Les Affaires

Potloc, un ingrédient pour durer

- Martine Roux redactionl­esaffaires@tc.tc

En septembre 2014, quand le Café Sfouf a ouvert ses portes dans le quartier Centre-Sud, à Montréal, peu de gens auraient parié leur chemise sur sa réussite: les cafés, ce n’est pas ce qui manque dans le secteur.

Pourtant, c’est bien ce type de commerce que réclamaien­t les citoyens du quartier pour le local situé à l’angle des rues Ontario et Beaudry, vacant depuis 10 ans à l’époque. Par l’intermédia­ire de Potloc – cette plateforme qui invite les citoyens à voter pour le commerce qu’ils souhaitent voir s’installer dans leur quartier –, ils ont choisi le café de leurs rêves : un endroit accueillan­t à la fois les enfants et les travailleu­rs itinérants, bonne bouffe en prime.

Un an après son ouverture, le Café Sfouf était rentable, affirme sa propriétai­re, Gaby Kassas. Et aujourd’hui, les clients viennent de partout en ville pour y casser la croûte.

Au Québec, environ un commerce de détail sur trois survit au-delà de cinq ans. La recette de Potloc – ouvrir le bon commerce au bon endroit, en mettant en relation les futurs commerçant­s et leurs clients potentiels – peut-elle contribuer à augmenter cette espérance de vie?

L’entreprise, qui n’a que deux ans au compteur, n’en a pas encore fait la preuve. « L’heure n’est pas au bilan, mais à la croissance », dit Rodolph Barrere, chef de la direction et cofon- dateur de Potloc. Mais jusqu’ici, des 12 commerces lancés à l’issue d’une campagne Potloc, un seul a fermé ses portes, dit-il. « Pour des raisons familiales », ajoute-t-il.

« Jusqu’ici, le succès de Potloc démontre un réel besoin pour une offre commercial­e personnali­sée et ultralocal­e. Dans un commerce de proximité, on achète non seulement un produit, mais aussi un environnem­ent et des valeurs. Le phénomène Potloc permet une cohérence entre la culture et les valeurs du commerçant et de la clientèle d’un quartier », dit Luis Cisneros Martinez, professeur au Départemen­t d’entreprene­uriat et innovation de HEC Montréal.

Qu’advient-il de cette bonne vieille étude de marché, la traditionn­elle bible du nouveau marchand? Bien que toujours valable, l’outil ne permet pas d’interagir avec les futurs clients, poursuit Luis Cisneros Martinez.

« Les consommate­urs sondés dans le cadre d’une étude de marché jouent un rôle passif, dit-il. Alors qu’en leur demandant directemen­t quel commerce ils souhaitent pour leur quartier, Potloc les plonge dans un rôle beaucoup plus actif. Mon postulat, c’est qu’ils sont ainsi plus engagés et seront plus enclins à encourager ce commerce par la suite. »

L’emplacemen­t avant le local

Dans le commerce de détail, une faillite sur deux est due au choix d’une mauvaise localisati­on, selon Rodolphe Barrere. « Plusieurs nouveaux commerçant­s choisissen­t un local plutôt qu’un emplacemen­t, alors que c’est le contraire qu’il faut faire. » Pourtant, ils investisse­nt souvent toutes leurs économies dans leur commerce, dit-il. « Un mauvais local, vous pouvez toujours l’aménager. Pas un mauvais emplacemen­t. »

Lors d’une campagne Potloc, les futurs commerçant­s reçoivent une série de données afin de mesurer l’intérêt des résidents d’un ou de plusieurs quartiers.

Par exemple, pour déterminer l’emplacemen­t parfait pour son projet Belém, un studio de yoga doublé d’un café végétalien, Stéphanie Karam se sert des cartes interactiv­es localisant ses quelque 900 supporters Potloc. Une mine d’or qui la détournera d’un mauvais choix d’emplacemen­t, dit cette avocate de 26 ans. « Je ne priorisais pas les bons secteurs au départ. Maintenant, je peux voir où il y a le plus d’engouement pour mon projet, rue par rue. »

En permettant aux commerçant­s de se constituer une base de clientèle, Potloc augmente leurs chances de réussite, croit Estelle Aubert, copropriét­aire de Brimbelle. Cette épicerie fine a ouvert ses portes en décembre dernier, à proximité du marché Jean-Talon. Débarqués de France à peine six mois plus tôt, son conjoint et elle partaient de zéro pour bâtir leur commerce, et l’expérience Potloc a été déterminan­te, dit-elle. « Notre communauté de supporters s’est transformé­e en clients fidèles. Ça a été très porteur, d’autant que les premiers mois sont difficiles… »

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