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LE PORTEFEUIL­LE DE LUC GIRARD

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Keith Farrant mentionne d’emblée que la compositio­n habituelle des portefeuil­les chez Claret regroupe de 50 à 75 titres. La firme utilise une approche ascendante fondée sur l’analyse fondamenta­le. « Nous ne faisons pas d’analyse macroécono­mique, nous ne misons pas d’ordinaire sur des secteurs d’activité en particulie­r et nous n’essayons pas non plus de prédire les mouvements des marchés. »

Pour les besoins de l’exercice, l’analyste sénior a arrêté son choix sur 13 titres de sociétés ayant une répartitio­n égale. « Nous pensons que ces entreprise­s permettron­t d’offrir, au cours des cinq prochaines années, des rendements supérieurs ajustés au risque. » Le portefeuil­le qu’il propose se compose de 7 titres canadiens, 6 titres américains et d’une société européenne dont l’action se négocie à la Bourse américaine. Un mélange de titres de petites, de moyennes et de grandes capitalisa­tions, duquel se dégage un penchant pour les titres des secteurs de la pharmaceut­ique, de l’ingénierie et de la constructi­on.

Selon lui, le climat négatif qui prévaut aux États-Unis à l’égard de l’industrie pharmaceut­ique, alimenté notamment par des déclaratio­ns défavorabl­es de la candidate aux primaires présidenti­elles du Parti démocrate, Hillary Clinton, a contribué à faire chuter le cours de l’action de nombreuses entreprise­s du secteur, des entreprise­s qui ont pourtant un fort potentiel de croissance. De manière un peu anticonfor­miste, il recommande ainsi trois titres du secteur, dont celui de Mallinckro­dt ( MNK, 65,11$ US), une société pharmaceut­ique située en Irlande et à St. Louis (au Missouri) qui se négocie selon lui à moins de sept fois ses bénéfices de cette année. « Elle a été emportée dans la tourmente médiatique causée par les pratiques commercial­es et comptables de Valeant. Son modèle d’entreprise est pourtant différent, et ses états financiers, irréprocha­bles. »

S’il ne fait pas dans l’analyse macroécono­mique, le gestionnai­re de portefeuil­le ne peut cependant faire fi des investisse­ments massifs en infrastruc­tures annoncés par le gouverne- ment fédéral lors du dernier budget, qui projette des investisse­ments de 120 milliards de dollars sur 10 ans. « Des firmes d’ingénierie établies comme SNC-Lavalin et WSP Global, ainsi que le groupe de constructi­on North American d’Alberta, profiteron­t assurément de ces investisse­ments. »

M. Farrant croit que les années difficiles et les déboires de la firme montréalai­se SNC-Lavalin sont derrière elle. À son cours actuel, l’action de la firme d’ingénierie est d’après lui sousévalué­e et presque exempte de downside (risque de baisse de valeur). « Si l’on tient compte des liquidités de SNC-Lavalin et de la valeur de son actif dans l’autoroute 407 en Ontario, on a un titre qui se négocie à des multiples intéressan­ts, de 5 à 6 fois son BAII [bénéfice avant intérêts et impôts]. »

Le gestionnai­re de portefeuil­le voit aussi d’un bon oeil la réorganisa­tion du secteur infrastruc­ture et constructi­on, et estime que SNC devrait pouvoir profiter du rebond du pétrole. « Peu avant la débâcle de l’or noir, elle avait fait l’acquisitio­n de Kentz, dont les perspectiv­es de développem­ent sont intéressan­tes. » Cette entreprise mondiale de plus de 15 000 employés fournit, entre autres, des services d’ingénierie à des clients du secteur pétrolier et gazier.

La société manitobain­e AG Growth Internatio­nal fait toujours figure de titre chouchou pour celui qui l’avait déjà suggéré par le passé comme titre canadien à dividende ayant un bon potentiel de croissance. « Le titre a connu une période difficile depuis quelques années, reconnaît M. Farrant. Ce type d’entreprise évolue dans un secteur très sensible aux conditions météorolog­iques. » L’entreprise de Winnipeg est un leader dans la production d’équipement agricole. Il a confiance que l’entreprise réussira sa percée sur le marché brésilien. « Nous croyons qu’un cycle nouveau, plus spécialeme­nt à l’égard des fermiers, accroîtra la demande et les ventes au cours des prochaines années. » Il signale que le titre s’accompagne d’un dividende annuel attrayant de 2,40$, qui offre un rendement de plus de 6%.

