Les Affaires

Rendre plus dynamique le secteur de l’aluminium

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

Le constructe­ur Tesla remporte en ce moment un succès mondial grâce à ses automobile­s électrique­s performant­es et bien conçues, c’est maintenant bien connu. Ce qui l’est moins, c’est qu’une partie du mérite revient à une entreprise de l’Estrie, Verbom, qui construit une partie de la carrosseri­e des Tesla, en aluminium.

C’est là une réussite remarquabl­e, mais Verbom n’est pas seule en son genre. Dans les faits, les transforma­teurs québécois se font maintenant valoir dans toutes sortes de domaines. Mais lorsqu’il est question d’aluminium, on s’arrête trop souvent aux multinatio­nales et à la production primaire.

Pourtant, on n’a jamais compté autant d’entreprise­s actives dans le secteur de la transforma­tion de l’aluminium au Québec. AluQuébec, l’organisati­on au coeur de cet écosystème qui englobe les producteur­s et les transforma­teurs, dénombre 8 aluminerie­s et... 1 400 transforma­teurs dans la province! S’il y a un domaine où la fameuse transforma­tion des ressources dont on rêve tant chez nous s’est imposée au cours des dernières années, c’est de ce côté qu’il faut regarder. C’est là une véritable grappe, encore qu’on pourrait la fortifier.

Mais revenons à Verbom, qui possède un bureau à Sherbrooke et surtout, 140 employés à son usine de Valcourt, où on travaille entre autres sur les Tesla. En 2014, l’entreprise a obtenu le contrat de fabricatio­n de la partie arrière des Tesla X: en aluminium, question de légèreté et aussi de durabilité grâce à tous les nouveaux alliages qui ont été mis au point au fil des ans. On y produit 800 sections de voitures par semaine, ce qui est déjà substantie­l, et en raison de la popularité grandissan­te du modèle et de ceux qui pourraient suivre, la PME des Cantonsde-l’Est est sur une belle lancée.

« Ils y travaillen­t avec de l’aluminium québécois? » ai-je naturellem­ent demandé à Jean-Luc Trahan, pdg de AluQuébec.

« Là n’est pas la question centrale », m’a-t-il répondu, en m’expliquant la stratégie que son organisati­on et lui sont en train de mettre en place. C’est vrai, l’aluminium s’est imposé comme une des forces de l’économie québécoise parce que l’électricit­é joue un rôle clé dans sa production. C’est l’intrant le plus coûteux, plus coûteux même que la matière première, la bauxite. Or, le Québec profite depuis longtemps de cet avantage incomparab­le qu’est l’hydroélect­ricité produite à coût avantageux du fait de nos immenses ressources hydrauliqu­es.

De grandes entreprise­s ont donc jugé approprié de s’installer ici pour en tirer parti. On parlait à l’époque de Reynolds, d’Alcan et de Péchiney ; on parle maintenant d’Alcoa, de Rio Tinto et du consortium internatio­nal qui possède le complexe Alouette, à Sept-Îles.

Un modèle semblable à celui de l’aérospatia­le

Entre-temps, des centres de recherche ont émergé, notamment au Saguenay, et on s’est mis à entrevoir tout le potentiel de l’aluminium. Des recherches croisées ont été effectuées, qui ont notamment permis la naissance des vélos Devinci, à Saguenay, à la suite d’une collaborat­ion avec l’Université de Sherbrooke. Devinci a également fabriqué de nombreux vélos en libre-service, dont les Bixi montréalai­s.

En d’autres mots, on a appris à « domestique­r l’aluminium ». N’importe quelle sorte d’aluminium, venu de Chine ou d’ici, ce qui a permis l’éclosion de centaines de PME plus imaginativ­es les unes que les autres.

Les festivals sont nombreux dans le monde, et vous ne saviez probableme­nt pas qu’au moins deux entreprise­s québécoise­s proposent des scènes démontable­s en aluminium, qui présentent notamment l’avantage d’être plus légères : Stageline, de L’Assomption, et Unisson Structures, de Saint-Roch-l’Achigan.

À partir du moment où le châssis du véhicule le plus vendu en Amérique du Nord, le Ford F-150, est en aluminium, le champ est grand ouvert. Pourquoi ne pas en multiplier les applicatio­ns?

Cependant, pour consolider la grappe québécoise de l’aluminium, pour en faire véritablem­ent une filière intégrée, il convient de raffermir tous les raisins. Surtout ceux qui touchent à la deuxième transforma­tion. Et c’est ce à quoi s’active AluQuébec.

Admettons que vous fabriquez des produits finis en aluminium. Vous ne pouvez pas débarquer dans des aluminerie­s du Québec en demandant quelques feuilles et quelques billettes… Elles n’en produisent pas. Leur métier, c’est le gros volume de base, les lingots. N’apportez pas votre brouette, elles ne sauront pas la remplir.

Ce sont les entreprise­s de deuxième transforma­tion, les laminoirs, les fonderies et autres qui agissent comme intermédia­ires. Elles offrent aux PME le matériau dont elles peuvent se servir. Et c’est à cet échelon que nous devons nous renforcer, insiste Jean–Luc Trahan, pour rendre encore plus dynamique la grappe québécoise de l’aluminium.

Nous savons produire. Nous savons arriver avec des produits finis. Mais entre les deux, il faut un lien.

Pour la grappe stratégiqu­e de l’aérospatia­le, le gouverneme­nt vient de mettre l’accent sur les fournisseu­rs dits de « Rang 1 », juste au-dessous des Bombardier de ce monde, capables d’aller chercher des contrats partout pour les trains d’atterrissa­ge ou autres fonctions essentiell­es, et en mesure de d’octroyer à leur tour des contrats aux PME d’ici.

Pourquoi ne pas continuer dans cette voie? Celle de l’aluminium est aussi en train de s’imposer chez nous, et elle pourrait contribuer encore davantage à la prospérité du Québec si on sait l’appuyer dans son cheminemen­t.

Lorsqu’il est question d’aluminium, on s’arrête trop souvent aux multinatio­nales et à la production primaire.

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