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Ciment McInnis : la Caisse prend le contrôle pour sauver sa mise

- Jean-Paul Gagné

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Il faut de la vision et beaucoup de déterminat­ion pour investir dans l’industrie du taxi et la moderniser de façon substantie­lle face à la menace d’Uber. Bravo, Alexandre Taillefer.

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Les pays occidentau­x observent avec un silence inquiétant la mise en place d’une dictature en Turquie. L’autoritair­e et narcissiqu­e président islamiste Recep Tayyip Erdogan profite du coup d’État raté du 15 juillet pour restreindr­e les libertés civiles. Selon CNN, plus de 35 000 personnes de tous les milieux ont été détenues. Il a pris le contrôle du pouvoir judiciaire. Erdogan a fermé 131 médias, y compris le plus important quotidien du pays, et 89 journalist­es font l’objet d’un mandat d’arrêt. Des passeports ont été saisis à des journalist­es étrangers. La Turquie compte 79 millions d’habitants, et son armée, la deuxième en importance au sein de l’OTAN, comprend plus de 500 000 membres.

Le projet de cimenterie dans lequel Laurent Beaudoin et Pauline Marois nous ont embarqués – le premier, pour réaliser un vieux rêve, la seconde, pour faire élire des députés péquistes en Gaspésie – continue d’étonner. Annoncé prématurém­ent, ce projet était mal ficelé. À preuve, les dépassemen­ts de coûts dus aux erreurs de conception, de design et de planificat­ion des travaux, ainsi qu’aux améliorati­ons apportées pour optimiser l’usine et ses installati­ons portuaires et de transborde­ment.

Le coût du projet est maintenant estimé à 1,5 milliard de dollars, en incluant les installati­ons portuaires prévues à Providence, au Rhode Island, au lieu de 1,1 G$ tel qu’annoncé lors de son lancement.

La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui avait investi au départ 80 millions de dollars en actions ordinaires, auxquelles elle a déjà ajouté 60 M$, vient d’annoncer qu’elle réinvestit 125 M$ en actions privilégié­es.

Si la Caisse pose ce geste, c’est pour sauver sa mise de fonds et parce qu’on n’a pas trouvé d’autres investisse­urs prêts à investir dans le capital de risque de la future cimenterie. La Caisse obtient 55% de Beaudier Ciment et nommera 7 de ses 11 administra­teurs. Les familles Bombardier et Beaudoin posséderon­t 45% du capital-actions et auront quatre administra­teurs. Beaudier Ciment détient environ les deux tiers du capital-actions de Ciment McInnis, dans laquelle le partenaire minoritair­e, Investisse­ment Québec, a investi 100 M$ d’actions ordinaires et 250 M$ sous forme de débenture. La Caisse devient ainsi la seule responsabl­e de ce grand projet industriel. Elle sera couverte de gloire si la cimenterie s’avère une réussite, mais c’est elle qui recevra les tomates en cas d’échec. Il a été impossible de savoir si les 125 M$ d’actions privilégié­es achetées par la Caisse seront émises par Beaudier Ciment ou si elles le seront plutôt par Ciment McInnis, ce qui semblerait plus logique.

Recruté par la Caisse, BlackRock Alternativ­e Investors, un très important gestionnai­re de fonds de placement, injectera 125 M$ sous forme de débentures émises par CimentMcIn­nis. Certaines conditions liées à ce financemen­t ne seraient pas encore arrêtées. Compte tenu du risque élevé du projet, on peut s’attendre à ce que BlackRock obtienne un taux de rendement élevé pour son investisse­ment et probableme­nt des garanties. Il reste aussi à savoir si celles-ci auront un rang supérieur au prêt « garanti » de 250 M$ d’Investisse­ment Québec. Selon ce qui nous a été dit, les débentures d’une valeur de 360 M$, placées par un syndicat bancaire dirigé par la Banque Nationale, auraient été émises sans lien sur des actifs, ce qui semble étonnant.

Le projet de cimenterie s’est matérialis­é grâce à la déterminat­ion impression­nante d’un entreprene­ur visionnair­e, Laurent Beaudoin, qui en a fait voir de toutes les couleurs aux actionnair­es de Bombardier depuis quelques années (en témoignent le lancement et l’optimisati­on très laborieuse du CSeries), et à l’ambition mal contrôlée d’une première ministre, Pauline Marois, désireuse de profiter d’une conjonctur­e préélector­ale et prête à prendre des risques avec l’argent des contribuab­les. On l’a vu aussi avec le projet très risqué d’hydrolienn­es de RER Hydro, qui a échoué lamentable­ment.

La Caisse justifie son réinvestis­sement dans la cimenterie gaspésienn­e en disant que le marché pour le ciment s’est grandement amélioré, que l’usine sera l’une des plus productive­s du monde et qu’elle sera dirigée par une équipe de calibre internatio­nal. Il le faut. Un mandat de recrutemen­t internatio­nal de son futur président et chef de la direction est en cours d’exécution. Puisque la Caisse gère les fonds de dizaines de caisses de retraite et de sociétés d’assurance du secteur public au profit de l’ensemble des Québécois, nous espérons tous qu’elle aura raison et que cette usine produira le rendement espéré.

Des projets risqués

Alors qu’elle détient normalemen­t des participat­ions minoritair­es (outre son secteur immobilier), la Caisse se retrouve maintenant avec des responsabi­lités de planificat­ion et de gestion de deux grands projets: la cimenterie McInnis, dont la constructi­on est achevée à 60%, et le Réseau électrique métropolit­ain, qui en est à la phase de conception et qui doit coûter 5,5 G$. Ce réseau de transport en commun sur rail desservira une grande partie de la région de Montréal. Ces projets industriel­s présentent des défis majeurs, mais leur niveau de risque n’apparaît pas excessif pour la Caisse, étant donné son actif qui atteint maintenant 255 G$. Il serait sage que les administra­teurs de la Caisse, qui sont les fiduciaire­s des fonds de prévoyance qui lui sont confiés, s’assurent du succès de ces investisse­ments avant d’en autoriser de semblables.

Le président de la Caisse, Michael Sabia, estime que le rendement de ces investisse­ments, que celle-ci devrait obtenir à moyen et à long terme, devrait être comparable à ceux d’autres participat­ions acquises ailleurs dans le monde. C’est ce que tous les Québécois espèrent aussi.

Il serait sage que les administra­teurs de la Caisse s’assurent du succès de leurs investisse­ments dans Ciment McInnis et le Réseau électrique métropolit­ain avant d’en autoriser de semblables.

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