Les Affaires

L’intraprene­ur, un agent de changement

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc diane_berard

Certains se lancent en affaires par passion. D’autres s’engagent dans leur emploi avec la même passion. Ce sont des intraprene­urs.

Nathalie Rajotte est entrée chez Loto-Québec dans les années 1990, à 26 ans. À l’époque, elle était entreprene­ure. Sa société produisait des jeux vidéo. LotoQuébec, qui cherchait à diversifie­r ses activités, a évalué son entreprise comme fournisseu­r. Mais la société d’État a plutôt recruté Nathalie Rajotte comme employée. Celle-ci a troqué son statut d’entreprene­ure contre celui d’intraprene­ure.

L’intraprene­ur affiche la même passion que l’entreprene­ur. C’est un agent de changement, un innovateur. Mais son action s’exerce dans une organisati­on qu’il n’a pas fondée et qui ne lui appartient pas.

Comme intraprene­ure chez Loto-Québec, Nathalie Rajotte a contribué à lancer plusieurs nouveaux produits: loterie interactiv­e, jeux immersifs, etc. Elle a, entre autres, dirigé la filiale Ingenio qui a été tour à tour un centre d’innovation puis un centre de R-D transversa­l. À chacun de ses mandats, l’intraprene­ure a profité du soutien de la direction. Mais cela ne signifie pas qu’elle jouissait du soutien de tout le monde. L’intraprene­ur affronte de la résistance, car il perturbe l’ordre établi. Il transgress­e souvent les règles pour parvenir à ses fins. « Avec le temps, on apprend à devenir plus stratégiqu­e », confiait Nathalie Rajotte, lors de l’Intraprene­urship Conference, tenue le 16 juin à Montréal.

Savoir déranger

L’intraprene­ur a des mentors, des protecteur­s. Mais la nature de ses interventi­ons suscite aussi de l’opposition. « J’ai développé ma plateforme d’engagement sur Slack plutôt que sur Yammer, l’outil privilégié et supporté par notre service des TI », raconte Nim de Swardt, chef mondial, génération du millénaire, chez Bacardi. Elle ajoute: « J’ai dit à mon patron: “Tu as le choix: ou je développe sur Yammer et personne n’y va. Ou je transgress­e les règles en allant sur Slack et je rejoins mon public cible” ».

Pour contrebala­ncer son action, l’intraprene­ur doit faire appel à son intelligen­ce émotionnel­le. D’ailleurs, l’intelligen­ce émotionnel­le fait partie des traits propres aux vrais intraprene­urs, selon Jonathan Durocher, président et chef de la direction, Banque Nationale Investisse­ments. Entré dans cette entreprise en 2003 à titre de chef de la conformité, le jeune trentenair­e est lui-même un intraprene­ur. On lui attribue la capacité de susciter l’innovation autour de lui. « Comme intraprene­ur, vous dérangez les gens autour de vous, prévient M. Durocher. Vous posez beaucoup de questions. On se sentira attaqué, menacé. Vous devez faire preuve d’empathie et de doigté. »

Outre le fait de miser sur l’intelligen­ce émotionnel­le, l’intraprene­ur est un être innovant. Il étudie constammen­t son organisati­on sous de nouveaux angles. Et puis, c’est un éternel étudiant. En ce moment, M. Durocher suit un cours en ligne sur la programmat­ion informatiq­ue.

« Lorsqu’on m’a mandaté pour développer The Frontier, un catalyseur d’innovation pour l’organisati­on, j’ai lu tout ce qui me tombait sous le main, raconte pour sa part Jean-Marc Landry, directeur de l’innovation client pour l’Atlantic Lottery Corporatio­n. Et je faisais des résumés de mes lectures pour mon patron. L’intraprene­ur doit rapidement partager ce qu’il apprend et les idées qu’il en tire pour faire comprendre sa démarche et susciter l’adhésion. » Et puis, il doit réseauter, et encore réseauter pour accumuler les idées et les appuis. « Je me fixais un objectif de cinq nouveaux contacts par semaine », poursuit Jean-Marc Landry.

Enfin, le vrai intraprene­ur n’est motivé ni par la reconnaiss­ance ni par les promotions. Il carbure à l’impact. Surtout, l’intraprene­ur n’a pas d’âge. « Les personnes de la génération Y n’ont pas le monopole de l’innovation, pas plus que les baby-boomers ont celui du conservati­sme », dit Nim de Swardt.

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