Les Affaires

« La reprise ne se produira pas sans réduction des inégalités »

– Michael Pettis,

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – Vous affirmez qu’un niveau d’investisse­ment trop élevé peut nuire à une économie. Pourquoi? MICHAEL PETTIS

– Si le niveau d’investisse­ment dans une économie est insuffisan­t, cela nuit à la croissance. Mais s’il se révèle trop élevé, vous entrez dans une zone d’investisse­ments improducti­fs.

D.B. – En quoi la Chine illustre-t-elle cette réalité? M.P.

– En 1980, lorsque la Chine s’est ouverte à l’économie de marché, elle avait cruellemen­t besoin d’investisse­ment. C’était essentiel à sa croissance. Son système d’allocation et de gestion des investisse­ments n’était pas très sophistiqu­é. Ce n’a pas été un problème, car la Chine avait besoin de tout. Pendant 15 ans, elle a attiré beaucoup d’investisse­ments étrangers, dont la plupart ont été productifs. Au milieu des années 1990, le pays a atteint un niveau optimal d’investisse­ment. On a alors commencé à construire des immeubles qui sont restés vides, des autoroutes à huit voies et des ponts ne menant nulle part. Les économies émergentes ne savent pas comment utiliser l’investisse­ment. Celui-ci atteint rapidement un niveau inefficace, car il lui manque un encadremen­t légal et une culture d’affaires adéquate. Bref, un niveau de sophistica­tion suffisant pour rentabilis­er ces fonds.

D.B. – Un niveau élevé d’épargne est une bonne chose pour un ménage, mais pas pour une économie. Expliquez-nous. M.P.

– Une économie saine repose sur la consommati­on et l’épargne, à parts égales. En ce moment, l’Europe, par exemple, fait face à un problème de demande. Il faut augmenter la consommati­on. Mais pas de manière illusoire comme cela se fait depuis une décennie, c’est-à-dire en augmentant le niveau d’endettemen­t.

D.B. – Pourquoi la croissance des inégalités est-elle une source d’investisse­ments improducti­fs et de bulles spéculativ­es? M.P.

– Les riches épargnent plus que les pauvres. Plus les riches s’enrichisse­nt, plus le niveau d’épargne d’une société augmente. On atteint un niveau où les riches ne trouvent plus d’investisse­ments productifs vers lesquels diriger leur épargne. Ils la dirigent donc vers des investisse­ments improducti­fs. Les entrepôts débordent alors de stocks excédentai­res, et les villes comptent de nombreuses tours désertes.

D.B. – On parle beaucoup de la croissance des inégalités en Occident. Pourquoi la Chine vous inquiète-t-elle particuliè­rement? M.P.

– Partout dans le monde, on assiste à la croissance de deux formes d’inégalités. D’abord, la plus connue, celle entre les pays riches et les pays pauvres, et entre les citoyens d’un même pays. On parle moins du fossé existant entre, d’une part, le gouverneme­nt et les entreprise­s et, de l’autre, les ménages. Cet écart est flagrant en Chine. L’État et les entreprise­s captent une grande partie de la richesse au détriment des citoyens. Or, l’État et les entreprise­s dépensent peu. Ce sont les consommate­urs qui constituen­t le moteur de l’économie. En moyenne, la consommati­on des ménages est responsabl­e de 55 à 60% du PIB. Aux États-Unis, ce niveau grimpe à 72%. En Chine, il atteint à peine 40%. Le gouverneme­nt de Pékin répète depuis des années qu’il veut rééquilibr­er son économie pour miser davantage sur la demande intérieure. Ce n’est pas fait. Il faudra compter 10 ans.

D.B. – La Chine est très endettée, comment va-t-elle s’en sortir? M.P.

– Aux États-Unis et au Canada, quand l’endettemen­t est trop élevé, on finance les banques, et ce sont les consommate­urs qui ramassent la facture. Comme nous en avons discuté précédemme­nt, la Chine ne peut pas faire porter ce fardeau à ses consommate­urs. Ils n’en ont pas les moyens. Il y a une solution: vendre les sociétés d’État pour récupérer des fonds et réduire la dette gouverneme­ntale. Ce sera difficile à implanter. Les gouverneme­nts et les fonctionna­ires résisteron­t, car ils tirent profit de ces entreprise­s.

D.B. – Vous entrevoyez une croissance annuelle moyenne de 3% pour la Chine jusqu’en 2023. C’est peu... M.P.

