Les Affaires

Un partage de loyer concluant

Harricana par Mariouche occupe certains locaux du Glacier Bilboquet pendant la saison froide.

- Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

Cela ne fait pas encore l’affaire des gestionnai­res immobilier­s commerciau­x qui y voient des pertes de loyer. Ni celle de certaines villes qui aiment faire des chichis avec leurs règlements. N’empêche que l’économie du partage s’invite dans le commerce de détail. La collaborat­ion entre l’entreprise Harricana par Mariouche et Le Glacier Bilboquet, au cours de l’hiver dernier, en est un bel exemple.

De novembre 2015 à février 2016, les vêtements et articles de fourrure recyclée signés Harricana par Mariouche ont remplacé cornets et boules parfumées dans trois des six commerces de crème glacée Le Glacier Bilboquet (Quartier Dix30, Outremont et Westmount). Des commerces habituelle­ment fermés pendant l’hiver.

« En quatre mois, j’ai réalisé autant de revenus avec ces trois magasins qu’en une seule année dans mon ancienne boutique du Vieux-Québec », souligne Mariouche Gagné, propriétai­re et fondatrice d’Harricana par Mariouche, lors de la conférence « Réinventer son entreprise », présentée au cours de l’événement Femmes Leaders du Groupe Les Affaires.

Comment est née cette collaborat­ion entre les deux commerces ? Membre du Cercle Omer DeSerres, qui réunit des gens d’affaires de Montréal, Mariouche Gagné y a rencontré l’été dernier Pierre Morin, propriétai­re des boutiques Le Glacier Bilboquet.

« M. Morin, lui a-t-elle dit, vous avez des localisati­ons extraordin­aires que je ne pourrai jamais m’offrir à l’année. Pourtant, vous fermez vos boutiques pendant l’hiver, des mois durant lesquels je pourrais y vendre mes fourrures. Et si je vous en louais quelques-unes, de novembre à février ? »

Un concept qui a fait réfléchir Pierre Morin. « Au fil des ans, j’avais essayé plusieurs formules pour maximiser les mois d’hiver. J’en étais venu à la conclusion que le plus rentable était de fermer mes portes. Mais voilà que Mariouche Gagné me proposait de payer le loyer et les autres frais pendant l’hiver. Une expérience qui s’est avérée très concluante », rapporte-t-il.

Cette collaborat­ion envoie un message d’espoir aux autres détaillant­s. « Parlez-vous ! Voyez ce que vous pouvez faire ensemble ! Ce partage de locaux entre des partenaire­s complément­aires pourrait constituer une solution pour contrer certaines difficulté­s que traverse l’industrie du détail », insiste Pierre Morin.

Ces boutiques éphémères ont également donné du travail à une dizaine d’employés du Bilboquet. « Je n’ai pas eu besoin de recruter des vendeurs. On a fait venir les employés des boutiques concernées à la société mère pour qu’ils visitent notre atelier, et qu’ils se familiaris­ent avec notre histoire et nos produits », dit Mariouche Gagné.

Restructur­ation du modèle de vente

Au bout du compte, la femme d’affaires a économisé une centaine de milliers de dollars en loyer. Compte tenu des résultats obtenus, elle souhaite développer davantage de ces boutiques éphémères. Une solution qu’elle prend sérieuseme­nt en considérat­ion pour s’attaquer au marché de Toronto.

« J’ai tenté l’expérience à deux reprises dans des clubs de tennis privés torontois. Mais ça n’a duré que quelques jours. Ce n’est pas suffisant. Pour que mes produits profitent pleinement de ce concept, la boutique éphémère doit rester ouverte au moins un mois, voire deux à la même adresse », soutient l’entreprene­ure.

Cela coïncide avec une restructur­ation du modèle de vente de la PME montréalai­se, fondée en 1994. Après 14 ans passés à l’angle des rues Saint-Antoine et Atwater, le siège social d’Harricana par Mariouche vient d’emménager dans un loft du Complexe Dompark, rue Saint-Patrick, à Montréal. Ce déménageme­nt dans un local deux fois plus petit permet d’accueillir l’atelier… et de relocalise­r la boutique au 416, rue McGill, dans le Vieux-Montréal. « Un lieu qui sera beaucoup plus passant que notre ancienne adresse », ajoute Mariouche Gagné.

Ne craint-elle pas de répéter l’expérience du Vieux-Québec, une boutique fermée en 2011 faute de clients l’hiver ? « Pas du tout », répondelle, en précisant qu’il y a une énorme différence entre Montréal et Québec. « Les Montréalai­s habitent le Vieux-Montréal. Ils mangent et magasinent dans ce quartier, ce qui n’était pas le cas à Québec. »

Présente dans plus d’une centaine de points de vente en Amérique du Nord, y compris dans des boutiques situées dans des stations de ski à Stowe, au Vermont, et à Aspen, au Colorado, Mariouche Gagné compte aussi peaufiner son site Web au cours des prochaines semaines.

« On oublie facilement que le site Internet représente une boutique en soi. Il faut s’en occuper, le rendre attrayant comme on le ferait pour nos produits sur des étagères », indique celle qui est consciente de prendre souvent des risques pour son entreprise. « Je n’ai jamais eu peur en affaires. J’ai toujours tendance à ne voir que le côté positif de mes projets, ce qui augmente le risque de faire des gaffes », dit-elle. Raison pour laquelle elle s’entoure aujourd’hui de gens plus analytique­s, qui l’aident à prendre le temps d’évaluer les bons et les mauvais côtés de ses idées. « Des gens, conclut-elle, qui m’apportent le brin de sagesse dont j’ai besoin. »

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« Je n’ai jamais eu peur en affaires. J’ai toujours tendance à ne voir que le côté positif de mes projets, ce qui augmente le risque de faire des gaffes », a expliqué Mariouche Gagné, propriétai­re d’Harricana par Mariouche.

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