Les Affaires

« Ce n’est pas tant la destinatio­n qui importe que le parcours »

Mario Barbaresso revient au Québec en courant, parce qu’il trouve ici un milieu plus accueillan­t et encouragea­nt.

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | @@ vezinar

Ily a de ces histoires qui nous font croire que tout ne va pas si mal au Québec.

Celle de Mario Barbaresso, par exemple. Elle est franchemen­t inspirante, tout comme l’est son attachemen­t pour le Québec où il vient de revenir après avoir passé une vingtaine d’années en Angleterre et aux États-Unis. La passion entreprene­uriale qu’il y a développée sera maintenant mise à contributi­on chez Power Survey, une PME montréalai­se dont il est le président et pour laquelle il a de grandes ambitions.

C’est d’abord sa trajectoir­e inhabituel­le et les circonstan­ces de son retour au Québec qui rendent son histoire captivante.

En deux mots: voici un Québécois francophon­e d’origine italienne, né à Murdochvil­le, en Gaspésie, qui revient au Québec après une carrière internatio­nale pour diriger une entreprise de haute technologi­e. Du coup, il maintient ici le centre de décision de cette PME qui aurait fort bien pu être achetée par des étrangers. Et Mario Barbaresso revient au Québec en courant, parce qu’il trouve ici un milieu plus accueillan­t et encouragea­nt, dit-il, pour les entreprene­urs comme lui. Rien de moins!

En 1958, ses parents ont troqué une petite ville près de Venise pour Murdochvil­le. L’Italie se remettait encore péniblemen­t de la Deuxième Guerre mondiale. Le père de Mario, Antonio, ouvrier en constructi­on, avait appris de son frère déjà en place à Murdochvil­le que la mine de cuivre, alors en activité, avait besoin de renfort.

La famille a donc troqué les abords de la mer Adriatique pour les montagnes de la Gaspésie et la ville minière de Murdochvil­le. Imaginez le dépaysemen­t…

C’est là qu’est né Mario Barbaresso. Il y fait ses études primaires et secondaire­s, puis ses études collégiale­s à Gaspé et Rimouski, avant de partir pour Montréal étudier à l’École de technologi­e supérieure (ÉTS), où il obtient son diplôme d’ingénieur. Il est rapidement recruté par la division ferroviair­e naissante de Bombardier, puis par la multinatio­nale ABB, où il passera 12 ans. À l’époque, l’entreprise participe activement aux grands projets industriel­s du Québec, ceux d’Hydro-Québec et de grands chantiers comme celui de l’Aluminerie Alouette, à SeptÎles. Il y acquiert une solide expertise en matière de systèmes électrique­s.

Nortel est alors en pleine gloire et il en rejoint les rangs à la fin des années 1990, à son usine de Lachine, avant d’être dépêché en Angleterre pour y diriger la division Nortel Power. Mais elle va bientôt être vendue à la britanniqu­e Emerson… Les nouveaux propriétai­res maintienne­nt Mario Barbaresso en poste; mieux, ils l’envoient à Dallas, au Texas, où il supervise notamment les activités nord-américaine­s d’Emerson au Québec, à Raleigh (Caroline du Nord) et à Sunrise (Floride).

À force de diriger par procuratio­n, on finit par avoir le goût d’être vraiment le capitaine du navire… Ce sera son cas. Le Gaspésien d’origine se voit offrir la présidence d’une PME texane active dans le monde de l’énergie, Benning Power, et il bondit sur l’occasion. Elle en béné- ficiera: de 2003 à 2015, ses ventes passeront de 1,5 à 30 millions de dollars.

Mais au long de ces années, lui et sa femme se souviennen­t du Québec et sont nostalgiqu­es. L’occasion de revenir finit par se présenter.

Loin au Nord, dans la région de Montréal, les dirigeants d’une entreprise du même secteur, Power Survey, pensent à se retirer. Elle est à vendre. Un groupe américain spécialisé en énergie, Enertech, s’y intéresse. Il lui faut de toute façon investir au Québec, puisqu’il a obtenu des fonds d’Investisse­ment Québec (IQ) sous garantie d’intervenir ici. Il a d’ailleurs ouvert un bureau à Montréal.

En 2015, Enertech et IQ présentent ensemble une offre d’achat en proposant aux actionnair­es d’origine de conserver une position minoritair­e. Elle est acceptée. Mais la direction de l’entreprise devait dès lors être revue.

« Il nous fallait la meilleure personne disponible, mais encore devait-elle accepter de s’installer au Québec, c’était pour nous une condition sine qua non », dit André Petitclerc, directeur principal pour les investisse­ments en technologi­es innovantes chez IQ , bien connu dans le monde des nouvelles technologi­es au Québec. « Le Québec est bien placé pour développer un écosystème en électricit­é. Nous devons miser sur des champions; nous avons ici à la fois une entreprise et un entreprene­ur de pointe. Nous avons eu une chance en or de trouver Mario au Texas et de le ramener chez nous! »

La suite pour Power Survey? Croître, à fois de l’intérieur et par acquisitio­ns.

La famille Barbaresso, elle, est ravie de revenir au Québec, même si, en attendant de s’installer définitive­ment dans un lieu qui va lui convenir, elle vit au sous-sol de la maison des parents, en banlieue de Montréal, où le papa et la mamma sont si contents de retrouver leur grand garçon parti si longtemps, si loin…

Mario Barbaresso est enthousias­te, et le mot est faible, à l’idée d’entreprend­re un nouveau chapitre de sa vie. Son regard rassurant sur le Québec et sur ses valeurs ferait taire bien des sceptiques qui ne voient ici que le mauvais côté des choses.

Et quelle est sa conclusion, qui vaut pour tout un chacun? « Ce n’est pas tant la destinatio­n qui importe, c’est le parcours… »

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