Les Affaires

IMMERSION DANS LA PREMIÈRE COHORTE « TECHNO » DE L’ÉCOLE D’ENTREPRENE­URSHIP DE BEAUCE

- Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc MatthieuCh­arest

Saint-Georges — Ils débordent de volonté, d’ardeur et d’idées. Et parce qu’à Les Affaires, nous croyons aux vertus du sommeil, ils nous ont épuisé. Au coeur de la Beauce, nous avons été invité en exclusivit­é à rencontrer les 18 entreprene­urs de la toute première cohorte « techno » de l’École d’entreprene­urship de Beauce (EEB). Deux jours intenses où se sont succédé en juin des activités sportives, du réseautage et des cours où tous les sujets ont été abordés, même les plus personnels et litigieux.

Dès notre arrivée à l’École, après les quelque 300 kilomètres qui nous séparent du journal, nous sommes attrapé au vol par Valérie Parent. La directrice du rayonnemen­t de l’École nous breffe sur le programme de la journée. Surtout, « faites attention à ne pas révéler les détails trop personnels qui seront évoqués lors de votre passage. Ici, les gens disent tout, c’est un espace de liberté. Nous ne voulons pas leur nuire », plaide-t-elle. C’est entendu.

À peine le temps d’avaler un lunch santé, l’une des marques de commerce de l’École, nous sommes attendu au cours qui débute dans une grande salle vitrée. Il est environ 13 heures.

Daniel Robichaud, entreprene­ur en série (qui a notamment créé PasswordBo­x), et MartinLuc Archambaul­t, l’un des dragons de l’émission diffusée à Radio-Canada et créateur de l’applicatio­n AmpMe, sont les professeur­s. Ici, nous sommes loin du décorum universita­ire. Exit la pédagogie, les profs sont décontract­és, parlent un franglais de start-up et ont de l’expérience de terrain.

Derrière les portes closes, pas de gants blancs

Premier tour de table. Un par un, tous se nomment, présentent leur entreprise et expliquent la raison de leur présence dans cette première édition du parcours spécialisé techno qui s’étalera sur un an, en incluant une semaine au Massachuse­tts Institute of Technology (MIT). Pour Étienne Crevier, de BiogeniQ , c’est pour apprendre à exporter et à optimiser la valeur à vie de ses clients. Christian Genest, l’homme derrière Sushi Taxi, cherche à affiner ses relations avec sa clientèle. Pour l’autre, c’est de savoir comment aller chercher du capital de risque, ou encore, comment trouver des partenaire­s d’affaires. Ça tombe bien, l’EEB est réputée pour son réseau tentaculai­re.

Si toutes les entreprise­s présentes touchent de près ou de loin aux technologi­es, elles varient du tout au tout. Du créateur de logiciel au média local, en passant par des applicatio­ns pour rendre les maisons intelligen­tes. Et parmi les 18 étudiants, ou « athlètes » comme on les surnomme à l’École, une seule femme.

Messieurs Robichaud et Archambaul­t se présentent également. S’ils sont connus du Québec inc. et de la communauté start-up et techno, ils se révèlent comme jamais ; jusqu’à dévoiler les chiffres les plus confidenti­els sur leurs entreprise­s. Le montant de certaines transactio­ns, le nombre d’utilisateu­rs, etc. Une chance inouïe pour des entreprene­urs en pleine ascension : ils connaissen­t maintenant les bons et les mauvais coups de leurs idoles. Sans faux-semblants, même les problèmes de couple y passent.

Après une brève discussion sur l’importance des brevets et les bonnes firmes d’avocats à engager, un atelier débute. Comment dénicher « des joueurs étoiles » pour son équipe.

D’abord, comment recruter les meilleurs employés ? Oui, LinkedIn est un outil intéressan­t, explique Martin-Luc Archambaul­t, mais passer par ses propres employés, c’est encore mieux. « Je vais toujours voir mon équipe et je leur demande : “C’est qui la personne la plus smart que tu connaisses et qui ne travaille pas encore ici ? ” C’est rare que je fasse appel à des agences de recrutemen­t, moi, je veux des gens passionnés. Et avant d’embaucher quelqu’un, je lui lance un défi, un problème à régler. Ça prend quelques heures ; s’il est intéressé, il va prendre le temps. »

Puis, Daniel Robichaud poursuit, exemples à l’appui, sur l’importance de la diligence raisonnabl­e. « Faites une enquête sur vos nouveaux employés. Ça coûte peut-être 150 $ et ça peut vous éviter des tas de problèmes. D’autant que, si vous vendez, l’acheteur va en faire, lui, des background checks [vérificati­on des antécédent­s] de votre équipe. » Bref, même si votre nouvelle recrue semble parfaite, elle a peut-être commis des fraudes par le passé ou abusé de substances illicites.

