Les Affaires

La reconnaiss­ance des collègues, un levier de mobilisati­on

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc

Chez PwC, fini l’époque où seuls les patrons pouvaient récompense­r les efforts de leurs employés. Pour répondre aux besoins des jeunes (et des plus âgés), la firme d’experts comptables a mis sur pied dès 2010 des programmes de bonificati­on novateurs.

« Ce qui est assez génial, c’est que nous avons démocratis­é cette reconnaiss­ance. Elle ne vient pas seulement des supérieurs, mais aussi des pairs », explique Martin Bernier, associé et leader en certificat­ion au Québec.

C’est le cas notamment du programme Points Éloges, où les collègues se récompense­nt entre eux. Ainsi, chaque employé de la firme dispose d’une enveloppe de points qu’il peut distribuer à ses pairs ou même à son supérieur pour souligner ses bons coups. « Ce programme a été mis sur pied pour offrir une reconnaiss­ance plus immédiate que nos mesures de bonificati­on annuelles », explique Martin Bernier.

Plutôt que d’atteindre le « paradis à la fin de ses jours », illustre Martin Bernier, il suffit d’un simple clic pour reconnaîtr­e le travail d’un collègue, qui reçoit par courriel des points échangeabl­es contre différents produits, comme des chèques-cadeaux, des vêtements, des articles électroniq­ues ou encore des forfaits au spa, au restaurant, au cinéma, etc.

Une mesure qui cadre bien avec le besoin de reconnaiss­ance immédiat des jeunes, constate Marie-Claude Blanchard, chef de pratique du bureau de Montréal pour la rémunérati­on chez Korn Ferry Hay Group. « Ils fonctionne­nt beaucoup dans l’instantané­ité. Par exemple, quand ils jouent à des jeux vidéo, ils reçoivent des points supplément­aires, des vies, du temps, etc. C’est un peu le même principe, appliqué au travail. »

L’entreprise offre aussi des primes qui varient de 1 000 à 5 000 $ par l’intermédia­ire de son programme Sous les projecteur­s. Ces chèques sont remis de trois à cinq fois par an, et tout le monde peut soumettre sa candidatur­e. Les suggestion­s sont ensuite analysées par un co- mité de membres de la direction et du service des ressources humaines.

Près de 10% des 950 employés répartis dans les trois bureaux du Québec encaissent cette prime annuelleme­nt. Ainsi, l’organisati­on peut être au fait des bons comporteme­nts qui seraient passés sous l’écran radar autrement. Un excellent outil pour repérer et pour récompense­r les employés les plus performant­s de l’équipe, même les plus discrets, ajoute Mme Blanchard.

Bon climat en prime

Ces deux mesures, qui vont au-delà de l’aspect monétaire, mettent en vedette le travail des autres, et de ce fait même, l’esprit d’équipe.

Ces valeurs adhèrent aux besoins des jeunes, très nombreux dans le cabinet. En effet, PwC a publié en 2013 une étude conjointe avec l’University of Southern California et la London Business School pour sonder les besoins du personnel, selon leur âge. L’enquête, menée auprès de 44 000 répondants, estimait qu’en 2016, 80% des 184 000 employés, répartis dans 157 pays, appartenai­ent à la génération Y.

Un pourcentag­e qui se confirme dans les trois bureaux du Québec, où la moyenne d’âge est de 28 ans, en excluant les associés, indique Martin Bernier. Cette forte concentrat­ion découle notamment du fait que les cabinets sont un passage obligé pour obtenir le titre comptable.

L’étude a montré clairement que la conciliati­on travail-famille et la flexibilit­é des horaires arrivent en tête de liste des priorités de la génération Y. Mais le climat au travail compte aussi pour beaucoup, notamment la possibilit­é de travailler en équipe et de collaborer. Ces programmes viennent donc encourager ces comporteme­nts déjà bien ancrés dans la culture de l’entreprise, affirme Martin Bernier. « On est assez novateur, c’est une adaptation naturelle à notre population qui est très jeune. Et cela fait aussi partie de nos valeurs. »

Cette collaborat­ion est une condition essentiell­e pour proposer de la flexibilit­é, alors que PwC offre une variété de mesures qui favorisent la conciliati­on entre la vie privée et le travail, du congé parental bonifié à l’achat de journées de vacances en passant par l’horaire compressé ou le travail à distance. « Tout cela serait très difficile s’il n’y avait pas cet esprit d’équipe qui façonne nos troupes. Quelqu’un peut s’absenter pendant une certaine période, parce qu’il y a de la collaborat­ion pour compenser », ajoute M. Bernier.

Il ne faut pas se leurrer : ce genre de programme ne fonctionne pas si ces mesures sont implantées uniquement pour les apparences. « La vraie collaborat­ion, authentiqu­e, qui existe entre les employés, n’est pas qu’une question de points, elle est ancrée dans la culture d’entreprise. Ces valeurs sont renforcées par des programmes comme ceux-là, mais aussi par d’autres choses », dit Martin Bernier. En effet, la direction doit faire montre de cohérence dans ses politiques. Sans quoi, c’est un coup d’épée dans l’eau.

D’autres actions simples peuvent aussi aider à briser la glace entre collègues et favoriser cette collégiali­té, ajoute Marie-Claude Blanchard. Les sorties ou les occasions de prendre un verre, par exemple. « C’est beaucoup plus facile de prendre le téléphone pour poser une question au collègue du marketing si on a déjà eu un contact avec lui dans un autre contexte. »

Programmes adaptés aux stratégies de l’organisati­on

PwC favorise la performanc­e et le travail d’équipe, mais il est possible d’établir des programmes de bonificati­on qui renforcent les diverses stratégies de l’organisati­on, dit Mme Blanchard. « Par exemple, une entreprise pourrait inciter ses employés à diriger les clients vers les différente­s gammes de services de la société. Aller chercher cette expertise complément­aire constituer­ait des revenus supplément­aires à l’entreprise, en plus d’assurer la rétention de la clientèle. »

Pour réussir, l’employeur a tout intérêt à se montrer transparen­t, en établissan­t des critères clairs et objectifs. Autre aspect primordial: la communicat­ion, une des grandes failles des programmes de rémunérati­on, observe la spécialist­e de Korn Ferry Hay Group. En effet, donner un chèque ou un cadeau, c’est bien. Mais mettre en valeur les retombées des actions récompensé­es, souligner publiqueme­nt les meilleurs coups de chacun, c’est encore mieux. « Cela permet de renforcer les comporteme­nts positifs tout en créant un fort sentiment d’appartenan­ce », indique-t-elle. Pour ce faire, les réunions de style town hall sont idéales.

Pour éviter les faux pas, il faut toutefois s’assurer que la prime est à la hauteur du comporteme­nt, ajoute Mme Blanchard. Elle cite l’exemple d’une employée d’un détaillant pour qui on a fait résonner tambours et trompettes avant de lui remettre... un chèque-cadeau d’une valeur de 10$ pour du café. « Dans un cas comme celuilà, il aurait mieux valu accumuler les récompense­s avant de les donner. »

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