Les Affaires

Une idée d’entreprise comme souvenir de voyage

- Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc MatthieuCh­arest

Ceci n’est pas une attaque en règle contre les tout-inclus qui foisonnent dans le Sud. Il n’y a aucun mal à se détendre et à faire le vide. Mais outre les plages et les daïquiris, d’autres types de voyages peuvent inspirer un déclic entreprene­urial. Les Affaires a rencontré trois jeunes voyageurs québécois qui ont rapporté dans leurs valises l’idée, écrite en majuscules, qui allait les mener à se lancer en affaires.

La boîte qui fait voyager

Originaire du nord de la France, Max Rosselin travaille d’abord en publicité. Il a d’ailleurs déjà détenu une agence. Grand voyageur et grand amateur de bonne bouffe, il a visité le Brésil, la Finlande, l’Italie, la Grèce, le Mexique, l’île Maurice, entre autres, avant de débarquer au Québec il y a trois ans, où il a décidé de se réinventer.

« J’étais tanné de vendre des logos, des stratégies, de la matière grise. Je voulais du concret », racontet-il. C’est en revenant d’un souper en Estrie avec des membres de sa famille, installés ici depuis longtemps, qu’il a le déclic.

« Nous avons passé une magnifique soirée, ils m’ont fait découvrir des produits du terroir, puis à mon tour, je leur ai fait des spécialité­s de mon coin de pays. Comme lorsque je voyageais, j’avais plein d’idées préconçues sur la cuisine locale et une peur de l’inconnu; je me suis donc demandé comment je pouvais m’entraîner pour goûter à tout. C’est triste d’être en Martinique et de manger du spaghetti plutôt que des fruits de mer. »

Avec un associé, il lance Food Trip To. Tous les deux mois, ils proposent une nouvelle boîte thématique sur un pays, le Brésil par exemple. À l’intérieur, des produits secs, des recettes, des cadeaux du pays en question, des fiches culturelle­s, des jeux. Tout, sauf les ingrédient­s frais à acheter en épicerie, pour nourrir environ six personnes et découvrir en groupe un nouveau coin du monde. En prime, chaque boîte est une surprise.

La plupart des boîtes (60%) sont vendues dans les régions du Québec, où l’accès aux boutiques et épiceries de diverses communauté­s culturelle­s est plus restreint.

En sept mois d’activité, la PME a réalisé un chiffre d’affaires de 270 000$. Elle est actuelleme­nt en train de recueillir du financemen­t.

Made in Montréal, inspiré par le monde

Avant de cofonder MyCustomiz­er en 2010, Renaud Teasdale travaille pour Warrior Sports, un équipement­ier dont le siège social est établi à Detroit. Même si la division pour laquelle il travaille est située à Montréal, M. Teasdale voyage fréquemmen­t. À Detroit, bien sûr, mais en Asie également, où la plupart des manufactur­es se trouvent.

Designer de produits, Renaud Teasdale se spécialise de plus en plus dans la personnali­sation de l’équipement, notamment pour des produits destinés aux joueurs de la Ligue nationale de hockey.

Jusqu’au jour où son entreprise, détenue par New Balance, décide d’impartir le service. « Je leur ai dit : “Attendez un peu, moi, ça m’intéresse vraiment. Je vais fonder mon entreprise et vous me donnerez le contrat”. J’avais déjà visité plusieurs usines en Chine ou aux Philippine­s, et je savais que ces endroits-là étaient capables de fabriquer du sur-mesure. Il fallait maintenant concevoir un logiciel pour l’intégrer aux grandes marques. »

Il obtient le contrat de Warrior, auquel il se consacre pendant deux ans. Puis, « en voyant des réussites comme Shopify, nous avons décidé de lancer le logiciel pour que les autres y aient accès ».

Son entreprise emploie aujourd’hui six personnes et compte parmi ses clients la finlandais­e Sunto (montres) et New Balance. MyCustomiz­er engrange un chiffre d’affaires de près de 20 000$ par mois, qu’elle prévoit doubler sous peu.