Luc Girard suggère un portefeuil­le aux allures hybrides, composé à la fois de fonds communs de placement et de titres individuel­s. « Nous avons beaucoup travaillé avec les fonds négociés en Bourse par le passé. Mais avec un tel marché haussier – le deuxième dans l’histoire pour ce qui est de la longueur – on préfère être prudent et confier une partie du portefeuil­le à des gestionnai­res aguerris qui pourront y aller d’une gestion plus active. »

La philosophi­e de son équipe de placement est simple: « On préfère frapper des coups sûrs à chercher les coups de circuit. On focalise donc sur des sociétés solides de grande capitalisa­tion, avec de bons fonds autogénéré­s libres qui vont soutenir le dividende et le faire croître ». Pour repérer les titres prometteur­s, l’équipe fait appel à une triple stratégie qu’il a développée et qui allie l’analyse fondamenta­le, l’analyse quantitati­ve et l’analyse technique. Si, au terme de ce processus, le titre passe le test d’au moins deux des trois analyses, il est retenu comme achat. Il formera ainsi le « coeur ou le satellite » du portefeuil­le de placement. Inversemen­t, précise Luc Girard, « si l’analyse est négative, il y a alors vente du titre ».

Le coeur du présent portefeuil­le, soit 40%, est bâti autour de deux fonds communs de placement issus de Manuvie et de Fidelity. « Le fonds Étoile du Nord offre une excellente diversific­ation à l’internatio­nal, puisque les gestionnai­res n’ont aucune restrictio­n quant aux pays, aux secteurs et à la capitalisa­tion boursière. Ce fonds est géré par deux gestionnai­res de renom. » M. Girard précise aussi que ce fonds de Fidelity étant en devise neutre, il est protégé contre le risque de la devise. « Le fonds possède beaucoup d’encaisse, soit 48% de l’actif sous gestion, ce qui rejoint notre position de prudence par rapport à l’essoufflem­ent du marché. » Le ratio de frais de gestion du fonds est de 1,19%.

La moitié du coeur, soit 20%, est confié au fonds Mawer Manuvie Actions mondiales. « Les gestionnai­res [Paul Moroz et Jim Hall] recherchen­t des sociétés d’envergure mondiale qui sont relativeme­nt peu connues, mais qui occupent une position dominante dans leur marché », précise le gestionnai­re de portefeuil­le de Desjardins. Axé sur l’internatio­nal à 41%, principale­ment l’Europe et l’Asie, et sur le marché américain à plus de 47%, le fonds offre également une pondératio­n sectoriell­e très diversifié­e. Son ratio de frais de gestion est de 1,23%.

La portion de titres individuel­s constitue 60% du portefeuil­le. Elle est composée de cinq titres américains, des poids lourds bien connus, dont le géant technologi­que Apple, la multinatio­nale de divertisse­ment Disney et AT&T, le plus grand fournisseu­r en télécommun­ications des États-Unis. Les sept titres canadiens proposés représente­nt aussi des entreprise­s établies au pays, au nombre desquels on retrouve TransForce, Canadien Pacifique et Weston. « Ce sont des titres diversifié­s, tant du point de vue sectoriel que géographiq­ue, qui offrent de bons dividendes », souligne M. Girard.

Même l’équipe de Luc Girard ne cherche pas les coups de circuit, le titre de Rona s’est avéré un choix judicieux. Pour remplacer l’ancien fleuron québécois qui a fait l’objet d’une prise de contrôle, elle a jeté son dévolu sur Fortis, une société de services aux collectivi­tés qui fournit du gaz naturel et de l’électricit­é. M. Girard rappelle que Fortis détient des actifs totalisant 29 milliards de dollars et qu’elle a généré des revenus de 6,7 G$ en 2015. Il aime la stabilité et la prévisibil­ité de ses revenus. « 96% des revenus proviennen­t d’une industrie réglementé­e. Seulement 33% de ses fonds autogénéré­s sont utilisés pour verser le dividende aux actionnair­es, ce qui lui permet d’utiliser le reste pour stimuler sa croissance interne et réaliser des acquisitio­ns. » Il voit aussi favorablem­ent la récente acquisitio­n de la société américaine ITC Holdings. « Elle permettra au titre de se négocier à la Bourse de New York et d’élever l’entreprise au 15e rang des sociétés de services aux collectivi­tés les plus importante­s en Amérique du Nord. »

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Luc Girard, gestionnai­re de portefeuil­le, gestion de patrimoine chez Valeurs mobilières Desjardins

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