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Le potentiel et les risques de jouer le Brésil

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- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

À moins de trois mois des Jeux olympiques de Rio, le Brésil traverse une crise politique majeure causée par la suspension de la présidente Dilma Rousseff, soupçonnée de maquillage­s des comptes publics. Malgré tout, le pays demeure attrayant pour les investisse­urs canadiens.

C’était prévisible, mais le message est fort : le 12 mai, une majorité de sénateurs brésiliens a voté pour la mise en accusation de la présidente, élue pour la première fois en 2011, puis réélue en 2014. Le Sénat reproche à Dilma Rousseff d’avoir manipulé des comptes publics et dissimulé l’ampleur des déficits en 2014 et 2015.

Sa suspension survient au moment où le Brésil est secoué par le scandale de corruption politique entourant Petrobras (la société d’État productric­e de pétrole), et où l’économie du géant sud-américain est en récession.

En 2015, le PIB brésilien s’est contracté de 3,8 %, et il devrait reculer encore de 3,8 % cette année, selon le Fonds monétaire internatio­nal. La croissance devrait être nulle en 2017. L’inflation s’élève à 9,3 %, par rapport à 1,3 % au Canada.

Les déboires du Brésil tiennent au ralentisse­ment économique de la Chine et à l’effondreme­nt des prix des ressources naturelles, qui a commencé à la fin de 2013.

Malgré la conjonctur­e, Christine Tan, directrice du placement et gestionnai­re du portefeuil­le du fonds marchés émergents chez Excel Funds, reste optimiste. Selon elle, le long processus de destitutio­n de la présidente Dilma Rousseff, qui a culminé avec sa suspension le 12 mai, est une bonne nouvelle pour les investisse­urs. « Le processus de mise en accusation était certaineme­nt un événement bienvenu, et il a accéléré la revalorisa­tion du marché brésilien au cours des dernières semaines », dit Mme Tan.

Depuis le début de l’année, l’indice phare de la Bourse brésilienn­e – l’Ibovespa de la Bourse de Sao Paulo – a bondi de 23 %. Depuis cinq ans, l’indice a toutefois reculé de 15 %.

Allain Joly, spécialist­e en management internatio­nal à HEC Montréal, ne partage pas la vision optimiste de Christine Tan. « La situation peut dégénérer », dit-il, précisant que le gouverneme­nt actuel pourrait souffrir d’une crise de légitimité. Il n’exclut pas une interventi­on de l’armée, non pas pour renverser la démocratie et instaurer une dictature militaire comme cela a été le cas de 1964 à 1985, mais pour assurer le maintien de l’ordre constituti­onnel.

Une stratégie défensive à court terme

À court terme, Christine Tan a une stratégie défensive en ce qui concerne le marché brésilien, car l’économie aura encore besoin d’un certain temps pour redécoller et atteindre le rythme de croissance d’un pays émergent.

Elle investit par exemple dans les sociétés de services publics, notamment un producteur d’énergie hydroélect­rique, dont elle préfère taire le nom. Ce secteur est stable, et les hausses importante­s de tarifs d’électricit­é procurent des revenus supérieurs aux producteur­s d’énergie.

Toutefois, l’an dernier, ces hausses ont nui à l’industrie en raison de l’incapacité de certains consommate­urs de payer leur facture énergétiqu­e. Au premier trimestre de 2015, le gouverneme­nt avait augmenté les tarifs de 50 % dans certaines régions. « Ces changement­s ont eu un impact, mais ce problème est maintenant chose du passé », dit Christine Tan.

La gestionnai­re de portefeuil­le investit également dans le secteur de l’éducation, où des entreprise­s privées comme Kroton Educaciona­l (Sao Paulo, KROT3) offrent leurs services aux niveaux primaire et secondaire. Elle aime également les entreprise­s industriel­les exportatri­ces, car le real brésilien a perdu 36 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis deux ans, ce qui rend les exportatio­ns brésilienn­es plus concurrent­ielles. Les producteur­s de pâtes et papiers sont attrayants. Par exemple, elle aime la papetière Suzano, dont le titre est interlisté aux États-Unis (OTC Markets, SUZBY).

