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La Banque Nationale doit confondre les sceptiques

TJX Companies Tecsys

- Yannick Clérouin

Le titre de la Banque Nationale ( NA, 41,99$) commande une évaluation moins généreuse que ses rivales en Bourse depuis plusieurs années. Or, compte tenu des récents événements, l’institutio­n montréalai­se devra mettre les bouchées doubles pour confondre les sceptiques et regagner une valorisati­on comparable aux autres banques canadienne­s.

Au début de mai, la banque a ébranlé les investisse­urs en annonçant l’inscriptio­n d’une provision pour pertes sur créances de 267 M$ avant impôts, principale­ment liée à son portefeuil­le de prêts aux entreprise­s du secteur du pétrole et du gaz. Cette mesure va gruger le bénéfice par action de 0,56$ au deuxième trimestre. D’après Meny Grauman, analyste chez Cormark Securities, la provision pour pertes sur prêts totalisera 330 M$ pour ce trimestre, soit cinq fois plus qu’au premier trimestre.

L’exposition directe du portefeuil­le de prêts de la Nationale au secteur de l’énergie s’élève à 3,2 G$, soit 2,7% des prêts totaux de l’institutio­n, selon M. Grauman. La provision annoncée au début de mai recèle un élément important: même une participat­ion limitée à un secteur comme celui du pétrole et du gaz peut entraîner une hausse marquée des pertes sur prêts.

Dans la foulée, l’analyste a abaissé le multiple d’évaluation qu’il attribue au titre, de 9,5 à 9,1 fois le bénéfice prévu en 2017. Ce ratio cours/ bénéfice plus bas reflète les risques accrus qui pèsent sur le capital réglementa­ire que la banque doit maintenir et le fait que les investisse­urs se montreront plus sceptiques à l’égard du titre à l’avenir.

Il faut dire que les actionnair­es de la Nationale ont été éprouvés depuis l’automne 2015. En octobre, ils ont été ébranlés une première fois par l’annonce d’une émission d’actions inattendue de 300 M$, laquelle coïncidait avec une charge de restructur­ation de 86 M$. La direction avait alors dû convaincre les investisse­urs que cette émission n’était pas le prélude à une détériorat­ion soudaine de son portefeuil­le de prêts.

Autre tuile en février 2016: la banque a annoncé la radiation totale de son investisse­ment dans Maple Financial Group, dont la filiale en Allemagne a été fermée par les autorités locales en raison d’irrégulari­tés fiscales. Une radiation de 164 M$ a donc été inscrite au premier trimestre et a eu pour effet de réduire le ratio des fonds propres (il s’agit du coussin qui doit permettre aux banques de couvrir les pertes inattendue­s en vertu des règles internatio­nales).

Curieux

Comble de malchance, trois semaines après que la Nationale eut annoncé avoir conclu une entente avec Lending Club, le prêteur alternatif américain s’est trouvé au coeur d’une controvers­e. Le pdg de Lending Club, Renaud Laplanche, a été remercié par le conseil d’administra­tion à la suite de la découverte par l’entreprise qu’il avait contrevenu aux règles internes en revendant à un seul investisse­ur 22 M$ US de prêts sans respecter certaines exigences de ce dernier en matière de solvabilit­é. Par l’intermédia­ire de sa filiale Credigy, spécialisé­e dans l’achat et le recouvreme­nt de comptes clients en souffrance, la Nationale s’était engagée à acheter pour 150 M$ US de prêts auprès de Lending Club. Un porte-parole de la Banque Nationale a insisté pour dire qu’il n’y avait pas d’enjeux particulie­rs à l’égard de cette transactio­n, étant donné les critères de sélection stricts appliqués par Credigy.

Reste que les observateu­rs sondés par le départemen­t du Trésor américain dans le cadre de la publicatio­n d’un livre blanc sur ces activités ont mis en relief un facteur de risque important: le marché secondaire pour ce type de prêts est quasi inexistant. En d’autres termes, il peut être difficile de revendre rapidement les prêts acquis par des firmes comme Credigy advenant un besoin urgent de liquidités.

Ces événements n’ont pas freiné les ambitions de croissance de la Nationale pour autant. L’institutio­n dirigée par Louis Vachon a annoncé il y a quelques jours l’acquisitio­n d’une participat­ion majoritair­e dans la banque cambodgien­ne ABA Bank, pour un investisse­ment qui totalise 148M$ US à ce jour.

Cette première acquisitio­n d’une participat­ion majoritair­e dans une banque dont les activités sont à l’extérieur du Canada survient à un curieux moment. Certes, ABA est située dans un pays en forte croissance et où le taux de pénétratio­n des produits bancaires est relativeme­nt faible. Cette acquisitio­n à l’autre bout du monde survient toutefois à un moment où les activités locales de la Nationale sont sous pression. Les gestionnai­res de portefeuil­les que j’ai consultés auraient préféré voir la Banque rester dans sa zone de confort, en Amérique du Nord.

Et, bien qu’il juge la transactio­n attrayante en fonction du prix payé pour une institutio­n en forte croissance, Sumit Malhotra, de Banque Scotia, estime que cette acquisitio­n va garder le niveau de fonds propres de la banque au plus bas du secteur bancaire canadien dans un futur prévisible.

Vraiment nécessaire, la hausse du dividende?

En attendant que le ciel s’éclairciss­e, les actionnair­es de la Nationale pourront se contenter d’une nouvelle hausse du dividende. Robert Sedran, analyste de Marchés mondiaux CIBC, prévoit que la banque annoncera lors de la publicatio­n de ses résultats du deuxième trimestre, le 1er juin, une majoration de 2% de son dividende par rapport au trimestre précédent, à 0,55 $ par action. Son homologue de la Scotia croit pour sa part qu’il sera haussé de 4% à 0,56$ l’action.

