Les Affaires

LA MINISTRE ANGLADE VEUT STIMULER ENCORE LES EXPORTATIO­NS

- François Normand francois.normand@tc.tc @ francoisno­rmand

Afin de réussir au Canada et à l’étranger, les entreprise­s québécoise­s doivent devenir plus grandes, plus innovantes et plus productive­s pour décrocher des contrats, au premier chef dans l’aérospatia­le, affirme la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade.

En entretien avec Les Affaires avant le dévoilemen­t, le 30 mai, de la stratégie gouverneme­ntale de l’aérospatia­le (Québec injecte 250 millions de dollars sur cinq ans), la ministre a donné l’exemple de Sinters America et du Groupe DCM, deux fournisseu­rs québécois du secteur de l’aérospatia­le, qui ont annoncé leur fusion le 6 mai. « On a fusionné deux entreprise­s pour être en mesure de faire face au marché internatio­nal. C’est exactement ce qu’il faut faire dans l’aérospatia­le », souligne Mme Anglade.

Forte de cette acquisitio­n, Sinters America, qui fournit des services de conception et de production pour plusieurs fabricants d’équipement­s d’origine, a maintenant un carnet de commandes (notamment grâce à l’achat de DCM) qui compte des donneurs d’ordres comme Bombardier, Boeing et Airbus. La stratégie de l’aérospatia­le vise aussi à attirer d’autres équipement­iers, aux côtés de Bombardier, Bell Helicopter, CAE et Pratt & Whitney, les quatre piliers de l’industrie québécoise.

Interrogée à savoir si Québec pourrait investir davantage pour soutenir directemen­t Bombardier, la ministre Anglade souligne que son gouverneme­nt a déjà largement participé en investissa­nt 1,3 milliard de dollars dans la société en commandite du CSeries.

« Nous n’avons pas de plan pour investir davantage. Est-ce que cela veut dire qu’on pourrait trouver d’autres partenaire­s ? Peut-être », ditelle, en insistant sur le fait qu’Ottawa doit lui aussi investir pour soutenir Bombardier.

Stimuler encore les exportatio­ns

Le gouverneme­nt du Québec planche aussi sur une nouvelle stratégie sur les exportatio­ns, prévue cet automne.

Le contexte est plutôt favorable. En 2015, les exportatio­ns de marchandis­es du Québec ont atteint 82 G$, en hausse de 8,3 % par rapport à l’année précédente. C’est un record depuis 2006, selon l’Institut de la statistiqu­e du Québec.

La hausse la plus spectacula­ire touche les États-Unis, où nos expédition­s ont bondi de 12,3 %, à 59,4 G$. Par contre, elles traînent la patte dans l’Union européenne par rapport aux ni-

veaux de 2008, et elles ont légèrement reculé en Chine en 2015. « Nous sommes contents, évidemment, mais on ne peut pas se satisfaire de ces résultats. Il faut pousser davantage la machine », affirme Dominique Anglade.

L’un des axes de cette stratégie sera d’aider les petites entreprise­s à atteindre une taille suffisante pour pouvoir exporter. « Il faut que les petites entreprise­s soient capables d’aller à l’internatio­nal », dit-elle.

Les véhicules aériens, l’aluminium et les minerais sont les principaux produits exportés par le Québec. Ces trois secteurs bénéficien­t maintenant d’une stratégie propre, soit la stratégie de l’aérospatia­le, la stratégie de l’aluminium et le Plan Nord. Selon la ministre, la future stratégie sur les exportatio­ns et la stratégie maritime (publiée il y a un an) créeront un environnem­ent favorable pour aider les entreprise­s à exporter dans ces secteurs. Combler les lacunes en commercial­isation Pour percer à l’étranger, les entreprise­s devront être plus innovantes. Et, selon Dominique Anglade, cela ne nécessite pas nécessaire­ment davantage de R-D, mais plutôt de meilleurs processus pour appliquer les bonnes idées des laboratoir­es en usine. « C’est certaineme­nt la commercial­isation, le problème. C’est là que le bât blesse », dit Dominique Anglade.

Selon elle, le Québec a tout intérêt à s’inspirer du modèle allemand, où les entreprise­s et les université­s collaboren­t étroitemen­t pour innover, notamment dans le secteur automobile.

L’institut Fraunhofer, un leader mondial de la recherche appliquée, est aussi une source d’inspiratio­n pour la ministre. Le Fraunhofer réalise des mandats de recherche pour les gouverneme­nts et les entreprise­s, tant allemandes qu’étrangères. Il été fondé en 1949 par les pouvoirs publics, le milieu universita­ire et l’industrie. Ils voulaient en faire un outil pour relancer l’économie allemande en reconstruc­tion au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Accroître la productivi­té L’autre défi majeur sera d’accroître la productivi­té des entreprise­s qui veulent percer à l’internatio­nal. Et pour Dominique Anglade, cela passe par une meilleure formation de la main-d’oeuvre et de meilleures technologi­es. Or, la barre est haute, car le Québec – et, du reste, le Canada – fait pâle figure en matière de productivi­té.

En 2014, la productivi­té du travail au Québec correspond­ait à 56,20 $ l’heure, selon le bilan 2015 du Centre sur la productivi­té et la prospérité de HEC Montréal. Par contre, elle s’élevait à 75,33 $ aux États-Unis, à 80,62 $ en Irlande et à 84,74 $ en Belgique.

La productivi­té québécoise n’augmente pas rapidement. De 1981 à 2014, elle a progressé en moyenne de 1,02 % annuelleme­nt. À titre de comparaiso­n, celle de l’Irlande a bondi en moyenne de 3,43 % par an pendant ce temps.

Pourquoi le gouverneme­nt Couillard réussirait-il là où les précédents gouverneme­nts québécois ont échoué? Parce que Québec pose des gestes concrets, selon Dominique Anglade. Depuis trois ans, le gouverneme­nt a investi 1,4 G$ dans le secteur manufactur­ier, dont 200 M$ pour le manufactur­ier dit « innovant ». En avril, Québec a porté ce montant à 700 M$. « Il faut aussi mettre les moyens en place » pour stimuler la productivi­té, affirme la ministre.

Par contre, Mme Anglade admet que la faiblesse du dollar canadien – il a perdu 25 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis cinq ans – ne favorise pas l’achat de technologi­es à l’étranger, au premier chef aux États-Unis.

« On a raté un peu la période où le taux de change était à parité. Aujourd’hui, ce que je souhaite, c’est qu’on soit capable de se donner les moyens de faire des investisse­ments, même si le huard n’est pas à parité. »

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« Il faut que les petites entreprise­s soient capables d’aller à l’internatio­nal », insiste la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade.

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