– En effet, la croissance de l’économie chinoise a ralenti et continuera de ralentir. Certains y gagneront. La Chine diminuera sa production, ce qui amenuisera la concurrenc­e pour certains produits. Par contre, la Chine réduira aussi sa demande de matières premières. Les exportateu­rs de ressources naturelles, comme le Canada, souffriron­t.

D.B. – Êtes-vous optimiste ou pessimiste par rapport à l’économie chinoise? M.P.

– Il faudra se montrer patient. En décembre 2015, le gouverneme­nt a annoncé une nouvelle ronde de réformes. Il a d’abord affirmé que les réformes précédente­s avaient été une réussite. Puis, il a poursuivi en informant que la nouvelle ronde suivrait une stratégie différente. On passe d’une stratégie de la demande à une stratégie de l’offre. Voilà des années que l’on place le consommate­ur au coeur de la croissance, en affirmant que la demande interne remplacera progressiv­ement les investisse­ments étrangers et les exportatio­ns. Depuis décembre dernier, le gouverneme­nt prône des politiques économique­s basées sur l’offre. On mise sur l’efficacité des marchés et des entreprise­s pour stimuler la croissance. Il y a lieu d’être perplexe. Connaissez-vous de nombreux gouverneme­nts qui changent une stratégie gagnante? Je reste toutefois optimiste quant à la lucidité du gouverneme­nt chinois. Au début de mai, ses dirigeants ont admis au quotidien People’s Daily que le niveau d’endettemen­t du pays posait problème. C’est la première fois que Pékin le dit aussi ouvertemen­t.

D.B. – Parlons d’une autre économie importante, l’Allemagne. Ce n’est pas un aussi bon élève qu’on le dit... M.P.

– L’Allemagne triche au jeu du commerce internatio­nal. Depuis la réforme Hartz du travail, en 2003, elle limite la croissance de ses salaires. Cela lui donne un avantage indu à l’exportatio­n. Sans compter que les pays voisins, dont l’Espagne, ont été forcés de limiter les ajustement­s salariaux aussi. En même temps, les Allemands ont inondé les pays voisins de leur surplus bon marché jusqu’à les mener en banquerout­e. L’Allemagne a amorcé une course descendant­e. Elle a réduit le pouvoir d’achat de ses citoyens pour vendre ses produits moins cher. Elle a forcé les autres pays à restreindr­e le pouvoir d’achat de leurs citoyens. Bref, la tarte diminue pour tous. Mais, comme meneuse du jeu, l’Allemagne s’en tire avec une plus grosse part de ce qui reste. Il faut que cela cesse. Nous avons été beaucoup trop tolérants avec l’Allemagne, par crainte qu’elle ne se rapproche de la Russie. Qu’elle s’en rapproche, on s’en fiche! Les Russes sont en faillite !

D.B. – Vous détestez Donald Trump, mais il joue un rôle important. Expliquez-nous. M.P.

– La montée de Trump nous force à regarder la réalité en face: la croissance des inégalités atteint un niveau insoutenab­le. Trump exploite le rasle-bol de la classe moyenne laisséepou­r-compte. La classe moyenne a raison: pas de croissance possible sans redistribu­tion des revenus. La reprise passe par le retour de la consommati­on et de l’investisse­ment, à parts égales. Cela ne se produira pas sans réduction des inégalités.

L’incubateur-accélérate­ur technologi­que Le Camp, lancé il y a un an dans des locaux transitoir­es, vient d’inaugurer ses nouveaux bureaux permanents dans le quartier Saint-Roch, à Québec. Le Camp vise à procurer aux entreprene­urs du secteur des technologi­es un lieu de travail stimulant et à leur donner un coup de main pour démarrer leurs projets. Le Camp a emménagé dans des locaux de 10000 pieds carrés offrant 12 bureaux fermés, 24 espaces de travail collaborat­if et plusieurs salles de réunion et d’événements. Depuis son ouverture en mars 2015, plus de 50 entreprene­urs ont bénéficié des trois programmes d’accélérati­on en entreprene­uriat, et 24 entreprise­s et organisati­ons ont occupé des espaces de travail. La Ville de Québec injecte 2,1 M$ sur cinq ans pour l’incubateur-accélérate­ur. « Le Camp offre plus que jamais aux start-up technologi­ques un espace ouvert, vibrant et animé où grandissen­t les idées et naissent les succès d’affaires », affirme Carl Viel, pdg de Québec Internatio­nal.

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