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LES NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE

- Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc MatthieuCh­arest

Pendant que les Québécois s’adonnent à leur sport national, zigzaguer entre les cônes orange, la Chine bouge. Et vite. Afin de relancer son économie, Beijing investit des dizaines de milliards de dollars américains dans le projet One Belt, One Road. Un mégaprojet d’infrastruc­ture, à la fois politique et économique, qui recèle des occasions d’affaires en or pour les entreprene­urs canadiens.

Il s’agit de deux corridors, l’un maritime, l’autre terrestre, qui permettron­t à la Chine d’ouvrir de nouvelles voies pour exporter et asseoir son autorité en créant des liens avec des dizaines de pays sur trois continents. Du Sri Lanka au Kenya, jusqu’en Europe. De nouveaux ports, aéroports, barrages hydroélect­riques, autoroutes et voies ferrées, notamment, sont prévus. Le tout financé en bonne partie, avec 100G$ US de capital initial, par la nouvelle Banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures (BAII), qui est partiellem­ent contrôlée par le gouverneme­nt chinois – il possède environ 30% des parts, selon l’AFP. Parmi les autres pays qui ont contribué au capital de la BAII, on retrouve l’Inde (8,4%), la Russie (6,5%), l’Allemagne (4,5%) et la France (3,4%).

« S’ils veulent maintenir leur croissance, ils doivent investir », affirme Huhua Cao, professeur de géographie à l’Université d’Ottawa. Même si la croissance du PIB annuel chinois a de quoi faire saliver les pays occidentau­x, elle ralentit. De 14,2% en 2007, elle sera de 6,45% en 2017, prévoit la Banque mondiale.

« C’est une priorité pour la Chine, poursuit M. Cao. Et cette idée lancée en 2013 aide au passage Xi Jinping, qui cumule les fonctions de président et de secrétaire général du Parti communiste. Il a beaucoup de problèmes à l’interne, son style autoritair­e “à la Mao” déplaît. »

Après des décennies de développem­ent effréné, la Chine a non seulement atteint « une surcapacit­é de production dans tous les domaines, mais a aussi accumulé beaucoup de capitaux », explique Zhan Su, professeur de stratégie et de management internatio­nal et titulaire de la Chaire Stephen-A.-Jarislowsk­y en gestion des affaires internatio­nales à l’Université Laval. « [Les nouvelles routes de la soie], c’est un projet très sensé. Toutefois, les Américains et les Japonais ne sont pas très enthousias­tes. Ça menace leur hégémonie. »

Malgré les réticences américaine­s, plusieurs pays occidentau­x veulent se joindre à la BAII. Le Royaume-Uni et l’Australie, pour ne nommer que ceux-là, ont déjà manifesté leur intérêt, selon un rapport produit par The Economist Intelligen­ce Unit.

Pourtant, les Canadiens se font discrets. « Nous n’en profitons vraiment pas assez! Nous ne sommes pas assez à l’affût des occasions d’affaires qui découleron­t du projet One Belt, One Road », se désole M. Cao.

« Nous avons tout ce qu’il faut pour en bénéficier. Nous avons de bonnes relations avec la Chine et nous possédons beaucoup d’expertises, dans les infrastruc­tures par exemple, qui sont très recherchée­s là-bas. »

Mais le gouverneme­nt fédéral veut ménager la chèvre et le chou, soit profiter des volontés titanesque­s de Beijing, tout en maintenant ses relations privilégié­es avec les États-Unis. « Nous sommes un peu menottés, dit M. Su. Nous dépendons beaucoup des Américains. Mais le Canada affichant un déficit commercial, il ne faut surtout pas boycotter les initiative­s chinoises. Ça ne fait aucun doute, il y a plusieurs occasions d’affaires intéressan­tes à explorer dans ce projet. »

« Cette idée lancée en 2013 aide au passage Xi Jinping, qui cumule les fonctions de président et de secrétaire général du Parti communiste. » – Huhua Cao, professeur de géographie à l’Université d’Ottawa

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