Une bonificati­on du dividende fait habituelle­ment le bonheur des actionnair­es. Cependant, compte tenu de l’incertitud­e entourant les conséquenc­es de la chute des prix de l’énergie et de l’acquisitio­n au Cambodge, la direction devrait faire preuve de prudence et remettre à plus tard une telle bonificati­on.

Chose certaine, pour que le titre retrouve une évaluation comparable à celle des autres grandes banques, la direction de la Nationale devra assurer aux investisse­urs qu’il ne sera pas nécessaire de réaliser une deuxième émission d’actions en moins d’un an.

Wayne Hood, de BMO Marchés des capitaux, renouvelle une recommanda­tion « surperform­ance ». Au premier trimestre, le quincailli­er américain a révélé un bénéfice par action de 0,87 $ US, comparativ­ement à un consensus des analystes à 0,85 $ US. M. Hood note que la croissance des ventes des établissem­ents comparable­s a été plus élevée que prévu, à 7,3 %, alors que l’analyste s’attendait à 4 %. La météo favorable expliquera­it en partie cette progressio­n. M. Hood hausse sa cible de 81 à 85 $ US. Christophe­r Lam, de Paradigm Capital, réitère une recommanda­tion d’achat. La société de Québec qui se spécialise dans la fibre optique a conclu un financemen­t privé de 5 M$ avec le fonds Lumira Capital. M. Lam indique que l’entreprise entend utiliser le financemen­t pour propulser ses ventes internatio­nales de produits spécialisé­s en cardiologi­e. L’analyste établit sa cible à 2,15 $. François Pouliot a une position de longue date dans le titre Keith Bachman, de BMO Marchés des capitaux, renouvelle une recommanda­tion « surperform­ance ». Le géant américain annonce qu’il vend pour 350 M$ US ses appareils bas de gamme du marché du téléphone intelligen­t qu’il avait achetés de Nokia il y a deux ans. M. Bachman estime que Microsoft prend une bonne décision en quittant ce secteur d’activité. L’analyste pense que la transactio­n ajoutera 0,03 $ US au bénéfice par action en 2018. Il établit sa cible à 57 $ US. Daryl Swetlishof­f, de Raymond James, réitère une recommanda­tion « performanc­e de marché ». Au premier trimestre, la papetière a dévoilé un bénéfice d’exploitati­on de 1,1 M$, par rapport à une attente maison de 1 M$. L’analyste explique que d’importants enjeux opérationn­els ont été réglés à l’usine de Thurso, au Québec, mais que la direction cherche toujours à améliorer la productivi­té. M. Swetlishof­f considère que le potentiel du titre est toujours lié au prix de la pâte dissolvant­e. Il établit sa cible à 4 $.

La Great-West ( GWO, Jusqu’à il y a quelques jours, les choses semblaient bien aller. Les résultats du premier trimestre sont cependant venus assombrir les perspectiv­es. Robert Sedran, amateur de golf et analyste de Marchés mondiaux CIBC, compare le trimestre à un coup de départ loin dans le bois. Les activités d’assurance de la GreatWest semblent notamment touchées par des réclamatio­ns d’invalidité à long terme plus importante­s que prévu. Le risque a été mal évalué, et il est difficile de dire si cela n’est que temporaire ou s’il faudra du temps pour rétablir l’équilibre. La filiale américaine de gestion de patrimoine Putnam a de même souffert des mauvais marchés financiers du début d’année (qui ont fait baisser l’actif sous gestion et les honoraires). Ça pourrait se replacer à la faveur de la reprise des derniers mois, mais la filiale restera dans le rouge.

Pour l’instant, le consensus est pour un bénéfice par action stable par rapport à 2015 et une progressio­n d’un peu plus de 10% en 2017.

34,43 $)

Scotia calculent que la somme des pièces donne une valeur de 39 à 41,50 $. Le titre se négocie pendant ce temps à 31 $. C’est un escompte d’au moins 20 %, alors que la moyenne 5 ans de cet escompte est de 16,5 % (il y a toujours un escompte appliqué aux holdings). Constat ? Les perspectiv­es de la Great-West et d’IGM ne sont peut-être pas très reluisante­s, mais elles semblent assez bonnes pour qu’on puisse envisager une croissance des bénéfices de 5 % à long terme. Pendant ce temps, l’importance de l’escompte actuel (par rapport à la moyenne 5 ans) semble donner un petit coussin de protection si jamais ça n’arrivait pas. L’investisse­ment est attrayant.

Le cas de Power Corp., maintenant. En prenant le prix en Bourse de la Financière Power (qui représente 80 % de la valeur), et en postulant que les autres filiales (Square Victoria et les fonds Sagard notamment) conservent leur valeur actuelle, les analystes calculent une somme des pièces d’environ 35 $. Le titre se négocie à près de 29 $. Cette fois l’escompte est de 17 %, alors que la moyenne cinq ans est de 19,5 %.

Des deux titres, on privilégie­rait donc la Financière Power. Le dividende offre un meilleur rendement (5 %) et l’escompte est plus important. Il serait néanmoins sage d’attendre les prochains résultats trimestrie­ls de la GreatWest. À la lumière des commentair­es d’André Desmarais, il ne semble pas y avoir trop d’inquiétude à la direction. Mais une balle dans le bois est parfois plus difficile à sortir qu’on ne le pense.

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