De Hawaï à Saint-Henri

Quand Catherine Bégin perd son emploi dans les médias après huit ans de service, elle repart vers Hawaï, où elle est déjà allée à deux reprises. Elle y retourne cette fois avec un objectif précis: faire la randonnée du sentier Kalalau Trail, long de 18 km, un des plus dangereux au monde. Les pentes sont très escarpées: si quelqu’un tombe, il n’y a rien pour le rattraper.

« Je me suis dit: “Si je suis capable de me rendre au bout de cette randonnée, je suis capable de me lancer en affaires”, raconte-t-elle. C’est un sentier très meurtrier. En plus, j’ai peur des hauteurs et je ne suis pas la plus sportive ».

Elle y parvient. Au bout du chemin, elle et son conjoint se retrouvent dans une communauté hippie. « Ils nous ont dit: “Déshabille­z-vous et joignez-vous à nous!” Les gens y mangent ce qu’ils cueillent. L’archipel m’a vraiment inspirée par la fraîcheur des aliments, le courant très bio, végétarien, les fruits. »

De retour dans le quartier Saint-Henri, à Montréal, elle fonde l’atelier-boutique Pops Art, qui conçoit et fabrique des barres glacées santé, et où les produits locaux sont à l’honneur.

Elle en est maintenant à sa troisième année d’activité et emploie six personnes. Elle possède une flottille de triporteur­s qui couvrent certains événements, et ses produits sont distribués dans certaines boutiques spécialisé­es. Cet été, elle espère vendre 80000 produits. Ça va bien, donc, même si elle reconnaît que « c’est plus dur de se lancer en affaires que de faire cette randonnée-là ! »

réputées du monde. Elle compte 128 employés répartis dans sept bureaux, soit à New York, Washington, Stamford (Connecticu­t), San Francisco, São Paulo, Londres et Toyko.

Parmi ses clients au Canada, Eurasia Group affirme avoir trois des six plus grandes banques canadienne­s et deux des quatre plus importants fonds de pension au pays. Le chiffre d’affaires de la firme n’est pas public.

Les analystes d’Eurasia Group essaient de prévoir comment les enjeux politiques, sociaux, économique­s et de sécurité peuvent avoir un impact sur les investisse­urs, les multinatio­nales et les décideurs politiques dans le monde.

Par exemple, quel est l’impact de la politique étrangère de la Russie en Europe orientale sur les investisse­urs qui ont des placements dans cette région. De Risk à The Economist à Eurasia Group La passion d’Ian Bremmer pour la politique internatio­nale ne date pas d’hier. En fait, il est tombé dans la marmite quand il était adolescent.

« Je lisais The Economist et jouais à Risk à l’école secondaire. À l’époque, je n’avais jamais voyagé à l’étranger, mais je trouvais fascinant de vivre dans un monde diversifié et compliqué », dit-il.

C’est toutefois lors d’un voyage scolaire en Union soviétique en 1986, alors que Mikhaïl Gorbatchev est au pouvoir depuis un an seulement, qu’il comprend qu’il consacrera sa vie à l’analyse de la politique internatio­nale.

« J’avais 16 ans, et Gorbatchev venait de prendre le pouvoir. Il s’y passait des choses à propos desquelles je n’avais rien lu, et aucun de mes amis aux États-Unis n’était au courant de ces choses. Je suis alors devenu accro. »

Près de 20 ans après avoir fondé Eurasia Group, Ian Bremmer est devenu une référence mondiale en matière d’analyse du risque politique. On l’invite régulièrem­ent à prononcer des conférence­s, notamment au forum de Davos qui, chaque année en janvier, rassemble l’élite politique, économique et financière mondiale.

Il est aussi l’auteur de plusieurs essais sur le risque politique.

Malgré tout, Ian Bremmer a une certaine réticence à dire qu’Eurasia Group constitue une grande réussite d’affaires. Selon lui, la progressio­n de l’entreprise s’est faite par étape. Et il n’a pas l’intention de se reposer sur ses lauriers : « Il y a tellement d’autres choses que je veux faire ».

En revanche, il est parfaiteme­nt conscient de tout le chemin parcouru par son entreprise.

« Quand je regarde en arrière et que je me souviens de ce que j’avais en tête quand j’ai lancé Eurasia Group en 1998, je pense que j’aurais été très heureux de savoir où nous sommes rendus aujourd’hui. »

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