Les questions et les études de cas fusent. Le groupe s’exerce à renvoyer des employés, puis chacun analyse son équipe dans les moindres détails. Qui est nécessaire, qui devrait partir ? Ici, pas de fausse gentilless­e, on se parle dans le blanc des yeux.

Hockey bottine et réseautage

L’après-midi passé, tout le groupe est invité à jouer au hockey bottine à l’extérieur. Il doit faire 39 degrés à l’ombre. Malgré le soleil de plomb, à peu près tout le monde participe, recouvert d’équipement. Alors que n’importe quel humain normalemen­t constitué serait fatigué, ils courent et jouent avec enthousias­me. Nous sommes en présence d’entreprene­urs. Mi-humain, mimachine de guerre, il y a de quoi se sentir paresseux à les voir aussi énergiques. Quoique, à 40 000 $ par participan­t et 6 000 $ pour leur accompagna­teur, il faut rentabilis­er l’investisse­ment. Et ne vient pas qui veut, « notre proces- sus de sélection est très rigoureux », affirme Katia Renaud, directrice R-D de l’établissem­ent.

Après la douche, vers 19 heures, c’est le moment de souper. Les tables sont installées à l’extérieur par l’équipe, le cadre est bucolique. Aux tables, ça discute fort. Les participan­ts sont invités à trouver un mentor afin de les accompagne­r pendant le parcours. Autour d’un bon verre de rouge, on jase, mais les participan­ts se vendent aussi auprès des mentors qui sont présents pour les appuyer et leur ouvrir tout leur réseau, au besoin.

L’un des participan­ts, Hans Pelletier, de l’entreprise Web gnak.ca, en est à son deuxième programme à l’EEB. Même s’il y croit, il n’en pense pas moins que « c’est un peu sectaire ». « Lors de ma première présence ici, j’ai perdu 45 livres. J’ai beaucoup travaillé sur moi. Ici, ils te déprogramm­ent pour mieux te reprogramm­er. C’est même dur de ne pas renvoyer tous tes employés en revenant chez toi tellement tu es sur un high. [ Rires.] »

Passé 22 heures, et puisque le levé est prévu à 6 heures le lendemain, nous quittons discrèteme­nt les lieux. D’autres, inépuisabl­es, veilleront jusqu’aux petites heures autour du feu.

Et le manège est reparti

Le lendemain matin, à 7 heures, tout le monde se retrouve pour le déjeuner. Même les plus vaillants, ceux qui ont dormi quelques heures à peine, y sont, en pleine forme. Vers 8 heures, les cours reprennent.

La discussion de départ porte sur les meilleures pratiques pour dénicher du financemen­t. « Soyez concis dans vos courriels, montrez vos réussites passées. Les investisse­urs veulent investir dans quelqu’un d’abord. Si possible, demandez à un contact commun de vous présenter », expliquent nos deux professeur­s. « Et si les investisse­urs trouvent que vous n’êtes pas rendu là où il le faut, demandez-leur ce qu’ils veulent, vous aurez l’air intelligen­t. » Les conseils sont pratiques, les exemples, bien ficelés.

Ce l’est moins quand Martin-Luc Archambaul­t s’aventure sur l’art d’obtenir une couverture médiatique. Les conseils qu’il donne sur la meilleure approche en relations avec les médias pourraient être remis en question par les journalist­es. « Cibler des journalist­es spécifique­s », oui, très bonne idée. Mais « rendez-leur la tâche facile, ils sont paresseux », moins fort. « Envoyez un court courriel comme teaser [accroche] et dites-leur qu’ils auront plus de détails s’ils acceptent l’embargo », pas vraiment, ils n’ont pas le temps de jouer au chat et à la souris. « Des médias québécois, c’est bien, mais vous voulez de grands médias américains », bonne chance. Obtenir une couverture dans un média québécois est déjà difficile, imaginez à l’internatio­nal.

Après deux journées intenses, nous reprenons la route vers la métropole, repu de conseils et de stratégies intéressan­tes pour les entreprise­s qui oeuvrent en techno. Et si le contenu était intéressan­t, c’est surtout la passion et la vivacité de ces entreprene­urs qui impression­nent.

« Ici, ils te déprogramm­ent pour mieux te reprogramm­er. C’est même dur de ne pas renvoyer tous tes employés en revenant chez toi tellement tu es sur un high. [ Rires.] » – Hans Pelletier, de Gnak, participan­t à la première cohorte « techno » de l’École d’entreprene­urship de Beauce

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Les 18 entreprene­urs de la première cohorte « techno » de l’École d’entreprene­urship de Beauce ont disputé une partie de hockey sous un soleil de plomb en juin. Cela faisait partie de deux journées d’activités intenses pendant lesquelles les...

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