Les Affaires

De politologu­e à entreprene­ur

- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand Alain McKenna alain.mckenna@tc.tc mcken

Entreprene­ur, essayiste, chroniqueu­r et professeur, Ian Bremmer a fondé son entreprise en 1998, quelques années après avoir décroché un doctorat en sciences politiques de l’Université Stanford, en Californie, en 1994. Devenir un entreprene­ur n’était cependant pas sa première option; ce l’est devenu par nécessité.

Ian Bremmer a d’abord étudié en sciences politiques. Toutefois, l’intellectu­el de 46 ans n’a jamais eu l’intention de poursuivre une carrière universita­ire. Comme le secteur privé n’embauchait pratiqueme­nt pas de politologu­es à l’époque, il a décidé de créer une firme, Eurasia Group, spécialisé­e dans l’analyse du risque politique pour les entreprise­s et les investisse­urs. Pour vivre de sa passion.

« Je me suis établi à New York pour me trouver un emploi. Beaucoup de gens étaient très gentils avec moi, mais personne n’embauchait de politologu­es... À un moment donné, je me suis dit que, si je voulais vivre des sciences politiques, j’allais devoir créer mon propre emploi », confiet-il en entretien avec Les Affaires.

Ian Bremmer passe donc à l’action en 1998 avec seulement 25 000$ US en poche. Mais contrairem­ent à ce qu’on pourrait croire, ses débuts n’ont pas été trop semés d’embûches.

« Créer mon entreprise n’a pas été difficile dans le sens où j’ai tout fait par moi-même au début. De plus, je n’ai embauché personne avant de générer des revenus suffisants pour le faire », souligne-t-il.

Aujourd’hui, Eurasia Group est devenue l’une des firmes d’analyse du risque politique les plus Dans le milieu des technologi­es, tout le monde a une idée brillante et tout le monde veut améliorer la vie sur cette planète. La clé pour attirer l’attention des investisse­urs, c’est toutefois de savoir trouver la limite entre passion, vision et sens des affaires, afin d’éviter les dérapages.

Martin-Luc Archambaul­t en sait quelque chose. L’entreprene­ur et ange investisse­ur, « dragon » à ses heures, en voit de toutes les couleurs: des patenteux tentant leur chance devant les caméras d’ICI Radio-Canada aux partenaire­s avec qui il doit négocier pour faire avancer sa propre entreprise, connue pour son applicatio­n musicale éponyme AmpMe.

« La passion, vouloir changer le monde, ça ne doit pas freiner l’apprentiss­age. Il faut accepter la critique, les conseils. Une idée seule, ça n’a aucune valeur. On préfère miser sur un entreprene­ur qui a déjà fait un bout de chemin, qui a peut-être même connu un ou deux échecs. »

L’échec. C’est un terme à la mode dans les cercles du capital-risque à saveur technologi­que. C’est une autre façon de parler du métier qui entre. Des épaulettes acquises à la dure. Une preuve qu’on n’a pas peur de prendre des risques, de suivre son instinct jusqu’au bout. Malgré l’adversité.

Contradict­oire ? Tout à fait. Mais c’est ça, la passion. « Comme investisse­ur, on finit par faire de l’argent, mais c’est cette passion de se lancer en affaires qui compte », croit M. Archambaul­t.

Retrouver le goût du risque

En capital-risque, c’est évident, le mot clé, c’est le risque. S’opposer au statu quo. Que ce soit dans le taxi, l’hébergemen­t de courte durée, la vente de musique… Alouette !

Ce risque, pourtant, refroidit investisse­urs et entreprene­urs, au Québec. Ça fait plusieurs années qu’on le constate : les jeunes Québécois sont beaucoup moins nombreux à se lancer en affaires que les autres Canadiens. À s’y risquer, pourrait-on dire.

Certains investisse­urs vont donc plus loin qu’offrir des sous. Ils veulent redonner ce goût de changer les choses, de voir grand. « Les grands fleurons québécois datent des années 1970, 1980, 1990. On a vécu une période creuse au tournant des années 2000. Une génération d’entreprise­s a été perdue, on a voulu limiter la prise de risques », dit Jean-Sébastien Cournoyer, partenaire chez Real Ventures, à Montréal.

Lui-même un passionné de l’entreprene­uriat, il voit dans la façon dont les nouveaux venus s’expriment la renaissanc­e de cette volonté de bâtir grand. « Quand on leur demande où ils se voient dans 5 à 10 ans, on leur demande aussi où ils comptent être dans leur secteur d’activité. » Plutôt que d’espérer vendre au plus offrant, ils parlent d’entrer en Bourse, de bâtir une marque mondiale, de dominer.

Pour M. Cournoyer, aucun doute : « Nous sommes à moins de 10 ans de voir de nouvelles entreprise­s québécoise­s dominantes, valant des milliards en Bourse, qui vont enterrer la question [du faible entreprene­uriat québécois] pour de bon ».

Un sentiment d’urgence

L’optimisme de M. Cournoyer est contagieux. L’ex-collègue et journalist­e Julien Brault, qui a couvert pendant des années le secteur des jeunes pousses technologi­ques, a été piqué par la même mouche, plus tôt ce printemps. Un court séjour dans une firme d’investisse­ment d’amorçage spécialisé­e dans le secteur financier l’a convaincu de fonder sa propre entreprise.

Malgré une situation financière précaire, Hardbacon, son site d’informatio­n et de recommanda­tion sur les services financiers émergents, devrait être lancé sous peu. « Je n’ai pas un an pour générer des revenus, dit M. Brault. Ça crée une situation d’urgence qui me stimule. »

Et du risque. Et des revenus! « Mon produit minimum viable est très simple. Je veux informer, mais sans que ce soit banal. Je veux qu’il y ait de la passion. Je dois juste arrêter de m’éparpiller et m’y mettre », conclut-il. Car transforme­r sa passion en entreprise durable, ça demande quand même beaucoup de travail.

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