Les secteurs à surveiller

Écorchés par la récession au Brésil, les secteurs bancaire et du détail sont à surveiller, selon la gestionnai­re de portefeuil­le.

Banco Itau (Sao Paulo, ITUB4), un congloméra­t qui offre des produits et des services financiers, figure parmi les entreprise­s ayant du potentiel. Les investisse­urs peuvent aussi acheter le titre interlisté aux États-Unis (NY, ITUB)

Depuis un an, l’action a perdu près de 4 % de sa valeur, mais elle a bondi de 25 % depuis le début de 2016. Malgré tout, Christine Tan demeure « prudente » à l’égard du secteur bancaire.

La gestionnai­re estime que le secteur du commerce de détail est prometteur, car le pays de 204 millions d’habitants compte une classe moyenne émergente et une population jeune (40 % des citoyens ont 24 ans et moins).

Cependant, pour remettre l’économie sur les rails et stimuler la consommati­on, des économiste­s soutiennen­t que le Brésil doit mener des réformes importante­s, notamment l’augmentati­on de l’âge de la retraite, la réduction des subvention­s énergétiqu­es, etc.

Cela dit, les espoirs de relance économique à court terme sont minces, selon le magazine Foreign Policy. En effet, la crise politique et l’étendue de la corruption posent tout un défi pour amorcer des réformes structurel­les.

Le risque de change est aussi à considérer pour les investisse­urs, dit François Barrière, premier vice-président et trésorier à la Banque Laurentien­ne. Selon lui, l’achat de la brésilienn­e Kaiser Brewery par Molson en 2002 au coût de 765 M$ US illustre bien ce risque. « Un an plus tard, la devise perdait 30 % », dit-il.

Selon François Barrière, la théorie de la parité des pouvoirs d’achat (PPA) reste un bon indicatif de la direction que peut prendre la devise d’un pays comme le Brésil ou de toute autre économie émergente. Par exemple, si on prévoit une inflation de 2 % au Canada en 2016 et de 10 % au Brésil, il est fort possible que la devise brésilienn­e perde 8 % de sa valeur durant l’année (10 % – 2 %), estime le financier.

2Ne confondez pas investisse­ment et spéculatio­n « C’est facile pour nous de vous dire de ne pas spéculer. Ce qui sera difficile pour vous sera de suivre ce conseil. »

« Comme le rôle du courtier est de gagner des commission­s, il peut difficilem­ent ne pas être poussé à la spéculatio­n. »

« Un investisse­ment s’appuie sur une analyse quantitati­ve approfondi­e, alors que la spéculatio­n dépend plutôt des impulsions et des intuitions. »

« Habituelle­ment, l’investisse­ur est celui qui achète en s’appuyant sur la patience et le courage de ses conviction­s. Le spéculateu­r vend de façon désordonné­e. » facilement entraîner la chute d’un titre à un niveau absurde. »

« Ne jamais acheter immédiatem­ent après une hausse importante ni vendre après une baisse substantie­lle. »

« L’individu doit avoir les moyens, le jugement et le courage de tirer profit des occasions lorsque celles-ci frappent à sa porte. » Ne suivez pas la mode « Même l’investisse­ur intelligen­t aura sans doute besoin d’une force considérab­le pour ne pas tomber dans le piège qui est de suivre la foule. » Évitez de trop diversifie­r « Il est préférable de se concentrer sur un titre qui s’avérera profitable, plutôt que de diluer nos résultats à des fins de diversific­ation. » Distinguez l’essentiel du reste « Lorsque vous magasinez des actions ordinaires, choisissez-les comme si vous faisiez votre épicerie, et non pas de la façon dont vous achèteriez du parfum. » Éloignez-vous de ce qui semble trop facile « Le public aurait avantage à se rappeler que lorsqu’il devient facile d’attirer du capital pour une industrie en particulie­r, les chances de mauvaises transactio­ns augmentent et le danger d’un surdévelop­pement de l’industrie elle-même devient bien réel. »

« Si le prix d’une action monte, c’est que la plupart des investisse­urs prévoient que les bénéfices augmentero­nt. »

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