Les Affaires

Agir dans l’intérêt du client

-

e Départment du travail des États-Unis annonçait le 6 avril que des règles visant à placer l’intérêt des clients avant celui des conseiller­s qui les servent entreraien­t en vigueur le 1er janvier 2018.

À l’heure actuelle, ces derniers peuvent se contenter de s’assurer que le placement convient au client, ce qu’ils déterminen­t en fonction des renseignem­ents obtenus. Cette règle plus souple leur permet en toute léga- lité de faire investir un client dans un produit, tel un fonds commun de placement, qui leur verse une commission plus élevée qu’un autre fonds qui aurait été une meilleure option pour ce client.

Les États-Unis emboîtent donc le pas au Royaume-Uni et à l’Australie, où de telles règles sont en vigueur depuis quelques années. « Nous devrions prendre la même direction, car les conflits d’intérêts patents dans l’industrie doivent être réduits de manière importante », affirme Peter Guay, gestionnai­re de portefeuil­le chez PWL Capital.

Or, justement, les Autorités canadienne­s en valeurs mobilières (ACVM), qui réglemente­nt le marché des valeurs mobilières au Canada, ont publié le 28 avril un document où elles invitent à une vaste consultati­on publique sur un projet de réglementa­tion visant les intérêts du client. Ainsi, les sociétés et les représenta­nts seraient obligés de résoudre tout conflit d’intérêts important en faisant passer l’intérêt du client avant le leur.

Ce projet survient après la publicatio­n en 2015 de deux rapports commandés par les ACVM qui montrent que cela n’est pas toujours le cas. D’abord, un rapport du Brondesbur­y Group a trouvé, entre autres, que les représenta­nts favorisent parfois des investisse­ments qui génèrent davantage de commission­s pour eux.

Ensuite, un autre rapport de Douglas Cum- ming, professeur au Schulich School of Business de l’Université York (Toronto), a fait ressortir que les conflits d’intérêts (notamment les commission­s de vente et de suivi versées par les sociétés de fonds, l’appartenan­ce des courtiers au même groupe que ces sociétés et le recours aux frais d’acquisitio­n reportés) exercent une influence importante sur le comporteme­nt des représenta­nts et des courtiers au détriment des résultats des investisse­urs.

On est loin de l’unanimité

Le document de consultati­on des ACVM cite aussi d’autres études menées par des tiers, dont celle de chercheurs dirigés par le professeur Stephen Foerster, qui traitait des coûts, des avantages et de la personnali­sation des conseils sur les organismes de placement collectif (fonds communs de placement). Il en ressort que les représenta­nts influent sur les choix des investisse­urs en matière de négociatio­n, mais que les résultats de leurs conseils sont nettement inférieurs aux indices d’investisse­ment passif.

Selon l’étude, ceux qui investisse­nt dans ces fonds paient en moyenne 2,5% de la valeur de leur actif chaque année, et l’investisse­ur moyen qui commence à épargner pour sa retraite avec un représenta­nt financier lui remet plus du quart de la valeur actualisée de son épargne dès le départ. Or, l’étude conclut qu’il n’existe pas de preuve tangible que les représenta­nts apportent une valeur ajoutée parce qu’ils augmentent le rendement.

Malgré ces constats, les ACVM sont partagées quant à la nécessité d’introduire une norme qui force les conseiller­s à agir au mieux des intérêts du client. Ainsi, si la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et la Commission des services financiers et des services aux consommate­urs du Nouveau-Brunswick y sont favorables, l’Autorité des marchés financiers, l’Alberta Securities Commission, la Commission des valeurs mobilières du Manitoba et la Nova Scotia Securities Commission ont de sérieuses réserves, car elles craignent que sa codificati­on n’entraîne des conséquenc­es inattendue­s. Il faut comprendre que la propositio­n des ACVM va dans le sens d’une obligation réglementa­ire, et non d’une obligation fiduciaire. L’obligation fiduciaire serait une exigence supplément­aire.

« L’imposition d’une obligation fiduciaire pourrait exposer les sociétés et leurs représenta­nts à beaucoup plus de poursuites judiciaire­s de la part de clients qui alléguerai­ent que leurs conseiller­s n’ont pas agi au mieux de leurs intérêts », rappelle Peter Guay.

Selon les ACVM, les mesures corrective­s fondées sur une obligation fiduciaire sont peutêtre trop rigoureuse­s pour tous les manquement­s commis par les représenta­nts.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada