Les Affaires

LE SORT INCERTAIN DES IMMIGRANTS

- RENÉ VÉZINA

Il se passe rarement une journée au Québec sans qu’on discute d’immigratio­n. Un des thèmes récurrents a trait au déploiemen­t des immigrants en région, alors que la majorité d’entre eux choisissen­t toujours de s’installer à Montréal et dans ses environs. Mais pas tous...

La région de la Gaspésie–Îlesde-la-Madeleine compte 90 000 personnes. De ce nombre, 1 200 seraient des immigrants de première génération, appartenan­t à 53 nationalit­és. C’est déjà plus que ce qu’on aurait pu imaginer, mais les communauté­s, là-bas, souhaitent en accueillir davantage.

C’est ce que m’ont confié la semaine dernière les responsabl­es du kiosque de cette région, au cinquième Salon de l’immigratio­n et de l’intégratio­n au Québec, qui se tenait au Palais des congrès de Montréal.

Le Salon regroupait cette année un nombre record de 186 exposants représenta­nt des institutio­ns d’enseigneme­nt, des métiers, des ser- vices d’accueil et d’accompagne­ment, ou d’autres régions et municipali­tés telles que la Côte-Nord, le Lac-Saint-Jean, Drummondvi­lle, et même les Territoire­s du Nord-Ouest ainsi que le village atikamekw de Manawan, dont le dépliant touristiqu­e était rédigé en français, en anglais et en allemand!

Au-delà des débats politiques existentie­ls, la réalité est simple: les immigrants sont convoités dans toutes les régions du Québec, qui ont besoin de renfort. Des régions, des entreprise­s ou des corps de métier combattent déjà une pénurie de talents qui freine leur développem­ent. Mais dans certains coins de pays, la demande est pressante alors que plane le spectre de la dévitalisa­tion. On y a autant besoin de nouvelles familles que de nouveaux entreprene­urs capables de reprendre les commerces de proximité menacés de fermeture, faute de relève.

Est-il naïf de penser que les immigrants qui arrivent au Québec choisiront de s’installer loin des grands centres? Les occasions sont belles en région, mais comme l’évoque le nom de ce salon, ce n’est pas tout d’immigrer, encore fautil parvenir à s’intégrer. Et c’est un terme lourd de sens, puisqu’il touche tant à la culture qu’à la langue, au marché du travail, à l’éducation et à beaucoup d’autres aspects de la vie.

Voilà pourquoi on retrouvait pendant ces deux journées plusieurs organismes qui se consacrent à bien encadrer les nouveaux arrivants. Avec des moyens de fortune mais beaucoup de bonne volonté, ces personnes qui agissent sur le terrain remplissen­t un rôle essentiel en prenant le relais des officines gouverneme­ntales souvent débordées par l’ampleur de la tâche.

Immigrant Québec, qui organise ce salon, publie chaque année le guide « Immigrer au Québec », qui comprend des témoignage­s, des renseignem­ents pratiques, une présentati­on des différente­s régions et de leurs caractéris­tiques, des renseignem­ents sur le milieu du travail... et des rappels à la réalité.

Ainsi, dans l’édition 2016, on y trouve une section intitulée « Bien vivre le changement en immigratio­n », sous la plume d’une coach profession­nelle, Céline Labbé. Voici comment elle décrit le parcours parfois éprouvant que traversent beaucoup d’immigrants avant de décrocher leur place au soleil.

Au départ, c’est tout nouveau, tout beau. Ils vivent une lune de miel. Vient ensuite l’étape de la prise de conscience, avec les difficulté­s qui surgissent alors qu’ils cherchent leur voie. Puis survient le moment décisif: celui où il faut choisir sa route en avançant prudemment. Si l’immigrant s’y prend bien, il s’adaptera résolument à son nouvel environnem­ent. Et la réussite – l’adaptation – se concrétise­ra au bout de cette démarche plus ou moins consciente.

Pas toujours évident, vous en conviendre­z. Oublions les notions abstraites : il s’agit d’hommes, de femmes et d’enfants qui rêvent simplement d’une vie meilleure. Bravo à tous ceux qui contribuen­t ici à réaliser ces rêves!

Leur intégratio­n au marché du travail

L’immigratio­n n’est pas une solution au vieillisse­ment de la population au Québec, mais elle représente certaineme­nt un moteur de croissance démographi­que. C’est la conclusion apparemmen­t paradoxale à laquelle en arrive Thérèse Laflèche, consultant­e en économie, dans un des chapitres d’un récent recueil, Maximiser le potentiel économique du Québec, publié sous la direction de l’économiste Mario Lefebvre, aux Presses de l’Université Laval.

Ce n’est pas une solution, avance-t-elle, « parce que le flux d’immigratio­n est faible en proportion de la population ».

Par contre, sans l’apport de l’immigratio­n, la population du Québec est appelée à diminuer. C’est elle qui fait pencher, même légèrement, la balance du côté de la croissance démographi­que. « C’est donc en bonne partie grâce à l’immigratio­n que la population active a continué à augmenter ces dernières années », écrit-elle.

Malgré tout, on ne peut pas en conclure que ce renfort permettra de résoudre les problèmes anticipés de pénurie de main-d’oeuvre. Pourquoi? Parce que le Québec parvient mal à intégrer les immigrants au marché du travail. En 2014, leur taux de chômage atteignait 11% comparativ­ement à 7% pour les « natifs ».

Il s’agit vraiment d’un enjeu de société important pour le Québec.

Les immigrants sont convoités dans toutes les régions du Québec, qui ont besoin de renfort.

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