De politologue à entrepreneur
Entrepreneur, essayiste, chroniqueur et professeur, Ian Bremmer a fondé son entreprise en 1998, quelques années après avoir décroché un doctorat en sciences politiques de l’Université Stanford, en Californie, en 1994. Devenir un entrepreneur n’était cependant pas sa première option; ce l’est devenu par nécessité.
Ian Bremmer a d’abord étudié en sciences politiques. Toutefois, l’intellectuel de 46 ans n’a jamais eu l’intention de poursuivre une carrière universitaire. Comme le secteur privé n’embauchait pratiquement pas de politologues à l’époque, il a décidé de créer une firme, Eurasia Group, spécialisée dans l’analyse du risque politique pour les entreprises et les investisseurs. Pour vivre de sa passion.
« Je me suis établi à New York pour me trouver un emploi. Beaucoup de gens étaient très gentils avec moi, mais personne n’embauchait de politologues... À un moment donné, je me suis dit que, si je voulais vivre des sciences politiques, j’allais devoir créer mon propre emploi », confiet-il en entretien avec Les Affaires.
Ian Bremmer passe donc à l’action en 1998 avec seulement 25 000$ US en poche. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, ses débuts n’ont pas été trop semés d’embûches.
« Créer mon entreprise n’a pas été difficile dans le sens où j’ai tout fait par moi-même au début. De plus, je n’ai embauché personne avant de générer des revenus suffisants pour le faire », souligne-t-il.
Aujourd’hui, Eurasia Group est devenue l’une des firmes d’analyse du risque politique les plus Dans le milieu des technologies, tout le monde a une idée brillante et tout le monde veut améliorer la vie sur cette planète. La clé pour attirer l’attention des investisseurs, c’est toutefois de savoir trouver la limite entre passion, vision et sens des affaires, afin d’éviter les dérapages.
Martin-Luc Archambault en sait quelque chose. L’entrepreneur et ange investisseur, « dragon » à ses heures, en voit de toutes les couleurs: des patenteux tentant leur chance devant les caméras d’ICI Radio-Canada aux partenaires avec qui il doit négocier pour faire avancer sa propre entreprise, connue pour son application musicale éponyme AmpMe.
« La passion, vouloir changer le monde, ça ne doit pas freiner l’apprentissage. Il faut accepter la critique, les conseils. Une idée seule, ça n’a aucune valeur. On préfère miser sur un entrepreneur qui a déjà fait un bout de chemin, qui a peut-être même connu un ou deux échecs. »
L’échec. C’est un terme à la mode dans les cercles du capital-risque à saveur technologique. C’est une autre façon de parler du métier qui entre. Des épaulettes acquises à la dure. Une preuve qu’on n’a pas peur de prendre des risques, de suivre son instinct jusqu’au bout. Malgré l’adversité.
Contradictoire ? Tout à fait. Mais c’est ça, la passion. « Comme investisseur, on finit par faire de l’argent, mais c’est cette passion de se lancer en affaires qui compte », croit M. Archambault.
Retrouver le goût du risque
En capital-risque, c’est évident, le mot clé, c’est le risque. S’opposer au statu quo. Que ce soit dans le taxi, l’hébergement de courte durée, la vente de musique… Alouette !
Ce risque, pourtant, refroidit investisseurs et entrepreneurs, au Québec. Ça fait plusieurs années qu’on le constate : les jeunes Québécois sont beaucoup moins nombreux à se lancer en affaires que les autres Canadiens. À s’y risquer, pourrait-on dire.
Certains investisseurs vont donc plus loin qu’offrir des sous. Ils veulent redonner ce goût de changer les choses, de voir grand. « Les grands fleurons québécois datent des années 1970, 1980, 1990. On a vécu une période creuse au tournant des années 2000. Une génération d’entreprises a été perdue, on a voulu limiter la prise de risques », dit Jean-Sébastien Cournoyer, partenaire chez Real Ventures, à Montréal.
Lui-même un passionné de l’entrepreneuriat, il voit dans la façon dont les nouveaux venus s’expriment la renaissance de cette volonté de bâtir grand. « Quand on leur demande où ils se voient dans 5 à 10 ans, on leur demande aussi où ils comptent être dans leur secteur d’activité. » Plutôt que d’espérer vendre au plus offrant, ils parlent d’entrer en Bourse, de bâtir une marque mondiale, de dominer.
Pour M. Cournoyer, aucun doute : « Nous sommes à moins de 10 ans de voir de nouvelles entreprises québécoises dominantes, valant des milliards en Bourse, qui vont enterrer la question [du faible entrepreneuriat québécois] pour de bon ».
Un sentiment d’urgence
L’optimisme de M. Cournoyer est contagieux. L’ex-collègue et journaliste Julien Brault, qui a couvert pendant des années le secteur des jeunes pousses technologiques, a été piqué par la même mouche, plus tôt ce printemps. Un court séjour dans une firme d’investissement d’amorçage spécialisée dans le secteur financier l’a convaincu de fonder sa propre entreprise.
Malgré une situation financière précaire, Hardbacon, son site d’information et de recommandation sur les services financiers émergents, devrait être lancé sous peu. « Je n’ai pas un an pour générer des revenus, dit M. Brault. Ça crée une situation d’urgence qui me stimule. »
Et du risque. Et des revenus! « Mon produit minimum viable est très simple. Je veux informer, mais sans que ce soit banal. Je veux qu’il y ait de la passion. Je dois juste arrêter de m’éparpiller et m’y mettre », conclut-il. Car transformer sa passion en entreprise durable, ça demande quand même beaucoup de travail.