprimés plus abordables. »

Et si la demande évolue vers les oeuvres d’art plus coûteuses, les artistes québécois seront prêts, souligne pour sa part Gwen Salley, d’Articho. « Le Québec est un endroit propice au développem­ent de la vente d’art en ligne. Même le gouverneme­nt pousse pour que le milieu culturel fasse sa place sur le Web. De ce côté, on n’a rien à envier à New York ou à Los Angeles ! »

À part, peut-être, leur plus grand bassin de collection­neurs d’oeuvres d’art...

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